La disparition de l'hôtellerie au coeur du congrès de la Fagiht

La Fédération autonome générale de l'industrie hôtelière se réunit en congrès annuel le 14 octobre. Son président national, Claude Daumas, nous en livre les grandes lignes.

Publié le 07 octobre 2013 à 16:21

L'Hôtellerie Restauration : La Fagiht tient son congrès national le 14 octobre à Besançon. Quels en seront les thèmes ?

Claude Daumas : Nos congrès se déroulent toujours sur une journée. Nous allons, le matin, parler des chefs d'entreprise, des soucis qu'ils rencontrent sur le plan social, juridique, du statut du conjoint… Ce sont des sujets qui sont abordés de temps à autre alors que nos adhérents les vivent presque au quotidien. Nous allons leur apporter des informations pratiques sur la manière dont ils doivent protéger leur fin de carrière ou encore comment faire face à une perte de revenue. Le second atelier va porter sur le patrimoine et sa protection. Si l'adhérent a des problèmes, comment faire pour qu'il n'y laisse pas la totalité de ses biens ? Bon nombre de professionnels ne savent pas que le Tribunal de commerce peut les aider dans certaines circonstances…  Comment se prémunir contre la défaillance d'un locataire ? Quand le bailleur est à la retraite, ce revenu est pour lui souvent essentiel…

L'assemblée plénière est prévue l'après-midi. Quel en est l'ordre du jour ?

C. D. : Avec l'observatoire Amarok, nous allons mesure l'impact de l'entreprise sur la santé physique des exploitants avec la participation de scientifiques. C'est quelque chose qui est rarement abordé, or il est important de savoir jusqu'où, nous, chefs d'entreprise, pouvons aller. Quelles sont les limites à ne pas dépasser ? Autre sujet d'actualité : le régime des frais de santé. Nous avons un régime mutualisé performant, avec des prix minimes et de bonnes prestations. Nous pouvons mutualiser la portabilité pour nos salariés saisonniers parce que nous avons 450 000 adhérents derrière. Que va-t-il se passer demain ? L'Etat n'a pas les moyens d'aller contre l'arrêt du Conseil constitutionnel mais il est fondamental de trouver une solution. Sinon, où seront les réserves pour maintenir cette portabilité ? Nous évoquerons également la dématérialisation des titres restaurants.

Que pensez-vous du label 'fait maison' ?

C. D. : Nous étions favorables, avec le Synhorcat, à la protection de l'appellation restaurant. Nous avons été contrés par d'autres organisations. C'est dommage, car il est important que les vrais restaurants puissent être identifiés. La ministre, Sylvia Pinel, a tranché en faveur du 'fait maison'. Quels en seront les critères ? Pour l'instant, nous n'en savons rien. Nous n'avons pas encore négocié, nous sommes dans le vague. Une autre question se pose : quelle est la place des Maîtres Restaurateurs dans tout cela ?

Comment voyez-vous l'évolution de l'hôtellerie en France ?

C. D. : Les hôteliers n'ont plus de clients, ils n'ont que les clients d'Expedia ou de Booking. Les commissions payées, qui vont de 18 à 30%, représentent en outre une perte de recette colossale pour les entreprises et il est tout-à-fait scandaleux qu'elles soient appliquées sur les prix TTC. Nous devons bouger au plus vite. FairBooking, qui favorise les réservations en direct, est un premier pas. Mais l'Etat doit aussi réagir et s'impliquer. Nous avons, l'an dernier, rédigé un livre blanc dans lequel nous avons établi dix mesures pour sauvegarder et développer l'hôtellerie et la restauration indépendantes, et plus particulièrement les établissements saisonniers. Selon une étude que nous venons de faire, l'hôtellerie a perdu 110 hôtels en 2012 dont 44 en montagne. C'est en montagne proportionnellement où il y a le plus de perte… La France perd son maillage et que va-t-il rester ? Des établissements chaînés en zone industrielle et des chambres d'hôtes ? Est-ce avec ce potentiel que nous allons attirer la clientèle internationale ? Certes, le luxe ne disparaît pas. Mais la clientèle internationale, ce n'est pas que le luxe. Nous craignons également les conséquences, le 1er janvier 2015, de l'application des dispositions de la loi accessibilité handicapé. Cette loi est généreuse mais inapplicable. Il faut absolument stopper la disparition de l'hôtellerie indépendante en France, il en va de l'avenir même du tourisme.

Votre sentiment sur l'activité en 2013 ?

C. D. : La saison estivale a été très bizarre. La météo a favorisé le tourisme culturel aux dépens des loisirs. Ce phénomène a été profitable à certaines villes ou communes mais il ne faut pas confondre la fréquentation des sites avec celle des établissements. Chez nos adhérents, nous avons des baisses de chiffre d'affaires qui vont de moins 5 à moins 15%. Les gens consomment moins, le ticket moyen chute. Les recettes diminuent mais la fiscalité, elle, ne baisse pas, bien au contraire, elle est en nette augmentation ! Quant à la saison d'hiver, pour l'instant, les réservations concernent les vacances scolaires. On est dans la normalité, en sachant, toutefois, que nous allons, en montagne, en 2014, de nouveau perdre les vacances de Pâques qui seront sur avril alors que les stations ferment fin mars…  

Vous bous battez actuellement pour obtenir un accord de branche sur la modulation du temps de travail…

C. D. :
La modulation du temps de travail est impérative pour nos entreprises saisonnières. Nous l'appliquons depuis 2007 et l'an dernier, un inspecteur du travail a mis à exécution deux arrêtés de la Cour de cassation qui somment les entreprises soit d'avoir un CE, soit d'avoir un accord national. Nous avons travaillé à un texte, la majorité des syndicats de salariés sont d'accord. Nous espérons que ce texte sera signé lors de la prochaine Mixte paritaire. Les entreprises saisonnières sont dans l'attente de ce texte pour attaquer l'hiver.

Comment se situe la Fagiht aujourd'hui ?

C. D. : Nous représentons l'hôtellerie de séjour indépendante et majoritairement saisonnière. Nous revendiquons notre expertise. Nous travaillons avec ceux qui nous respectent. Nous avons actuellement d'excellentes relations avec le Synhorcat et de bonnes avec la CPIH. Il nous arrive de travailler avec les autres organisations patronales mais nous refusons d'être assujettis aux décisions des chaînes qui dépendent de leurs actionnaires. Nous militons pour un rapprochement dans l'indépendance de chacun pour réfléchir à nos intérêts spécifiques. La Fagiht est convaincue que l'avenir de la profession passe par un dialogue social franc, loyal. Il faut que l'on travaille en confiance avec les syndicats de salariés pour répondre à leurs besoins et en fonction de nos possibilités. Ce n'est que dans l'honnêteté et dans la franchise qu'on pourra faire avancer les choses et la profession. Pendant longtemps, nous avons eu tendance à considérer les salariés comme des adversaires, or ce sont des partenaires. Ce n'est pas leur intérêt, ni leur volonté, de détruire l'entreprise.

Qu'attendez-vous du gouvernement ?

C. D. : Il faut que Sylvia Pinel trouve les mots et mène les actions qui nous redonneront confiance en l'avenir et l'envie d'entreprendre. Et, pour cela, elle nous doit nous apporter des garanties sur ce que l'Etat veut faire. Quand on voit toutes les contraintes, toutes les obligations qui s'empilent, il y a de quoi s'inquiéter. Nous avons aussi une administration qui à l'échelle locale fait émerger des petits chefs qui n'aiment ni les entrepreneurs, ni les entreprises… Il est grand temps que l'Etat remettre l'administration au service des citoyens, des entrepreneurs, au service de ceux qui font fonctionner l'emploi.

 


Publié par Propos recueillis par Sylvie Soubes



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