Qui a dit qu'un restaurateur, patron d'une petite entreprise, n'avait ni le temps ni les moyens de mettre en place des outils et des process pour son management ? Certainement pas Emmanuel Laurand. Le gérant de deux crêperies dynamiques à Marseille, La Table Ronde (2 salariés) et l'Ambassade de Bretagne (8 salariés), place même la gestion de ses ressources humaines au coeur de sa stratégie de développement. À l'Ambassade de Bretagne, les salariés récemment embauchés suivent tous un parcours de formation pour leur intégration et chacun connaît précisément ses missions et la stratégie du restaurant, les valeurs et les projets qu'il porte. Demain sans doute auront-ils une rémunération intégrant des parts variables. Le succès de l'établissement, dont le chiffre d'affaires est passé de 273 000 € en 2009 à 432 000 €, ne tient donc pas uniquement à l'efficacité de son concept : des spécialités bretonnes autour d'une boutique et d'un restaurant et un positionnement tarifaire adapté avec un ticket moyen à 22 €.
La forte croissance de son activité doit beaucoup à la force d'une équipe stable et motivée. "Mieux recruter, fidéliser mes salariés et tirer vers le haut leurs compétences a un impact direct sur le chiffre d'affaires", affirme Emmanuel Laurand. Ce restaurateur atypique a commencé son parcours professionnel dans la musique, une passion. C'est en montant son propre studio d'enregistrement à Marseille en 1997 qu'il découvre les métiers de la cuisine. En effet, pour soutenir son projet de producteur, il avait alors pris un poste de serveur dans un restaurant italien. Ce qui devait être un simple appoint financier devient vite une nouvelle vocation professionnelle. Et, au début de l'année 2000, il ouvre sa première crêperie, La Table Ronde. C'est à l'occasion du lancement de son deuxième établissement et d'une phase active de recrutement en 2011 qu'Emmanuel Laurand va approfondir sa réflexion sur la gestion des ressources humaines et intégrer dans la conduite de son management des outils et process formalisés.
Une méthode pragmatique
Le restaurateur-chef d'entreprise apprend vite et tire les leçons de l'expérience pour progresser. "À chaque échec on se posait des questions et on cherchait des solutions", explique Emmanuel Laurand. Un commis de cuisine lui demande si la plonge fait partie de ses missions ? L'idée de définir une fiche de poste fait son chemin. Un salarié démissionne après avoir suivi une formation ? Il est peut-être temps de repenser le plan de formation en intégrant notamment des modules internes et en recensant les compétences d'aujourd'hui et de demain. Cette démarche pragmatique dessine en moins de deux ans les fondements d'une véritable politique des ressources humaines. Aujourd'hui, les démarches de recrutement, d'intégration ou encore l'évolution professionnelle des collaborateurs peuvent s'appuyer sur des outils comme des fiches de postes, des fiches de recrutement, des rapports d'étonnement ou encore des plannings de formations.
Ces documents ont certes nécessité un travail rigoureux en amont pour les concevoir. "Nous avons travaillé pendant les deux mois de l'été 2011 sur les fiches de postes. C'était très important de préciser techniquement en quoi consistent nos métiers mais aussi de pouvoir définir le savoir être que nous attendions de nos futurs collaborateurs", précise Emmanuel Laurand. Ces fiches de postes décrivent dans le détail les différentes missions du poste, les conditions de travail ou encore les perspectives d'évolution. Le gain de temps est précieux. En effet, les fiches de poste permettent de réaliser une présélection. "Lorsqu'un candidat répond à l'une de nos annonces, nous lui envoyons immédiatement notre fiche de poste afin qu'il ait tous les éléments en main pour décider d'aller plus loin ou non dans le recrutement", explique Emmanuel Laurand.
Problématique de l'intégration
Ainsi, lors des recrutements de septembre 2011, sur 150 réponses reçues, 12 candidats seulement ont poursuivi le process. Même souci d'efficacité dans la conduite de l'entretien de recrutement : une fiche de compétences indique les questions à poser et les critères d'évaluation à retenir. Ce dispositif permet de rester objectif et juste en évitant toute discrimination à l'embauche interdite par la loi. Mieux encore, le candidat aura été vu par deux interlocuteurs. La problématique de l'intégration a également été traitée. Emmanuel Laurand, a, en effet, mis en place un plan de formation interne de six semaines en huit modules pour la salle et la cuisine. Accompagnée par le chef de cuisine ou la directrice de l'établissement, la nouvelle recrue peut ainsi se familiariser avec la culture et le mode de fonctionnement du restaurant et faire, sur le terrain, de nouveaux apprentissages.
Ces initiatives ont valu à Emmanuel Laurand d'être l'un des lauréats 2011 des Trophées de la diversité et d'être nommé en 2012 ambassadeur de la Charte de la Diversité. Il prend donc son bâton de pèlerin pour convaincre ses confrères des vertus d'une gestion des ressources humaines structurée et formalisée. La diversité en découlera tout naturellement comme dans les restaurants d'Emmanuel Laurand qui confie : "Je fais de la diversité sans le savoir." Aujourd'hui, sur des bases RH solides, le dirigeant aimerait se pencher sur la question des rémunérations pour y intégrer une touche de part variable. Mais attention, il s'agit de bien réfléchir aux critères d'attribution de ces bonus. Emmanuel Laurand sait bien qu'il faut prendre son temps pour en gagner.
Publié par Valérie Meursault
