Le 15 décembre dernier, sous la pression des autorités de la concurrence de plusieurs pays européens, Booking, le géant des réservations en ligne, a annoncé avoir renoncé à imposer ses conditions dans les relations entre l'hôtelier et des plateformes tiers. Suite à cette décision, l'autorité de la concurrence française a lancé le 9 janvier une consultation auprès des acteurs du secteur (test de marché), afin de déterminer si cette proposition d'engagements était suffisante pour remédier aux préoccupations de concurrence qu'elle avait identifiées. La date limite pour présenter ses observations a été fixée au 31 janvier.
Les syndicats professionnels et l'hôtellerie de chaîne ont rapidement fait entendre leur désaccord. Jacques Barré, président du Groupement des chaînes (GNC), résume les arguments des hôteliers : "Le problème de la parité tarifaire n'est que l'un de ceux auxquels sont confrontés les hôteliers. Cependant, il faut également tenir compte de la parité de l'offre et de la parité du contenu."
Sous couvert d'anonymat, car ils craignent les mesures de rétorsion de Booking, certains hôteliers vont même plus loin : "Cette proposition est un vrai trompe-l'oeil. Booking propose en effet de rendre la parité obligatoire uniquement entre lui et le site direct des hôtels, alors que la seule chose que réclame l'hôtel est de maîtriser totalement son site internet0. Cela est d'ailleurs conforme au droit de la liberté de la concurrence inscrite dans les droits français et européen", explique l'un d'entre eux.
Par ailleurs, la proposition faite par Booking d'accorder la non-parité tarifaire aux autres agences en ligne provoque la colère des professionnels : "Comment accepter que Booking dicte sa conduite à ses propres concurrents qui, pour certains d'entre eux, sont ses filiales ? L'ogre Booking voudrait-il tout avaler ?"
Maîtriser son stock de chambres
Il est clair que les hôteliers attendaient davantage. Le grief le plus sévère concerne la perte de la maîtrise du stock de chambres. Les hôteliers sont en effet ulcérés devant les pratiques de Booking qui indique parfois sur son site :"Plus qu'une chambres disponible", alors que l'hôtelier dispose encore d'un stock de chambres important. L'an dernier, l'association des franchisés de Louvre Hotels avait déjà alerté la profession avec ce cri d'alarme : 'Rendez-nous nos hôtels !' En effet, dépossédés de leur planning par l'agence en ligne, ils perdent la main sur leur établissement, donc voient la valeur de leur fonds de commerce se déprécier.
Enfin, les professionnels dénoncent une disparité fiscale. "Les hôteliers assujettis à l'impôt sur les sociétés et la TVA s'étonnent de voir l'importance des moyens 'non fiscalisés' mis à disposition de Booking. Il s'agit d'une situation anti-concurrentielle", expliquent ceux qui n'ont que les tribunaux pour se défendre, alors que le géant Booking peut agiter la menace de fermeture des plannings en cas de conflit.
Aussi, devant cette menace qui les empêche de s'exprimer, les hôteliers comptent sur les syndicats pour faire valoir leurs revendications. La proposition du GNC qui préconise de revenir aux anciennes pratiques, à savoir donner un contrat de mandat aux agences sur internet, pourrait être une possibilité, sachant que "le débat sur les taux de commissions viendrait alors ultérieurement", précise Jacques Barré. Quoi qu'il en soit, face à un géant comme Booking qui a référérencé la quasi-totalité de l'hôtellerie française, les professionnels doivent faire front commun s'ils veulent se faire entendre.
Publié par Catherine AVIGNON
mardi 27 janvier 2015