Les insectes se mettent à table

L'entomophagie ou consommation humaine d'insectes peine à s'implanter en France. Certains professionnels précurseurs ont néanmoins sauté le pas et croient au potentiel de ces produits. Tour d'horizon.

Publié le 28 novembre 2013 à 12:17

Une sauterelle ou un grillon, cela vous met l'eau à la bouche ? Un tiers de la population mondiale - principalement en Afrique, en Asie et en Amérique latine - consomme déjà un millier d'espèces différentes d'insectes. L'Europe, quant à elle, fait la fine bouche. Si cette tradition a existé sur le Vieux Continent depuis l'Antiquité, elle a fini par disparaître au fil des siècles. Hannetons, vers à soie et sauterelles ne font plus partie de nos habitudes culinaires. "Dans les pays occidentaux, il existe aujourd'hui un frein psychologique, une certaine aversion face aux insectes. Pourtant, en Europe, nous en consommons déjà à notre insu 500 grammes en moyenne par an, dissimulés dans divers produits alimentaires courants", observe Dominique Croce, cofondateur du tout récent site Insectesaumenu.fr.

Malgré ces réticences, quelques professionnels ont décidé de mettre des insectes à leur menu. Par tradition pour certains, comme à la Sandia, un restaurant mexicain basé à Toulouse, ou chez Ban Thaï, un établissement thaïlandais de Montpellier. "Cela faisait longtemps que je rêvais de faire découvrir les insectes aux Français, explique Monica Juarez, à la tête de La Sandia. Au Mexique, il est courant de manger des grillons à l'apéritif ou dans les tortillas. C'est vraiment délicieux !" L'enseigne offrira très bientôt des tacos garnis de vers de farine (grillés avec de l'ail et de l'huile de maïs) que l'on trempe dans une sauce pimentée ou du guacamole.

"Une expérience gustative"

De son côté, le Ban Thaï propose de grignoter des sauterelles, des vers de bambou, des vers à soie, des grillons ou encore des punaises d'eau géantes, frits avec une panure épicée. "Cela se mange comme des chips, à l'apéritif. On sent un intérêt réel de la part de nos clients", constatent Julien et Jintana Oberlé, propriétaires des lieux. D'autres professionnels s'aventurent sur ce terrain par curiosité, comme le restaurateur-traiteur Vincent Jeannin (Livreur de saveurs à Pau), ou encore Elie Daviron. Depuis peu, ce diplômé de l'école Ferrandi concocte dans son bar-restaurant festif du XVIIIe arrondissement parisien cinq 'bouchées découvertes' : punaises d'eau agrémentées de feuilles d'endives et de poivrons confits, sauterelles sur lits de feuilles d'huître et oeufs de caille mollets…

"C'est une expérience gustative. La clientèle a d'ailleurs doublé depuis le lancement de ce nouveau menu", confie-t-il. Un seul regret néanmoins : "Les insectes en provenance de Thaïlande sont commercialisés sous forme de salaison. Cela limite les transformations culinaires", admet-il. Tout aussi audacieux, David Faure (Aphrodite, à Nice) est le "premier étoilé Michelin en France à avoir osé franchir ce cap" en avril dernier. Parmi ses huit menus, l'un est entièrement consacré aux insectes : petit pois carré, écume de carotte et vers de farine, foie gras poêlé et son croustillant de grillons au sarrasin, dos de cabillaud pané à la poudre de vers… "Avec les grillons, on est sur des notes de maïs et pop-corn. Les vers de farine sous forme déshydratée ont des notes de cacahuètes et d'arachide et, une fois grillés, de crevettes grillées", note-t-il. En salle, l'accueil est positif, avec une "clientèle en quête de nouveaux goûts".

Mais "attention à la sécurité alimentaire quand les produits viennent du bout du monde", prévient David Faure. C'est pourquoi le chef s'approvisionne auprès du producteur toulousain Cédric Auriol (Micronutris). Ce dernier, qui propose notamment une gamme de chocolats sans sucre aux insectes en partenariat avec le chocolatier Guy Roux (Mazamet), prévoit le même boom que pour les sushis. "D'ici cinq à dix ans, les insectes seront des produits grand public. Ils offrent de multiples possibilités culinaires et répondent à une vraie problématique alimentaire et environnementale", explique-t-il. En effet, selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture), les insectes représentent une solution durable et moins polluante que le bétail, face à la croissance de la demande mondiale en protéines animales (+ 70 % d'ici à 2050). Alors, convaincu ?

 

www.insectesaumenu.fr


www.banthai-montpellier.fr


www.livreurdesaveurs.fr


www.lefestinnu.com


www.restaurant-aphrodite.com


www.micronutris.com

 


Publié par V.B



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