Potager partagé sur le toit, séance de cinéma en plein air, DJ aux platines et cours de yoga vinyasa… L'hôtellerie se veut résolument en phase avec son époque. Face aux assauts répétés d'Airbnb et consorts, il a bien fallu réagir. C'est ainsi qu'une flopée d'établissements a décidé d'innover pour mieux dépoussiérer l'hôtellerie traditionnelle.
Pourtant, il y a encore une vingtaine d'années, les grands groupes hôteliers se partageaient le marché sans grand effort, dupliquant leur concept d'hôtels en hôtels. Mais voilà qu'à la fin de la première décennie des années 2000, les choses prennent un nouveau tournant. "La première vague des nouveaux hôtels est née avec le concept du Mama Shelter, imaginé par Serge Trigano. L'implantation du premier établissement du genre en 2008, dans le XX e arrondissement à Paris, a ouvert une brèche", résume Youri Sawerschel, fondateur de l'agence-conseil Creative Supply (lire ci-dessous). Rompant avec les dogmes standardisés des hôtels, le concept lifestyle du Mama Shelter détonne. À mi-chemin entre chic et bonne franquette, une décoration qui décape et des concerts événements plusieurs fois par semaine. "L'hôtel a un vrai rôle d'émulateur culturel et de lien social dans le quartier", ajoute Youri Sawerschel.
Pyjama party, cooking class et Playmobil
Dans la même veine, on a vu apparaître les hôtels de l'enseigne londonienne The Hoxton. Dans l'établissement parisien, au coeur du Sentier, on pratique un accueil décomplexé. Décryptage par Julie Bruley, general manager de The Hoxton : "Il s'agit de prendre ce que le quartier a de meilleur à offrir - ses artistes, restaurants, boutiques, parcs, le street art -, et les amener vers l'intérieur, pour nos clients et notre communauté. À l'inverse, nous encourageons nos clients à explorer le quartier comme un local via nos insider tips." Concrètement, l'hôtel parisien propose de la course avec Adidas, des cooking-class avec Konbini, des concerts live, des pyjama party, des expositions de Playmobil géants…
Ces hôtels pensés comme des lieux de vie se sont multipliés ces cinq dernières années : Mob, Eklo, Okko Hôtels, Jo & Joe, Yooma… Souvent atypiques et protéiformes, ces établissements ont un point commun : leur audace. Chez Mob à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) par exemple, la programmation compose avec des artistes de renom (Arthur H, Neneh Cherry, Oxmo Puccino) et des happening quasi-quotidiens (exposition d'arts africains, ruches sur le toit, ateliers de décoration florale et cours de yoga pour petits et grands). Chez Jo& Joe, enseigne du groupe Accor, "on mise davantage sur une open house, où les townsters - habitants du quartier - et les tripsters -ceux qui explorent - s'y retrouvent." Ici aussi, la programmation est électrique avec concerts, cours de yoga, scène ouverte et DJ set.
Auberges de jeunesse nouvelle génération
Accor n'en est d'ailleurs pas à son coup d'essai. Parmi les autres initiatives du groupe, on citera SO, La Nuit by Sofitel, Mercure bières locales, MGallery Inspired By Her... Très en vogue, Ibis Music propose quant à lui des concerts et la mise à disposition d'instruments dans ses lobbies. La jeune génération, qui déserte l'hôtellerie classique, n'a pas non plus été oubliée. Les 18-34 ans peuvent en effet loger dans des auberges de jeunesse nouvelle génération (Gastama à Lille, Generator Hostels, Les Piaules à Paris…), dans des chambres-dortoirs high tech.
Depuis peu, une autre tendance émerge, mélange d'hôtellerie et de retail. À l'étranger, les exemples ne manquent pas, à l'image de Koé, hôtel tokyoïte multifonction, ouvert en 2018. Ici, se marient restauration, shopping, événements culturels et hébergement de haut standing. Toujours au Japon, le BNA (Bed and Art) Alter Museum à Kyoto se positionne entre l'hôtel et la galerie d'arts. En France, l'hôtel French Theory, au coeur du quartier latin, a décidé de pousser le concept encore plus loin. Ici, on vend moins des chambres qu'une expérience pluri-sensorielle. "D'ici peu, French Theory dévoilera des espaces originaux : studio d'enregistrement de musique, galerie d'art, salle d'audio-lounge avec platines à disposition, ou encore concept-shop", résume le dirigeant Aurélien Armagnac. Car ce n'est plus tant aujourd'hui la chambre qui attire, mais davantage "l'expérience et la création d'émotions, véritable fabrique à souvenirs positifs."
Publié par Mylène SACKSICK