"Je savais que je voulais faire de la pâtisserie depuis le collège. À l'époque, j'adorais faire des gâteaux et ajouter ma petite touche personnelle." Julie Lhumeau, 21 ans, a pourtant commencé par un bac S à Bressuire (79), ses parents préférant qu'elle le passe d'abord. Elle a ainsi pu obtenir son CAP en un an. La jeune femme est alors en cours à Ferrandi (Paris, VIe) et en alternance chez Lenôtre à Plaisir (78). Elle poursuit par une mention complémentaire en pâtisserie à l'École de boulangerie et de pâtisserie (EBP, à Paris XIIe) et une première année de brevet technique des métiers (BTM) en pâtisserie, toujours en alternance chez Lenôtre.
En mars 2012, Thibaut Ruggeri, alors chef adjoint de la création chez Lenôtre, prépare le Bocuse d'or, mais la jeune femme commis qui l'assiste a des soucis de santé. Le chef de Julie Lhumeau, Éric Lecoq, lui propose la place. Il ne reste que quinze jours avant la sélection France. "Je me retrouve du jour au lendemain à faire de la cuisine et à préparer un concours que je ne connaissais pas." Après deux semaines d'entraînement à plein temps avec le chef, ils remportent l'épreuve. Puis, lors de la sélection Europe, elle gagne le prix du Meilleur commis. "Je ne m'y attendais vraiment pas. Mais Thibaut m'avait prévenue : 'Dorénavant, tu es à la guerre. Même si tu te coupes un bras ou une jambe, tu continues'." Et la jeune femme d'ajouter : "il aurait fallu que l'on me coupe la tête pour que je m'arrête !"
Entraînements en conditions réelles
L'entraînement s'intensifie début décembre 2012. Le travail à deux est quotidien jusqu'au concours. Thibaut Ruggeri lui demande de travailler sur les garnitures, les décors et les finitions, "des heures à faire et à refaire". Il y a aussi les visites. "Nous avons rendu visite à Jean Denaux, le boucher qui fournissait la viande pour le concours. Pour la soupe de truffe inspirée de celle Valéry Giscard d'Estaing, nous avons rencontré Paul Bocuse à L'Auberge du Pont de Collonges. Il nous a donné des conseils et nous avons déjeuné avec lui en cuisine en même temps que le service."
Le duo suit neuf entraînements complets en conditions réelles. "Nous avions tout le matériel qui allait être disponible durant l'épreuve et le box était identique à celui du concours. Les derniers entraînements, nous les avons passés avec la musique à fond pour nous habituer à l'ambiance des fanfares et des cris." Julie Lhumeau se souvient que la brioche qu'elle devait préparer pour le boeuf et dont elle redoutait le résultat, "par rapport à la température de la salle, le temps de pousse qui fluctue", n'a jamais été aussi belle. Le 30 janvier 2013, au moment du résultat, elle a le coeur qui bat tellement fort qu'elle croit qu'il va lâcher. Le binôme français remporte le Bocuse d'or, devant le Danemark et le Japon. De retour à Paris, le duo fait le tour de tous les postes pour remercier les équipes qui les suivent depuis le début.
"La rigueur m'a servi"
"J'ai pris confiance en moi, je me suis rendu compte que j'étais capable de le faire. C'était tellement impressionnant de voir tous ces grands chefs regarder notre travail. C'était intéressant de former un duo cuisinier-pâtissière. La rigueur m'a servi. La pâte à chou, la maîtrise des décors, je connais". Aujourd'hui, Julie Lhumeau poursuit son apprentissage dans le cadre du dispositif de Lenôtre. Elle consacre deux heures par jour à un travail personnel (pâtisserie, viennoiserie, chocolat, confiserie) qu'elle présente chaque semaine aux chefs, dont Thibaut Ruggeri, et ses camarades d'apprentissage.
"Je note toutes mes recettes et je les prends en photos. La semaine dernière, j'ai préparé une tarte à base d'un sablé breton, d'une mousse orgeat et d'une compotée fraise-menthe. Tout le monde goûte, dit ce qu'il en pense, c'est très enrichissant." Avant d'ouvrir sa propre affaire, peut-être dans le Sud-Ouest, elle souhaite travailler dans différents établissements, en restauration et en boutique. Elle est également partie dix jours au Québec, avec une trentaine d'autres apprentis de l'EBP.
Publié par Caroline MIGNOT
