Paris fait-elle encore rêver ? Roland Héguy pose ouvertement la question au terme d'une année extrêmement difficile pour le tourisme. L'hôtellerie haut de gamme, palaces compris, a souffert d'une importante baisse d'activité comme le confirme Christophe Laure, président d'Umih Prestige : « De janvier à novembre, le RevPar est à -18%. Quant au RevPar des palaces parisiens en août, il était à -45%. C'est le second marché – individuel et loisir – qui a été le plus affecté ». Les attentats tragiques qui ont touché la France mais aussi la Belgique, depuis janvier 2015, ne sont pas les seules raisons. L'hôtelier évoque une montée des vols et agressions de touristes étrangers constatée depuis 2011. Le braquage d'un car de touristes chinois à la sortie de leur hôtel en grande banlieue ou encore celui, plus récent, de deux touristes qataries à bord d'une limousine avec chauffeur sur l'autoroute A1 n'est pas une nouveauté pour le grand banditisme, qui semble toutefois prendre du poil de la bête. Pour Christophe Laure, la présence des forces de l'ordre comme la création d'une brigade touristique sont une bonne chose. « A Monaco, il y a des policiers partout, cela n'a rien d'inquiétant, c'est même très rassurant dans l'esprit des visiteurs. Désormais, nous avons des directeurs de la sécurité dans tous nos hôtels. Les contrôles, la surveillance sont renforcés. Il ne s'agit pas de faire peur, mais de redonner confiance. » D'autres éléments jouent en défaveur de la destination comme les manifestations et leurs débordements, le psychodrame des ouvertures le dimanche, l'entretien compliqué des rues, trottoirs et parcs... La capitale laisse-t-elle, involontairement, s'échapper la manne touristique ?
Capitaine, où es tu ?
« C'est
un tout, rétorque Roland Héguy. Le
tourisme pèse 160 milliards de chiffre d'affaires et 2 millions d'emplois.
Paris, c'est la porte d'entrée principale des touristes sur notre territoire. L'enjeu
économique est trop important pour continuer à s'interroger sans agir à l'échelle
nécessaire. Le quai d'Orsay a annoncé une enveloppe de dix millions d'euros pour
la promotion du tourisme. Le montant parait important, or, il est faible face
aux enjeux. Ensuite, cette enveloppe n'est toujours pas débloquée, ni affectée.
Un point de PIB en plus, c'est 300 000 emplois. Le tourisme peut le faire,
mais il a besoin d'un capitaine. Nous sommes, à l'Umih, pour une branche
tourisme forte, pour la nomination d'un ministre qui soit rattaché au Premier
ministre. Actuellement, notre secteur dépend d'une bonne quinzaine d'administrations,
ce qui nous affaibli considérablement. » Paris, comme la France, se
trouve en situation de concurrence. Les établissements de prestige sont des « porte-drapeaux de l'excellence
française, des paquebots qu'il faut mettre en avant. Or, ils sont laissés de
côté dans le message politique ». Christophe Laure reconnaît l'absence
de soutient : « un hôtel haut de
gamme, c'est 400 emplois en moyenne. Seulement 1% des entreprises françaises a
plus de 400 employés. On parle aéronautique, automobile, mais jamais de la
grande hôtellerie. 80% du luxe dans le monde est produit en France. Doit-on
taire nos savoir-faire ? En 2001, le Grand Hôtel a été en travaux. Avec
plus de 900 ouvriers, c'était à l'époque le plus gros chantier parisien. Nous
apportons une contribution essentielle à l'économie locale et à différente
niveaux. » 2016 s'achève. « Paris,
comme toute la France a besoin de vivre de belles fêtes. La gastronomie haut de
gamme a aussi subi les contrecoups des événements. Nous devons tourner une
page et prendre 2017 à bras le corps en acceptant d'être fiers du travail que
nous faisons, en tirant notre activité vers le haut sans aucun complexe »
termine le directeur général de l'InterContinental Paris Le Grand. Roland Héguy ajoute : « quand
le tourisme gagne, c'est la France qui gagne ».
Publié par Sylvie SOUBES