L’expression no show est utilisée pour désigner le fait qu’un client ne se présente pas le jour prévu sans prévenir l’établissement. En hôtellerie, ce phénomène de plus en plus fréquent engendre des conséquences financières non négligeables, car une chambre qui n’est pas vendue à la fin de la journée est définitivement perdue.
Très souvent, les hôtels prennent des garanties au moment de la réservation, de différentes manières :
- en réclamant des arrhes à leurs clients ;
- en demandant un prépaiement par carte bancaire, permettant de facturer tout de même le client qui ne s’est pas présenté sans prévenir ;
- en proposant une tarification inférieure au prix habituel qualifié de ‘sommes non remboursables’.
La TVA s’applique-t-elle sur les arrhes conservées par l’hôtelier ?
Jusqu’à une décision de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) du 18 juillet 2007, l’administration fiscale considérait qu’il y avait lieu de soumettre ces sommes à la TVA. Un contentieux avait été initié en 1992, par la Société thermale d’Eugénie-les Bains, qui percevait des arrhes des curistes au moment de la réservation des chambres et les conservait en cas d’annulation, considérant qu’il s’agissait d’indemnités versées en réparation du préjudice subi en raison de la défaillance des clients.
En conséquence, les sommes conservées n’avaient pas été soumises à TVA, ce que l’administration fiscale française contestait.
La CJCE, après analyse approfondie des principes juridiques, a conclu que les arrhes conservées constituaient une indemnité forfaitaire de résiliation destinée à réparer un préjudice subi en raison de la défaillance du client, sans lien avec un quelconque service rendu part cette dernière, sur le principe : “Sans prestation, il ne peut y avoir de TVA.”
Le cas des billets d’avions
L’analyse de la Cour publiée, la discussion paraissait close. C’était sans compter la ténacité de l’administration fiscale française sur le sujet des billets émis non utilisés (BENU), considérés par les compagnies aériennes comme non soumis à TVA.
Par une décision de décembre 2015, la CJCE a considéré que ces billets était soumis à TVA, considérant que le passager achète un droit au bénéfice d’une prestation de transport, indépendamment du droit de celui-ci de l’utiliser. La prestation est considérée comme réalisée dès lors que la compagnie met le passager en mesure de bénéficier de cette prestation.
Mise à jour de la doctrine fiscale en mai 2022
Le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip), qui définit la doctrine de l’administration fiscale sur l’application des textes du Code général des impôts, précise dans un document publié en mai 2022 l’articulation de deux décisions de la CJCE, comme suit :
- sont soumis à TVA tous les montants appliqués par les opérateurs d’une prestation, y compris au titre des facultés de dédit ménagées au client et conservés par l’opérateur en cas de non-fourniture du service. Ces montants sont à distinguer des sommes ayant pour seul objet la réparation d’un préjudice, qui elles ne sont pas soumises à TVA ;
- la qualification au regard de la TVA d’une somme non remboursable ne dépend pas du comportement individuel du client, notamment quand le client ne se présente pas.
Nouveau rebondissement suite à une décision de la cour administrative d’appel de Paris du 10 juin 2022
Un rebondissement est toutefois intervenu suite au cas récent d’un contentieux dans un hôtel dans le sud de la France. Lors de la réservation, le client paye le prix total de son séjour. Considérant que les sommes ainsi conservées constituent des indemnités forfaitaires en parfaite conformité avec la jurisprudence communautaire de 2007 relative au secteur hôtelier, la société ne soumet pas ces sommes à la TVA en cas de no show.
L’administration fiscale conteste cette analyse et considère que les sommes en cause constituent la rémunération d’une prestation de services (en s’appuyant sur la jurisprudence communautaire de 2015 relative au transport aérien).
La décision surprenante de la cour d‘appel de Paris repose alors sur les faits relevés dans cet établissement, à savoir :
- le paiement d’une prestation qui n’est finalement pas consommée ne peut s’apparenter à la réparation d’un préjudice, lorsque le prestataire a reloué à un tiers la chambre réservée par le client défaillant ;
- le paiement de la prestation totale en cas de client défaillant ne peut être assimilée à des arrhes, au sens des dispositions de l’article 1590 du code civil.
De plus, si la chambre réservée est finalement utilisée par un autre client, l’hôtel serait dans l’obligation de collecter à deux reprises la TVA :
- une première fois sur la réservation non honorée au taux normal (20 %), puisque cette prestation ne peut être qualifié de ‘prestation d’hébergement’ ;
- une deuxième fois sur la prestation d’hébergement qui bénéficie du no show du client défaillant au taux réduit (10 %).
Le Bofip de mai 2022 vient préciser les contours de l’application ou non de la TVA en cas de no show, notamment en fonction de la politique tarifaire du prestataire, et l’existence ou non d’un préjudice pour l’hôtelier suite à la défaillance de son client.
Le conseil de l’expert
Il y a lieu de remarquer que les politiques tarifaires pratiquées par bon nombre d’opérateurs ont tendance à s’uniformiser autour de ‘prestations non remboursables’, et que les tarifs proposés mentionnant la notion d’arrhes ont tendance à se raréfier. Il parait donc important de relire ses conditions générales de vente, avant de décider de l’imposition ou non à la TVA de ces no shows. On observe également que l’administration fiscale, au vu de sa doctrine récente et des contentieux qui sont menés en parallèle par ses services, a tendance à durcir les conditions d’exonération de la TVA à des cas très particuliers donc forcément réduits. Il y a donc lieu de rester très prudent dans l’attente de la confirmation ou non de la décision de la Cour d’appel de Paris. |
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Publié par Christian Bardet/In Extenso