Ces oeufs ont tous été cuits de la même manière pour évaluation. Les testeurs ont trouvé que les jaunes étaient de teintes variées et ont affirmé sentir un goût de poisson, de farine, un véritable goût d'oeuf... Les meilleures notes ont été attribuées aux gros oeufs à la couleur foncée, tandis que ceux de couleur pâle étaient jugés de qualité inférieure. Or, on leur avait caché que tous les oeufs provenaient du même élevage, pondus le même jour par des poules de races différentes, mais toutes nourries de la même manière !
Les testeurs ont jugé en étant influencés par la couleur des coquilles et des jaunes, par la taille, et ont senti les saveurs suggérées. En parallèle, un autre groupe a testé à l'aveugle les mêmes oeufs. Il a jugé la qualité constante, sans déterminer de goût ou de saveur particuliers de l'un à l'autre…
L'albumine et les protéines sont-elles standard en goût, en saveur et en valeur nutritionnelle ? Il y a de véritables différences de goût des oeufs selon l'alimentation des poules. Et de nombreux groupes s'adonnent aujourd'hui à augmenter la teneur des oeufs en résidus d'acides gras, de type Oméga 3 par exemple. Une recherche sur Google Scholar m'a fait trouver des dizaines d'articles où les effets de l'alimentation des poules sur la composition des oeufs sont mesurés par des instruments d'analyse chimique, ce qui est une validation bien supérieure. En revanche, il me semble que la couleur de la coquille n'a guère de rapport avec l'alimentation, mais plutôt avec la race de poule. De sorte que, s'il y a un effet de la race sur la composition de l'oeuf, cette influence peut être modifiée par l'alimentation.
Je profite de l'occasion pour rappeler que les tests les plus simples (que nous mettons d'ailleurs souvent en oeuvre dans les séminaires de gastronomie moléculaire) sont les tests triangulaires : il s'agit tout d'abord de savoir si les jurys perçoivent ou non des différences.
Attention, enfin, à propos du terme albumine : c'est une notion parfaitement périmée. Les protéines du blanc d'oeuf doivent tout simplement être nommées protéines, car il y en existe plusieurs sortes, et pas seulement les albumines. Les protéines étant des polymères, elles n'ont aucun goût. Leur valeur nutritionnelle est invariable, puisqu'elle dépend de leur composition en résidus d'acides aminés, laquelle est codée génétiquement.
Publié par Hervé THIS