Les Beaux Mets a ouvert ses portes au pied du parc des Calanques de Marseille. Mais ici, pas de vue mer. Les fenêtres du restaurant bistronomique décoré par les architectes Rougerie+Tangram et Maï Atelier donnent sur des… barbelés. Car l’établissement de 42 couverts est implanté au cœur de la prison des Baumettes. Une première dans l’Hexagone. “C’est l’occasion de changer le regard de la société sur le milieu carcéral ”, estime Carole Chevalier, responsable du Département des politiques d'insertion, de probation et de prévention de la récidive (DPIPPR).
La réinsertion par la cuisine
Treize détenus condamnés à une courte peine ou en fin de peine s’appliquent en salle et en cuisine. “Ce chantier d’insertion permet à des personnes très éloignées du marché de l’emploi de reprendre confiance en elles, de remettre le pied à l’étrier et d’apprendre sur le tas un nouveau métier”, explique Carole Guillerm, responsable du projet piloté par l’association Festin, qui porte des initiatives comme Des Étoiles et des Femmes, ou encore les antennes marseillaises de la Table de Cana et du Refugee Food.
En salle, les détenus sont encadrés par un maître d’hôtel, Marc Balthazard, qui a participé au lancement du restaurant solidaire Le République dans le centre-ville de Marseille. Les brigades font leurs gammes sous la houlette de la cheffe Sandrine Sollier, passée par la cuisine triplement étoilée du Petit Nice Passedat à Marseille, et de sa seconde, Thaïs Clamens. Pour le lancement, la carte bistronomique aux accents méditerranéens a bénéficié de l’appui du chef étoilé Michel Portos. Au menu : monochrome végétal aux couleurs de l’automne ou tartare de daurade en entrée, assiette végétale du mois, crumble d’agneau accompagné d’un jus corsé au thym ou maquereau avec ses champignons et brisures de châtaignes en plat… Il faut compter entre 28 et 35 € pour les formules déjeuner. “Des chefs invités viendront pour des masterclass et ajouteront leur plat signature à la carte”, prévoit Carole Guillerm.
Les valeurs précieuses de la restauration
Cette approche bistronomique permet de développer des valeurs précieuses : “Le travail en équipe, la minutie, le rapport à l’autre, la façon dont il faut se comporter. C’est aussi une valorisation immédiate”, observe Carole Chevalier.
L’association Festin espère accueillir une quarantaine de détenus par an sur ce chantier. “Pour ceux qui souhaitent continuer dans cette voie, on peut prolonger l’accompagnement à l’extérieur pendant six mois pour la réinsertion. On va s’appuyer sur notre réseau de restaurateurs pour offrir des stages ou des emplois aux anciens détenus”, annonce Carole Guillerm.
Un protocole strict
On ne rentre pas aux Beaux Mets comme dans un moulin. Prison oblige, le protocole est strict. Il faut réserver au moins quatre jours à l’avance en ligne via un site dédié, afin que l’administration pénitentiaire puisse faire les vérifications d’usage. Il convient d’arriver trente minutes avant le début des deux services proposés (le premier à 12 h 30 et le second à 13 h 15), pour procéder au contrôle des documents d’identité. Les effets personnels tels que smartphone, appareil électronique connecté, pièces de monnaie et clé USB doivent être déposés dans un casier. Les clients sont ensuite escortés vers les portiques de sécurité pour les dernières inspections. À table, l’alcool est proscrit. En revanche, les convives pourront déguster des mocktails imaginés par Marc Balthazard.
À l’heure où les consommateurs raffolent des expériences en restauration, Les Beaux Mets devrait être promis à un bel avenir. “Nous espérons que le projet intéressera d’autres prisons en France”, confie Carole Guillerm.
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Publié par Violaine BRISSART