La prise de conscience de Freddy Zerbib remonte à un peu plus d'un an, quand il demande à un client aveugle accompagné de son épouse ce qu'il souhaite, et que la réponse se borne à « comme ma femme». Le restaurateur, président de l'association orléanaise Les pros ont du goût, interpellé, réagit en proposant au client de lui lire la carte. « Le monsieur a refusé car il ne voulait pas déranger. Et ça, je peux pour dire ça m'a vraiment gêné. On est là pour faire plaisir ! » A partir de ce dîner, le patron du El Tio noue des relations amicales avec le couple. Avec son aide, il décide de confectionner une carte en braille (écriture tactile à pointe saillante) sur une feuille blanche. « La loi sur l'accessibilité parle d'une carte avec de gros caractères ou de jouer sur les couleurs, mais ce n'est pas suffisant car il n'y a pas seulement une forme de malvoyance » constate le restaurateur qui avoulu réfléchir autrement à la problématique. Avec la complicité d'un ami de longue date, Hervé Anquier, auteur de la Carte Kikoz, il décide de mettre en place une carte vocale. « Ca existe dans les préconisations mais on je n'en ai jamais vu dans des restaurants et pourtant l'outil est simple. On peut enregistrer tout ce qu'on veut comme on veut, l'enregistrement est facilement modifiable. Et on peut même faire l'enregistrement par téléphone et dire… Voici nos plats du jour et à tel prix. En ajoutant, le conseil du chef… » Bruno Gendron, président de l'Association pour aveugles et déficients visuels d'Orléans et région Centre (Apadvor), enseignant et chercheur en économie, confirme l'intérêt de la démarche. « Vous savez, les aveugles sont aussi des bons vivants. En revanche, c'est vrai que nous n'aimons pas déranger et que c'est compliqué de demander à un serveur ou une serveuse de nous lire la carte ou le menu. » Pour lui, les attentes sont multiples et mettre en oeuvre un accueil adapté est pourtant à la portée de nombreux établissements. Il existe des balises sonores qui sont activées par la personne en situation de handicap à partir d'une petite télécommande. « On la branche quand on sort de chez nous et quand on arrive à hauteur d'une balise, elle s'enclenche. C'est le principe des passages cloutés avec message sonore ». D'autres détails pratiques peuvent favoriser l'accueil : les bandes de vigilances sur les escaliers, un panneau en braille sur les toilettes... La cécité est un sujet réel compte tenu aussi du vieillissement des populations. « L'humain reste important, souligne Bruno Gendron. Quand un client malvoyant ou non voyant entre dans un établissement, il faut effectivement savoir le guider jusqu' à sa table ou à sa chambre. Je pense d'ailleurs que c'est le rôle des associations d'apprendre aux équipes des restaurants ou des hôtels les gestes simples pour les guider. » Là encore, des astuces existent comme lorsqu'on apporte une assiette à un non voyant en « lui indiquant où se situent les aliments (viande à droite, légumes à gauche par exemple) est bienvenue. Je pense aussi à une chaîne d'hôtel qui a modifié ses cartes d'accès aux chambres en les entaillant, ce qui permet de se repérer pour placer la carte dans le bon sens". Toujours en hôtellerie, préciser au client le nombre de portes qui le sépare de l'ascenseur fait aussi partie des indications à donner. Pour revenir à la problématique du braille, lu par environ un tiers des aveugles, il existe aujourd'hui des programmes informatiques qui permettent 'd'embosser' à la demande des textes. Et puis, pour les restaurants qui présentent le menu à l'ardoise, le top reste l'explication des plats à haute voix, pour voyant comme non voyant.
Publié par Sylvie SOUBES