Fort-de-France voit de nouveau les paquebots de croisière accoster sur ses pontons et les chiffres annoncés pour 2012 sont encourageants. Le secteur de la restauration foyalaise ne repose pas uniquement sur cet afflux mais certains établissements du centre-ville, de part leur emplacement sur le front de mer, savent en tirer profit. Ainsi Gabriel Manon, responsable restauration du Foyaal, prend désormais l'habitude de renforcer ses équipes lors des escales programmées des paquebots. L'établissement s'est adapté à cette clientèle principalement étrangère en acceptant par exemple les paiements en dollars. Mais le Foyaal sait jouer de ses atouts pour cibler une clientèle qui se veut la plus large possible. L'établissement compte deux concepts : un au rez-de-chaussée sur le thème brasserie où le ticket moyen tourne autour de 25 €, et à l'étage, Le Césaire, qui affiche un menu gastronomique destiné à une clientèle "plus huppée" avec des produits haut de gamme et un ticket moyen de 45 €. Le Foyaal compte 25 employés, et c'est à partir de critères bien précis que Gabriel Manon les recrute. Il les sélectionne avant tout pour leur tenue, leur courtoisie et leur rapidité dans le service, quitte à les former par la suite pour améliorer la technique !
La demi-pension en chute
D'autres établissements ont choisi de mettre en avant la gastronomie locale. C'est le cas du Joséphine, établissement emblématique de la ville qui peut s'enorgueillir de plus de 50 ans d'existence. Avec son Ananas de l'impératrice au poulet boucané et sa vinaigrette à la papaye, son Magret de canard au schrubb ou son Blaff de crustacés de mer et de rivière au bois d'Inde, Le Joséphine défend une cuisine métissée et raffinée. Si le restaurant s'adresse à tous types de clientèle, l'équipe constate qu'il existe toutefois aujourd'hui une différence entre celle du restaurant et celle de l'hôtel, la formule demi-pension ne faisant plus ici recette !
La Cave à vins, tenue par Jean-Christophe Grouvel, est située dans la rue la plus commerçante de la ville et joue aussi la carte de la qualité. Ce 'restaurant boutique', concept assez peu exploité en Martinique, propose à la fois la vente de produits d'épicerie fine et une sélection de grands crus, ainsi que 30 couverts dans un cadre raffiné et apaisant. Les produits locaux sont associés à la gastronomie métropolitaine avec créativité : Tatin de christophines au foie gras de canard, Lambis rôti jus au piment d'Espelette ou encore Steak de thon façon Rossini. Les prix sont compris entre 12 et 25 € pour les viandes, entre 15 et 26 € pour les poissons.
Le casse-tête des approvisionnements
D'autres avouent que la partie difficile du métier – et sa particularité en Martinique - est liée aux achats et estiment que les restaurateurs sont "largement tributaires des fournisseurs". Ainsi, Richard Gasquez, gérant du The Crew, consacre 70% de son temps à cette problématique. Il s'appuie sur un stock "considérable" qu'il garde en permanence, ce qui lui permet de gérer la variation des prix, les difficultés d'approvisionnement, les pénuries ou les délais. C'est ce mode de fonctionnement qui fait sa force. Il constate avec étonnement que depuis 2009, son ticket moyen a augmenté, passant de 23 € à quasiment 30 €. Pas d'augmentation des prix pourtant puisque ce professionnel tient à faire passer la satisfaction de sa clientèle avant tout, mais plutôt un changement dans les habitudes des consommateurs. "Une clientèle très fidèle et friande de ses plats traditionnels qui, rassurée sur la constance de qualité, n'hésite pas à se faire plaisir ". S'il propose un menu créole destiné aux touristes, il revendique une cuisine métropolitaine classique comme la Blanquette de veau, le Boeuf bourguignon ou les Tripes, gages aussi de son succès.
La restauration créole traditionnelle davantage touchée
D'autres constatent également ce nouveau mode de consommation de la clientèle, cette fois-ci à leur désavantage. Alex Zizi, gérant de La Croisière, cultive une cuisine créole traditionnelle et avoue devoir travailler beaucoup pour s'en sortir. Il remarque la baisse de son ticket moyen qui tourne autour de 15 € pour le déjeuner et entre 30 et 40 € le soir. Une clientèle peut être plus modeste qui fait attention à ses dépenses… Enfin, certains restaurants n'ont pas réussi à surmonter les conséquences de cette période agitée sur le plan économique et continuent à subir les effets de la crise. Hugues Balcaen qui tient le restaurant El Raco depuis 31 ans, constate amèrement que son ticket moyen a chuté du jour au lendemain, passant de 55 € à 40 €, sans jamais trouver les moyens ou les ressources pour revenir aux références d'avant 2009.
Qualité et remise en question
L'avenir de la restauration foyalaise, et martiniquaise de manière générale, se trouve assurément dans une démarche de qualité visant à satisfaire une clientèle plus exigeante que par le passé. Nul doute que les établissements qui ont su investir, se remettre en question et entrer dans des démarches qualitatives ont retrouvé aujourd'hui une certaine dynamique.
Publié par Marie TABACCHI