De son propre aveu “souvent là où ne l’attend pas”, le MOF Joseph Viola défend cet automne l’ouverture, au sein de la gare Lyon Part-Dieu, d’un nouveau concept de restaurant directement inspiré par ses trois bouchons lyonnais : Daniel & Denise en voyage.
“Signer une carte pour le groupe SPP ne m’intéressait pas, j’ai proposé une franchise. Je veux prouver que c’est possible de créer dans une gare un endroit où l’on mange bien, à toute heure et où les produits sont de qualité.” Précision du chef : “Ce n’est pas de la cuisine d’assemblage, dans les cuisines ça mijote, ça réduit et ça sent bon.” À l’image des buffets de gare d’antan. Presque simultanément, le Lyonnais sort un nouveau livre de recettes : La Délicieuse Cuisine traditionnelle française. Une anthologie de 150 recettes qui va bien au-delà des seules spécialités lyonnaises d’ordinaire associées au MOF, avec des bouchées à la reine, du lièvre à la royale, “des plats de cuisine bourgeoise qui me parlent.”
Apprendre, comprendre, entreprendre
Consciemment ou non, Jospeh Viola sort donc cette saison de sa cuisine de bouchon, suivant et transmettant les préceptes de ses deux mentors : Michel Guérard, disparu cet été, et Jean-Paul Lacombe, ancien chef du restaurant Léon de Lyon.
“Chez Michel Guérard, je suis devenu cuisinier. Avant, je ne faisais que répéter ce que l'on m'avait enseigné, là j'ai compris la rigueur et ce qu’est la cuisine. C’est très différent. D’ailleurs, je dis à mes gars que lorsqu’on travaille dans une maison, il n'y a pas que la cuisine. Il faut s’intéresser à ce qui se passe autour. C’est là qu’on comprend pourquoi un établissement marche ou pas. À Eugénie-les-Bains, j’ai également appris la nécessité de savoir se remettre en question. Cela m’a énormément aidé lorsque j’ai raté le MOF en 2000. J’ai mis plus de six mois à m’en remettre. Il m’a fallu digérer et comprendre pourquoi j’étais resté pétrifié. Alors, j’ai pu agir et j’ai intégré un organisme pour lequel je partais, aux quatre coins de France, cuisiner devant des professionnels sans même savoir ce qu’il y avait comme fours.”
À l’époque, Joseph Viola est chef chez Jean-Paul Lacombe (Léon de Lyon), à qui il vient de rendre la deuxième étoile perdue en 1992. “C’était un style de chef plus entrepreneur. Il a eu jusqu’à douze établissements. Le secret c’est d’être bien organisé mais aussi bien épaulé par des personnes de confiance, que ce soit en cuisine, en salle et dans les bureaux.” Françoise Viola est aux côtés de son époux dès le rachat du premier Daniel & Denise, en 2004. Cette année-là, il obtient aussi le titre de MOF. Aux fourneaux tous les jours de la semaine, Joseph Viola est chef avant d’être entrepreneur : “Quand je pense cuisine, le mot qui me vient en tête, c'est transmission. C’est ce que j’ai reçu, ce que j’essaie de faire aujourd’hui avec les gones. On doit dire les choses, ne pas laisser passer ce qui ne va pas car c’est ça leur apprendre le métier. Après, ils analyseront ce qu'ils auront appris chez Pierre, Paul, Jacques ou Joseph et ils en feront ce qu’ils voudront. C'est la richesse de ce métier.”
Un métier qu'il partage désormais avec ses enfants, Julia et Enzo, tous deux intégrés à l’entreprise familiale : “Cela rend très concret le sentiment d’avoir fondé quelque chose. Moi, je crois aux restaurants dans lesquels on va chercher du réconfort, où il se passe quelque chose entre la salle et la cuisine, où il y a une âme. En ce moment, on voit des financiers ouvrir des restaurants puis chercher des chefs. Je ne crois pas que ça marche dans le temps. Dans un restaurant, les gens veulent se faire plaisir, choisir ce qu’ils ont envie de manger ou de boire. On a besoin de bonne cuisine, de cuisine savoureuse.”
Publié par Audrey GROSCLAUDE