Petit, il voulait devenir "cuisinier ou décorateur en gâteaux". Laurent Kleczewski savoure aujourd'hui sa première étoile. Ses débuts n'ont pourtant pas été évidents. Il obtient son BEP au lycée du Touquet, puis opte pour un bac pro, dans un autre établissement, alors que ses professeurs lui conseillent de poursuivre en BTH. "J'y suis resté très peu de temps. On nous apprenait à faire bouillir de l'eau… J'ai rappelé le Touquet, ils m'ont trouvé une place à Paris, chez Ledoyen." Âgé d'à peine 18 ans, il n'était "pas préparé à la réalité professionnelle. Durant le premier service, je me suis dit que je pouvais encore changer de métier… Mais j'ai tenu bon." Le service militaire le conduit au cabinet de Kofi Yamgnane, alors secrétaire d'État à l'Intégration. "On me donnait 50 francs [6,10 €, NDLR] et j'allais faire les courses. Ils mangeaient en un quart d'heure, mais ils savaient apprécier. Ça a été pour moi une ouverture sur le monde."
Un coup de coeur
De retour dans le civil, le voici au Fouquet's : "J'y ai appris l'organisation. Nous faisions 400 couverts." Puis chez Alain Ducasse, à Monaco. "Il y avait beaucoup de pression, mais elle était positive. On nous tirait vers le haut. Il y avait une excellente ambiance. Le matin, nous étions heureux d'arriver au travail." Le jeune homme participe à l'ouverture d'un restaurant à Bruxelles aux côtés de Jean-Charles Baron, qu'il va rejoindre à Ancenis (44). "Avec lui, j'ai appris la cuisine à l'ancienne. Il travaillait la lamproie, faisait du civet de lièvre.". Autre étape, deux ans durant, chez Jacques Maximin. "J'en garde un souvenir fabuleux, mais j'avais besoin de faire un break. C'est à ce moment-là que j'ai décidé de m'installer." C'était il y a quatorze ans. "Dans le Sud, c'était trop cher. Élodie, mon épouse, est de la région de Dieppe et son père a trouvé Le Colombier. Quand nous sommes arrivés, nous avons eu un coup de coeur."
Le charme d'une petite maison typiquement normande située à côté d'un parc floral, d'un mini-golf, d'une petite zone touristique judicieusement aménagée par la mairie, qui est propriétaire des murs. ais devenir patron n'est pas forcément chose facile. "Un restaurant, c'est un commerce. Il faut se faire plaisir mais aussi gagner de l'argent, gérer les fournisseurs, l'équipe, le social, la législation… Au bout d'un an, quand on a vu le chiffre d'affaires et ce qui nous restait, c'était démoralisant. Et pourtant, mon beau-père est expert comptable." Le couple s'accroche et le chef prend ses marques. En 2002, le Michelin référence l'établissement. "Cela nous a aidés à nous faire connaître." En 2015, nouvelle distinction : l'étoile, qui consacre cette fois l'imagination et la précision d'un chef attachant et passionné.
Publié par Sylvie SOUBES