“À Laguiole [Aveyron], la première gare, celle de Rodez, se situe à une heure de route. Jusqu’à présent, les saisonniers arrivaient à se loger sur place. Mais, aujourd’hui, avec Airbnb, l’offre est plus rare et plus chère.” Il a donc fallu que le chef étoilé Sébastien Bras prenne en compte l’hébergement de ses salariés. Il a ainsi dédié une aile de son bâtiment aux chambres des stagiaires. Mais cela ne suffit plus. Si bien qu’un triplex de 7 chambres est en cours de construction et une maison est louée pour loger des saisonniers. Car une trentaine d’entre eux sont encore en quête d’un hébergement à Laguiole. Si bien que Sébastien Bras songe à transformer d’anciennes cuisines de 300 m2 en studios. Nicolas Decker, quant à lui, en est déjà à 4 bâtiments, achetés ou construits, dans lesquels il loge quelque 70 de ses 130 salariés et stagiaires. Propriétaire-dirigeant de La Cheneaudière, à Colroy-la-Roche (Bas-Rhin), commune de 500 habitants, il s’est emparé du sujet dès le milieu des années 2000, en faisant preuve d’empathie. “Je me suis mis à la place des jeunes les plus mal logés et je me suis dit que dans de telles conditions, il paraissait difficile de leur demander d’être toujours souriants au travail”, explique-t-il. À partir de 2011, il a donc commencé à faire construire une vingtaine de studios dans ce qu’il appelle “un immeuble du personnel”. Particularité : Nicolas Decker a consulté les futurs habitants quant à leurs besoins spécifiques. C’est ainsi qu’il a prévu une buanderie, une isolation acoustique de qualité - “car tout le monde de rentre pas à la même heure” -, une kitchenette dans chaque studio meublé, ainsi que des tonalités colorées jusqu’aux rideaux des douches. Pour le propriétaire-dirigeant de La Cheneaudière, “les salariés sont comme des clients internes à un établissement. Ils ont des attentes, il faut les satisfaire. Cela participe à leur bien-être au travail”.
“13 % de la superficie dédiée aux salariés”
Les grands groupes se mobilisent également. À l’image de Club Med. “En Europe, le logement de nos salariés est un sujet majeur à la montagne, où nous avons 4 000 collaborateurs répartis dans 13 resorts et des chalets”, reconnaît Gino Andreetta, directeur général de Club Med Resort Europe, Afrique et Moyen-Orient. Si bien que depuis dix ans, “à chaque ouverture d’un nouveau resort, nous réservons un espace pour nos collaborateurs”. Ainsi dans le flambant neuf Club Med de Tignes (Savoie), “13 % de la superficie globale du resort est dédiée aux salariés”, souligne Gino Andreetta. À cela s’ajoutent des investissements dans les anciens villages, comme celui de Peisey-Vallandry (Savoie), où 5 M€ ont été déboursés pour créer un bâtiment destiné au logement des ‘gentils organisateurs’.
“Nous nous sommes organisés pour loger les saisonniers de nos resorts de Deauville [Calvados], La Baule [Loire-Atlantique] et Courchevel [Savoie], car les loyers dans ces destinations sont très élevés”, explique pour sa part André Decoutère, DRH du groupe Barrière. Ainsi recense-t-il 310 lits à Deauville et 140 à La Baule, dédiés aux salariés. Quant à Courchevel, un bâtiment a été construit pour héberger une centaine de personnes, des locations sont faites à Courchevel 1350 et 1850, avec un service de navette pour faciliter le transport des équipes. “Nous disposons aussi d’un chalet et de quelques studios à Courchevel, en cas de tempête de neige et d’impossibilité d’utiliser la navette”, précise André Decoutère. Toute une organisation et une logistique, dont la présence de gardiens ou d’agents de sécurité dans les bâtiments, “car, en les hébergeant, nous sommes responsables des salariés 24 heures sur 24”, rappelle-t-il. De quoi rassurer les parents de jeunes alternants, stagiaires ou saisonniers.
Une charge de travail importante
À l’unanimité, les professionnels des CHR le reconnaissent : loger un salarié, c’est un argument fort en termes d’attractivité et de fidélisation. Revers de la médaille : “La gestion de nos logements représente un quart du travail de mon assistante, car elle doit superviser les entrées, les sorties, les états des lieux ou encore le nettoyage des studios”, détaille Nicolas Decker. “On se retrouve à jouer le rôle d’un syndic”, poursuit Sébastien Bras, qui réfléchit aussi à loger une partie de son personnel de La Halle aux Grains, à Paris (Ier), au sein de la capitale. “Certes, c’est un investissement en temps et en argent, mais sans cela, nous n’aurions pas pu nous développer et croître”, nuance Nicolas Decker. Si bien qu’en prévision de l’ouverture en 2025 de son nouvel hôtel à Colmar (Haut-Rhin), il a déjà acheté du foncier sur place, pour loger apprentis et stagiaires.
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Publié par Anne EVEILLARD
lundi 9 janvier 2023