L'Hôtellerie Restauration : Qu'est la mise à disposition ?
Françoise Pelletier et Karine Bézille : La mise à disposition est un système qui permet à un employeur de prêter son ou ses salariés(s) à une autre entreprise, pendant une durée déterminée. L'employeur qui prête son salarié reste l'employeur mais l'entreprise d'accueil à autorité sur ce salarié. Ce dernier est donc intégré dans le nouvel établissement, avec de nouveaux supérieurs hiérarchiques. La mise à disposition est gratuite. L'employeur prêteur ne facture que le salaire et les charges sociales. C'est la loi du 28 juillet 2011 qui vient encadrer cette pratique.
En matière d'hôtellerie on rencontre beaucoup cette pratique notamment lors de licenciement économique ou de travaux. Lorsqu'il y a des travaux de longue durée dans un établissement, l'employeur ne peut pas systématiquement licencier pour un motif économique. La solution dans ce cadre-là est la mise à disposition de son personnel. C'est notamment l'option qu'a choisi l'établissement Le Lutétia, à Paris (VIe). Il est également tout à fait envisageable qu'un hôtel en sous régime prête ses salariés à un autre hôtel.
L'avantage, pour l'entreprise prêteuse, c'est qu'à la fin de la mise à disposition, dans le cadre de travaux par exemple, elle retrouve son personnel et éventuellement avec de nouvelles compétences.
L'entreprise d'accueil, de son côté, évite la phase de recrutement. Et elle récupère un salarié qui a un certain nombre d'années d'expérience dans une entreprise. De plus, elle n'a pas à subir de coût de fin de CDD ou le coût de l'intérim. C'est un système gagnant-gagnant.
Non. Le principe, pour les salariés, c'est le volontariat. L'employé doit donc donner son accord.
Nous ne sommes qu'au début de son utilisation car il y a des réticences et les employeurs sont persuadés qu'ils vont se voir opposer des actions de délits de marchandage. Par ailleurs, la loi présente un aspect négatif qui est la consultation des représentants du personnel. C'est la zone d'ombre du dispositif. Si l'employeur ne consulte pas le CHSCT de l'entreprise d'accueil, et s'il y a un manquement à une obligation de sécurité, l'entreprise prêteuse pourrait voir sa responsabilité engagée. L'entreprise prêteuse et celle qui reçoit doivent communiquer ensemble pour élaborer le document unique, les fiches de pénibilité… pour que la sécurité du salarié soit bien respectée.
Quels sont les différences entre la mise à disposition et la sous-traitance ?
Par opposition au prêt de salarié, l'employé du prestataire sous-traitant n'est pas intégré à l'équipe d'accueil. Il ne figure pas dans l'organigramme, n'a pas de badge, ne reçoit pas d'instruction et n'en donne pas. Le problème dans le cadre de la sous-traitance c'est l'échelon hiérarchique. C'est toute la question des femmes de chambre qui se retrouvent dans des hôtels et qui reçoivent des directives de la part des gouvernantes. Ce qui a d'ailleurs donné lieu à plusieurs mouvements de grève. La sous-traitance n'est pas toujours appliquée comme elle devrait l'être et peut devenir illégale dans certains cas.
La sous-traitance est un contrat qui permet d'externaliser une partie de l'activité. Le problème qui en découle ce sont les conditions de sa mise en oeuvre. Il est par exemple difficilement envisageable d'avoir, au sein d'un même hôtel, à la fois des femmes de chambre salariés et d'autres en contrat de sous-traitance. Dans ce cas, la responsabilité de celui qui accueille cette main d'oeuvre pourrait être engagée. Pour remédier à ce problème, certains hôteliers mettent en place des chartes de sous-traitance. Y figurent par exemple des articles tels que "Je ne peux sous-traiter qu'une activité que je n'ai pas en interne". La sous-traitance doit être justifiée par rapport aux clients, par rapport à un savoir-faire supplémentaire. Toute la difficulté quand une partie des femmes de chambre est employée par l'hôtel alors que d'autres sont en sous-traitance est de le justifier. Par exemple, la justification dans ce cas pourrait être : je sous-traite le ménage de la matinée exclusivement, ou je sous-traite pour la réouverture de mon hôtel. Il doit s'agir d'une mission déterminée.
La sous-traitance peut être une organisation pérenne. Néanmoins, il faut entourer cette organisation, en mettant en place un suivi des intervenants. Par exemple, il peut être proposé des permutabilités, des entretiens de suivi avec le salarié, des formations - prévues par l'employeur -, tout ceci dans le but de conserver la trace d'un lien entre le sous-traitant et son salarié. Il est normal qu'une femme de chambre qui travaille depuis un certains nombre d'année dans le même hôtel considère que son employeur est l'hôtel et non l'entreprise de sous-traitance. C'est pourquoi il faut mettre en place des actions pour que dans l'esprit de tous la relation soit claire et évidente. Plus on garde le salarié plus il aura un sentiment d'appartenance.
Un conseil pour trouver une entreprise de sous-traitance ?
Il faut que l'établissement qui cherche à recruter dans ce cadre là prenne une entreprise qui ait pignon sur rue. Il ne faut pas être le seul client d'une entreprise de sous-traitance.
Soit la solution classique qui est d'avoir recours à l'embauche d'un ou plusieurs salariés en concluant un CDD ou un contrat d'intérim ou éventuellement utiliser la mise à disposition. Mais pas de sous-traitance dans ce cas.
La prestation de service est similaire à la sous-traitance. La différence réside essentiellement dans le secteur du bâtiment. Les problématiques sont communes avec la sous-traitance.
À noter : lorsque l'on conclu un contrat de prestation de service, il convient de s'assurer que le prestataire ne peut pas sous-traiter. Par exemple, s'assurer dans le cadre d'un contrat avec un prestataire, qu'il n'y a pas de sous-traitance derrière et faire apparaître dans ce contrat que s'il y a sous-traitance, c'est sur autorisation expresse.
Publié par Romy CARRERE
mercredi 6 janvier 2016