Dal Pescatore, "c'est une maison de famille", aime rappeler Antonio Santini, le maître des lieux et mari de Nadia Santini. Sitôt la porte franchie, cet élégant homme de 62 ans reçoit ses hôtes "comme chez soi" avant de les accompagner pour l'apéritif dans l'un des salons. Entre bibelots, diplômes et photos de famille, il se pose volontiers pour une rétrospective du lieu, chargé en histoire, qui se situe à Runate, village de 36 habitants confiné dans la Réserve naturelle du Parc de l'Oglio Sud, à une heure trente en voiture de Milan. Jamais très loin, son fils cadet, Alberto, qui a rejoint le cocon en 2010, responsable de la carte et du service des vins, appréhende la clientèle de manière décomplexée.
Baigné dans l'univers de la gastronomie depuis son enfance, ce trentenaire a appris sur « le tard » : "J'ai toujours voyagé avec mes parents pour découvrir les restaurants. Je vis ce métier au quotidien, et il était hors de question de faire une école hôtelière. J'ai juste suivi une formation de sommelier avec l'association internationale des sommeliers d'Italie (AIS) ». Son dada, c'est d'offrir aux clients une carte évolutive de vins dénichés lors de ses rencontres avec les viticulteurs. Sur 1000 références, la moitié est dédiée à l'Italie, 45 % à la France - "son pays de coeur", et 5 % à l'étranger (Australie, Chili, etc).
Il achète 12 à 18 bouteilles maximum pour permettre ce turnover. Pas question d'avoir des vins de garde, "car c'est de l'argent qui dort". Il privilégie la vente de bouteilles, et très peu de vins au verre. "Le client doit se faire plaisir, les tarifs commencent à 35 €. Nous proposons qu'il rapporte la bouteille non terminée", indique ce fan de courses automobile, qui propose à la clientèle, en fin de repas, d'utiliser un éthylotest approuvé par la police. Un service peu banal dans un 3 étoiles Michelin !
Des détails qui font la différence
Le binôme père/fils se complète à merveille. Tradition d'un côté, modernité de l'autre. Avec un même leitmotiv : "Que l'esprit de fête soit à table". Le restaurant, qui dispose d'une capacité de 23 places assises, offre une pleine vue sur le jardin. Sept personnes complètent l'équipe de salle. Leur mission : choyer le client. Chacune de ses demandes est personnalisée et exaucée. Le gaucher a des couverts adaptés (dont 4 exemplaires de couteaux à poisson qui viennent d'être livrés après un travail de réflexion avec le coutellerie Lorenzi). Autre détail un peu fou : la serviette a été pensée pour s'attacher au bouton de chemise. Histoire d'éviter de se salir… Il n'y a pas de techniques en salle, outre le service des sorbets au guéridon. Côté explicatifs produits, l'équipe est à son maximum et apporte volontiers un produit brut pour soutenir son argumentaire. Tel le coffret de safrans apporté à table pour expliquer le célèbre plat Dal Pascatore, le risotto de la grand-mère Bruna.
Alberto Santini
a également souhaité élargir l'amplitude horaires des services : 12h à
14h30 (contre 13h30 initialement) ; 19h30 à 22h30 (vs 20h à 21h30). "Les clients peuvent prendre davantage
leur temps à l'apéritif ou au café en terrasse ou au bar, et non à table,
admet le papa, Antonio. Mon fils a
apporté de la jeunesse, de l'organisation et de la standardisation en salle. La
nouveauté fait du bien. Il faut savoir se remettre en question. Et c'est bien qu'Alberto
se sente décisif sur les choses, car il est ma relève !" Grâce à Alberto, Dal
Pescatore s'est muni d'une piste d'hélicoptère pour accueillir une plus vaste clientèle internationale. Les décisions familiales se font le lundi ou mardi, jours de fermeture du restaurant. Pour parfaire la venue des hôtes, chacun peut également profiter d'une visite personnelle de la cave de vinification du vinaigre balsamique Dal Pescatore (4 litres/an). Là encore avec les précieux explicatifs d'Antonio et Alberto...
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Les arts de la table
Siglées Dal Pescatore, les assiettes de présentation en argent de la Maison Italia à Milan imposent sur une table dressée de manière très classique (avec fourchette et couteau en argent). À leur gauche, les assiettes à pain sont signée Alain Vavro, le designer, entre autres, de l'ensemble des arts de la table de Paul Bocuse - "très cher ami de la famille Santini", revendique Antonio Santini. D'ailleurs, pour les fins connaisseurs, les 2 maisons ont la même ménagère en argent, à une différence près : il n'y a pas la statuette du Pape de la cuisine en guise de poignée. Touche locale oblige, les verres à eau, les vases et les portes-beurre - des pièces uniques - sont faits main dans un style vénitien (par Marc Antonio Brandolini), apportant de l'éclat à la table. Le soir, celle-ci s'habille d'un chandelier Broggi en argent.
Quant à la carte des mets, elle change tous les deux ans à peine. La famille Santini fait appel à un designer de leur choix, en laissant libre court à leur créativité. Cette année, il s'agit… d'Alain Vavro, qui a imaginé des fleurs multicolores avec une phrase dissimulée : "Et vive les Santini".
Publié par Hélène BINET