Comment en est-on venus à utiliser de l’agar-agar ? Cela vaut la peine que je raconte une histoire (vraie) aux jeunes cuisiniers, parce qu’ils verront le chemin parcouru et qu’ils pourront donc imaginer le chemin qui se trouve devant nous. Au début des années 1980, les cuisiniers français faisaient leur bavarois à la gélatine, qu’ils extrayaient eux-mêmes des pieds de veau. C’était long, fastidieux… Progressivement l’industrie alimentaire proposa des gélatines en poudre ou en feuille. Mais les plus retardataires renâclaient.
Vers 1984, j’ai proposé que l’on ne s’arrête pas à la gélatine, parce que je savais qu’il y avait mille autres possibilités : pour faire des gels opaques ou transparents, cassants ou souples, etc. Et c’est à cette époque, notamment, que j’ai popularisé des gélifiants que sont l’agar-agar, l’alginate de sodium, les carraghénanes… On me disait que j’allais empoisonner tout le monde, en oubliant que des populations asiatiques utilisent ces produits depuis des siècles.
Agent clarifiant
Bref, aujourd’hui, l’agar-agar est vendu dans les supermarchés et utilisé par les professionnels au point qu’ils nomment parfois cela de la ‘gélatine végétale’, ce qui est bien impossible, parce que la gélatine est nécessairement une matière animale. Non, l’agar-agar est un gélifiant, et il n’est pas exactement végétal puisqu’il est plutôt extrait des algues rhodohycées que des végétaux. C’est un ‘produit’ (on le produit) fait de deux composés, et, plus précisément, de deux polysaccharides (des sucres lents) : de l’agarose et des agaropectines (tout comme l’amidon est fait d’amylose et d’amylopectine).
L’agar-agar est utilisé pour la confection de desserts dans toute l’Asie, comme gélifiant ou comme épaississant, dans des potages, des conserves de fruit, des glaces, des desserts… Il sert d’agent clarifiant de certaines boissons (comme la gélatine, d’ailleurs)… Il aurait été découvert par un restaurateur qui aurait observé qu’un potage aux algues avait gélifié pendant la nuit. Il fut analysé pour la première fois en 1859 par le chimiste français Anselme Payen.
Pourquoi l’utiliser ?
L’agar-agar fond à 85 °C et se solidifie ensuite, en refroidissant vers 32 à 40 °C. C’est donc un gélifiant intéressant car ses gels supportent la chaleur, raison pour laquelle il reste gélifié en bouche, au lieu de fondre comme la gélatine.
Les précautions à prendre
Évidemment, l’agar-agar est classé, comme la gélatine, dans la catégorie des additifs, et dans la sous-catégorie des émulsifiants épaississants, avec un numéro de code qui est E406. Pourquoi est-ce un additif ? Parce que c’est une “substance ajoutée en petite quantité aux aliments au cours de leur préparation, pour un but précis, d’ordre technique”. Arrêtons de crier haro sur l’additif de façon intempestive, sans quoi nous arriverons à cette situation où les cuisiniers ne pourront plus faire de bavarois ou d’aspics !
Ah, j’oubliais : il y a agar-agar et agar-agar, car la constitution des produits dépend de la façon dont on les a extraits.
Quelques idées techniques
- Pour des cubes de bisque:
- Cuire des carapaces de crevettes avec un peu d’huile, jusqu’à brunissement.
- Ajouter eau, oignon, bouquet garni, et cuire pendant 20 minutes à couvert.
- Filtrer.
- Ajouter de l’agar-agar (environ 1 gramme pour 250 grammes de liquide).
- Porter à ébullition
- Servir la bisque accompagnée de cubes de bisque.
- Pour une préparation nommée ‘debye’
- Dans une casserole, mettre 100 g de glucose. Cuire au caramel blond
- Décuire avec 100 g d’eau.
- Ajouter du Schweppes et coller à l’agar-agar en portant à ébullition.
- Quand le gel est pris, en mixer la moitié avec du jus de pomme.
- Mixer l’autre moitié avec de l’huile d’olive.
On obtient ainsi deux debyes bien différents, que l’on pourra utiliser comme condiments.
Où s’en procurer
En supermarché.
Publié par Hervé THIS