L'établissement de Jacques Decoret, MOF
et étoilé, devient au fil des mois, l'incontournable étape d'un voyage gourmand
dans un parcours menant vers Michel Troisgros, à Roanne (Loire), et Régis Marcon à Saint-Bonnet-le-Froid (Haute-Loire).
C'est un juste retour des choses car ce chef, promis à un bel avenir a eu
beaucoup de mal à trouver ses marques dans sa très belle maison Napoléon III, à
Vichy (Allier).
Il faut dire que les clients avaient adoré s'encanailler et
surtout se régaler dans son improbable premier établissement, situé dans une
rue mal famée de la ville thermale. Jacques Decoret avait ouvert son propre
restaurant après une formation auprès de grands chefs.
Premières armes étoilées
chez Troisgros : "À 24 ans j'ai partagé le même poste
que Pierre Troisgros, un souvenir extraordinaire", puis
chez Michel et Jean-Michel
Lorrain : "Il m'ont fait
découvrir la richesse du terroir bourguignon." Il parfait sa formation
chez Régis Bulot, "une
belle expérience". Il est ensuite sous-chef chez Alain Passard, à Paris, et tombe sous le
charme de ce visionnaire, aime son discours, apprend le travail des légumes. Il
retourne alors à ses origines auvergnates chez Régis Marcon, Bocuse d'or. Il y
décroche le MOF : "J'ai appris la précision des concours, à travailler
des produits locaux, à les magnifier." Enfin, le chef ouvre son premier
restaurant à Vichy, avec Martine,
son épouse et alter ego. "Elle fait partie intégrante de ma
réussite. Sans elle, je ne serais rien." Le succès est
immédiat, la presse est au rendez-vous, les clients adorent. L'étoile arrivera
en quelques mois.
Un travail millimétré
Martine et Jacques Décoret choisissent ensuite
de s'installer dans un bâtiment historique, propriété de la ville. Le décor
contemporain, allié au bâtiment ancien, est particulièrement réussi. "J'ai
laissé de côté les produits nobles et recherché le produit
de pays, parfois même des produits négligés et je leur ai
donné des lettres de noblesse, sans compromis sur le goût originel. Je suis
allé jusqu'au bout de leur utilisation."
Le chef utilise comme fil conducteur leur histoire oubliée. Ainsi, on apprend
pourquoi la morue est légitime en Auvergne, ou pourquoi un mariage entre la
soupe aux choux et l'huître est possible. Les jus sont traités en décoction, le
travail des textures et des cuissons est millimétré.
Jacques et Martine Decoret
ont choisi de jouer une partition rare : l'eau présente en Auvergne, où l'on
trouve 109 grands crus d'eau minérale. Guillaume, le sommelier, devient diseur d'eau. Il raconte leur goût
avec passion, comme on parlerait d'un vin. "Ma
cuisine est comme la madeleine de Proust. Elle fait remonter les souvenirs
anciens de notre enfance. C'est cette émotion que je veux ressusciter."
Les
clients choisissent souvent de faire halte à la Maison Decoret, le plus petit Relais
& Châteaux de France. "Ce n'est pas facile tous les jours, mais, comme disait Michel Bras, la facilité serait d'être à Paris. Être en province est
un beau choix." Jacques Decoret se veut détaché des influences. "Je suis un esprit libre. En tout cas,
les clients ne s'y trompent pas. Pour eux, la table vaut le détour.