On 'monte' à l'Auberge du Vert Mont en suivant avec étonnement les circonvolutions des petites routes autour des collines flamandes, jusqu'à l'arrivée devant une la bâtisse de briques toute simple entourée d'un vaste panorama champêtre. Oui, c'est bien dans cette auberge, un tantinet rustique, que le seul nouvel étoilé Michelin 2014 du Nord-Pas de Calais officie. Il y a comme un air de liberté, de simplicité et d'authenticité dans l'air frais et parfumé de la campagne flamande au printemps. Un air que Florent Ladeyn apprécie et revendique, y compris dans les assiettes.
Dans son auberge, pas de menu ni de carte, pas d'information sur les plats, mais des 'envois', en fonction du marché du jour, et des goûts des clients briefés avant la commande. Plus de bières (60 références) que de vins sur la carte (30 références, avec des grands crus et des vins nature). Pas de nappes ni d'argenterie sur les tables. Il y a même une grande table d'hôte, à partager, et des sièges pour les enfants. "Nous sommes dans une auberge, la table d'hôte est de rigueur", explique le chef, comme une évidence. Le grand tablier bleu de travail et la chemise de jean sont du même acabit, pour lui comme pour toute l'équipe, en cuisine et en salle.
Une certaine musique du Nord
Sur les tables, les plats se suivent, allant de surprise en surprise pour les convives. Florent Ladeyn fume l'oeuf en sabayon, le fromage de chèvre frais, l'anguille en condiments pour accompagner un boeuf longuement maturé (quatre-vingt dix jours). Il utilise le foin pour relever les cuissons (pigeonneau, chèvre frais). Et les herbes, cueillies dans les champs environnants : "Début mars, on trouve du mouron des oiseaux, de la pimprenelle, du lierre terrestre", égrène Florent Ladeyn, passionné de botanique et qui préfère les herbes du coin aux épices ou autres herbes, trop exotiques. Il revendique sa démarche locavore comme logique, respectueuse de l'environnement certes, mais aussi des producteurs régionaux : "J'ai trouvé un producteur de coppa à Pitgam, à 5 km, qui fait un produit aussi bon que les Italiens. Autant faire vivre les gens d'ici", insiste-t-il, en refusant néanmoins l'extrémisme écologiste. Le chef réinvente les recettes locales, il fait des confitures, des cornichons, des huiles et des vinaigres parfumés, des légumes lacto-fermentés. Des techniques culinaires anciennes, beaucoup pratiquées en Scandinavie, qui vont "à l'essentiel sans faire de raccourcis", qui sont "bonnes avant d'être belles", insiste-t-il, sans renier pour autant les bases d'une cuisine française qu'il compare à la musique des Beatles. "Je préfère les Stones", dit-il en souriant. Ça se voit dans ses assiettes !
Publié par Emmanuelle COUTURIER