Caroline Huet est responsable de l’Échoppe du chef Frédéric Coiffé au sein des Halles de Bacalan à Bordeaux (Gironde). Au chômage depuis mi-mars, elle est impatiente de retrouver son poste. “Cela fait un moment que je tourne en rond ! Nous sommes en contact presque tous les jours avec le chef et les collègues sur un groupe Whatsapp. Tout le monde attend la reprise. Le fait de travailler dans les Halles – à la fois marché et espace de restauration – est particulier, car il y a encore plus de brassage avec 80 commerçants. Nous ne savons pas quand ce type de lieu pourra rouvrir. Bien que le chef soit rassurant, j’ai parfois l’angoisse de perdre mon emploi et de ne pas retrouver, vu le contexte. J’aimerais être optimiste, mais cette situation me questionne. Je ne pense pas que nous reprendrons une activité normale avant octobre ou novembre. Je ne crains pas d’attraper le virus car je reste dans le stand, je ne sers pas les gens à table. Par contre, j’ai des difficultés à supporter le masque : je respire mal, je frôle l’hyperventilation. Nous passons notre temps à parler, à toucher : je redoute le manque de confort dû aux masques, aux gants. Et je m’interroge sur le rapport aux clients, car beaucoup de choses passent par le sourire dans notre métier !”, souligne-t-elle.
Prouver une hygiène irréprochable
Armelle Cosset travaille, elle, en tant que gouvernante dans un hôtel-restaurant 5 étoiles à Bordeaux, fermé depuis mi-mars. Elle est au chômage depuis. “Notre direction a lancé un groupe Whatsapp avec tout le personnel, mais l’esprit de l’hôtel et de l’équipe me manque. J’ai envie de reprendre. J’ai beaucoup d’interrogations et remettre un pied dans l’hôtel nous permettra d’avancer – bien qu’aucune réservation ne soit prise avant le 2 juin. Je suis au service house keeping, et en amont de l’ouverture il va falloir tout désinfecter, revoir toutes les procédures, les protocoles, reformer les femmes de chambre. Je me demande dans quelles conditions le personnel va reprendre le travail. Nous évoluons dans l’intimité des clients, nous touchons leurs affaires... Il va falloir prouver à la clientèle que nos protocoles sont encore plus irréprochables”, remarque-t-elle. Elle n’a aucune crainte de ramener le virus à la maison – et de plus, se déplace à vélo. Elle redoute en revanche l’organisation à venir avec ses enfants. “Nous sommes dans le flou quant à leur prise en charge à l’école. Nos employeurs nous ont rassurés en nous disant qu’ils aménageront les plannings au mieux, au cas par cas. Mais j’aimerais que l’État nous rassure aussi : aura-t-on un complément de salaire si l’on ne peut venir travailler que 2 ou 3 jours par semaine, si jamais nos enfants ne vont pas plus à l’école ?”, s’interroge-t-elle.
Le comportement de chacun sera essentiel
Quant à Xavier Hallab, il est le second du chef Anthony Orjollet au restaurant Elements à Bidart (Pyrénées-Atlantiques). Il a déjà retrouvé son poste. Après une période de trois semaines sans travail, il a repris aux deux tiers temps pour assurer la production de plats à emporter et la mise en place d’une épicerie dans le restaurant. L’équipe est solidaire et partage les mêmes valeurs. « Nos chefs ont insisté sur le fait que nous étions libres de revenir travailler ou pas, nous n’avions pas de pression. En ayant déjà repris, j’ai une bonne idée de la façon dont les gens consomment et se comportent. On constate que les consignes de bonne conduite doivent être intégrées par tous : certains clients sont très précautionneux, d’autres pas du tout”, remarque- t-il.
Laurent Liermann, barman et serveur en salle pour Epoq, le second restaurant d’Anthony Orjollet, à Biarritz, a toujours été très attentif à l’aspect hygiène, tant dans sa vie professionnelle que personnelle. “Je me vaccine contre la grippe tous les ans, l’hiver je prends mes distances…pour moi, c’est du bon sens. En salle, nous serons proches des clients, mais masqués donc cela ne m’inquiète pas. Et puis, on ne peut pas vivre sous cloche. Il faut tout de même rester vigilant. Nous devrons revoir notre façon de travailler. La mise en place se dessine avec le protocole, mais au-delà, il faudra aussi rééquilibrer les charges des entreprises”, estime-t-il.
“Nous allons vivre des moments relationnels compliqués, entre collègues et avec les clients. D’où le rôle essentiel de la posture, de l’attitude de chacun, de l’amplitude des gestes, des paroles de chacun vis-à-vis de ses collègues et des clients. Il est important que les collaborateurs échangent sur leurs visions – crainte, absence de crainte, etc. L’employeur devra être attentif à favoriser des échanges réguliers, faire remonter les informations, prendre la température, et faire un débriefing à la fin de la journée”, conclut André Picca, consultant et formateur en restauration.
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Publié par Laetitia Bonnet Mundschau