L'Hôtellerie Restauration : Comment avez-vous perçu l'éviction de Denis Hennequin dont vous aviez pourtant salué l'arrivée ? Pensez-vous qu'il ait été une victime collatérale de la crise ?
Paul Dubrule : Bien que cela n'ait pas été l'élément essentiel, c'est en effet l'une des raisons. Denis Hennequin faisait, avec Yann Caillère, un travail remarquable pour le développement d'Accor, tout en étant très proche de ses troupes et des franchisés. Or, sa position l'obligeait à rendre constamment des comptes au conseil d'administration et aux actionnaires, qui lui demandaient des résultats immédiats. Ceux-ci n'étant pas au rendez-vous en raison de la crise, Denis Hennequin était mis sous pression, une pression excessive à mes yeux.
L'un des reproches fait à Denis Hennequin est de n'avoir pas pris à temps le virage de la distribution sur internet. Pensez-vous que cela remette en cause le modèle économique du groupe - 40 % d'hôtels managés, 40 % de franchisés, 20 % en filiale -, prolongement de la politique menée par ses prédécesseurs ?
Je n'ai jamais été convaincu du modèle économique de l'asset light souhaité par Accor. La première raison est que je ne le trouve pas tout à fait clair. En effet, l'idée de vendre les murs, et non la société d'exploitation, ne me paraissait pas évidente, surtout à partir du moment où les murs se vendaient à des prix très élevés. Cela a entraîné pour Accor une forte hausse des loyers, ce qui a ruiné les résultats d'exploitation.
La deuxième raison de mon désaccord réside dans le fait que la trésorerie ainsi récupérée sur la vente des murs devait servir soit au développement d'Accor soit à l'investissement dans la distribution. En aucun cas, elle ne devait être redistribuée aux actionnaires sous la forme d'un dividende exceptionnel. Ce fut pourtant la volonté des fonds Colony Capital et Eurazeo, qui ont eu gain de cause étant donné qu'à eux deux, ils forment 21,42 % du capital et 31,08 % des droits de vote [au 31 décembre 2012, NDLR]. Quant au modèle économique 40/20/20, je pense que cette formule mériterait d'être modulée en fonction de la typologie des hôtels et de leur catégorie. En effet, garder 20 % d'actifs sur les gros porteurs et le haut de gamme n'a pas vraiment de sens. En revanche, dans l'économique, le quota devrait être plus important.
Comprenez-vous l'inquiétude des franchisés dans cette nouvelle gouvernance.
Les franchisés ont raison d'être vigilants. Heureusement, la nomination de Yann Caillère au poste de directeur général est une excellente chose car c'est un vrai pro. Il a toute ma confiance et il est tout à fait capable de mettre Accor sur de bons rails. J'espère que sa feuille de route va satisfaire les actionnaires.
Vous avez dû entendre parler de candidats pressentis à la tête d'Accor. Avez-vous une opinion ?
Je me garderais bien d'en avoir une. Vouloir nommer un président comme précédemment serait risqué. Je préférerais qu'il soit non exécutif, sinon il risquerait de se trouver en confit avec Yann Caillère, ce qui n'est pas souhaitable. Pour moi, Yann Caillère est le candidat parfait pour l'opérationnel, qui est à mon sens mal perçu encore par les actionnaires qui voudraient appliquer à Accor le modèle américain. Or, ce groupe est différent car il gère une multitude de PME et TPE, qui ont un lien quasi affectif avec lui. Nous devons conserver notre modèle et je sais que Yann Caillère l'approuve également.
Publié par Propos recueillis par X. S.