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Après avoir vécu en France pendant dix-sept ans, Naina de Bois-Juzan renoue avec ses origines maternelles. Destination : New Delhi. Séduite par le bouillonnement de la capitale indienne, elle regrette néanmoins l'absence d'un petit bistrot, comme elle les aime tant à Paris. "Si personne n'ouvre le restaurant dont j'ai envie, je le ferai moi-même", se dit cette diplômée en sciences politiques. N'ayant aucune expérience en restauration, elle réalise une étude de marché pour confirmer son intuition, avant de s'envoler vers Paris, à la rencontre de chefs et de patrons de bistrots. Elle jongle ensuite entre les démarches administratives, le recrutement d'un chef français, les travaux qui prennent beaucoup de retard… Deux ans plus tard, en juillet 2013, le Bistro du parc ouvre ses portes à Defence Colony - un quartier central et résidentiel, situé à deux pas de bureaux.
French touch
La 'French touch' (chaises de bistrot, comptoir en zinc, porte-manteau perroquet…) et la carte bistronomique remportent un succès immédiat. Les best-sellers ? Les calamars sautés, ail confit, olives, tomates, coulis de piment et poivrons rouges, les rillettes maison, la crème brûlée ou encore la mousse au chocolat. La restauratrice n'hésite pas non plus à présenter quelques plats traditionnels, tels que la raclette, le steak tartare ou la bouillabaisse. Le menu, renouvelé tous les deux ou trois mois, fait la part belle aux produits locaux (bio pour certains). Naina de Bois-Juzan aime ainsi prendre le contre-pied des "restaurants indiens qui se flattent de servir des produits importés". Elle le clame haut et fort : "C'est une aberration de nos jours."
L'établissement de 50 places assises (dont la moitié en terrasse) est ouverte 7 jours sur 7, de midi à minuit. Tous les mercredis, elle accueille un concert de jazz en live. "C'est très bon enfant, les gens dansent. C'est surtout le seul endroit de la ville qui propose ce type de musique." Avec un ticket moyen de 1 700 roupies (20 € environ, vin compris), le Bistro du parc a séduit une clientèle en majorité indienne. "Nos prix sont accessibles aux personnes aisées et à la classe moyenne émergente, qui voyage de plus en plus et avec laquelle il faut compter. Mon but était justement d'attirer plus d'Indiens que d'expatriés, afin de pérenniser l'établissement."
Des adaptations nécessaires
Mais l'aventure n'est pas forcément facile. "Il est compliqué d'obtenir les nombreuses licences requises : tourisme, police, hygiène… Celle pour l'alcool, par exemple, n'est accordée que quelques mois après l'ouverture. Cela rend très difficile la fidélisation de la clientèle au début." Le recrutement s'avère également épineux. "Un chef de partie indien n'est pas forcément aussi qualifié qu'un chef de partie français. J'ai d'ailleurs embauché un maître d'hôtel canadien et je suis en plein recrutement pour un nouveau chef français. Quant aux équipes indiennes - cinq personnes en cuisine et huit en salle -, j'ai préféré les former au maximum. Elles sont finalement très efficaces et curieuses d'apprendre", estime la jeune femme de 25 ans, que les Indiens s'étonnent de voir aux commandes. "On croit toujours que je suis l'assistante du chef ou du patron. C'est vexant, mais cela donne d'autant plus d'énergie pour continuer et s'affirmer."
Par ailleurs, quelques adaptations auront été nécessaires pour répondre aux attentes locales. Ainsi, les tables sont plus espacées que dans les traditionnels bistrots parisiens et la moitié des plats sont végétariens. "Durant les festivals religieux, les Indiens ne consomment pas de viande", explique-t-elle. Galvanisée par ce premier succès, Naina de Bois-Juzan compte bien ouvrir un second établissement, à Delhi, Bombay ou Madras, dès l'an prochain.
Publié par V. B.
