Né à Annecy, Christophe Chiavola a ensuite beaucoup déménagé, en France et en Algérie, avant de poser ses valises à Perpignan à l’adolescence, avec ses parents. “Quand j’étais en Algérie, on avait pour tradition de préparer une soupe à l’oignon pour le Réveillon. L’année de mes 12 ans, ma mère m’a demandé de m’en occuper. J’ai mis beaucoup trop de poivre, ce n’était pas très bon… Je vois les gens manger, et là je lui dis : “Je veux devenir cuisinier.” Dès lors, le chef observe et s’imprègne de la cuisine de sa mère. À 16 ans, il intègre l’école hôtelière de Perpignan, entame un CAP cuisine, qu’il ne terminera finalement pas. “J’étais un cancre, je n’étais pas fait pour l’école”, concède le chef.
Il se forge seul, au fil des expériences et des rencontres. “J’achetais des magazines en librairie, j’apprenais en travaillant dans les restos.” Tour à tour traiteur, cuisinier en restauration traditionnelle, il revendique une approche autodidacte, marquée par la débrouille et l’imprévu. “Le traiteur, ça t’apprend à t’adapter à tout. ”
Après un passage par l’armée, il s’installe en Provence en 2013 et rejoint l’équipe de Prestige Provence, avant de participer à l’ouverture d’un établissement à Avignon. Il poursuit ensuite aux Hameaux des Baux, à Saint-Rémy-de-Provence, où il prend la direction de la cuisine après le départ du chef. “Il n’avait pas l’étoile. Quand il est parti, il m’a dit qu’il pensait que j’allais l’avoir. C’était complètement inattendu. Et c’était top, on s’est bien amusé.”
Après une parenthèse au Château de Massillan, à Uchaux, où il décroche une étoile en six mois, Christophe Chiavola se pose un peu plus d’un an, pour souffler, puis prend la tête des cuisines du Prieuré Baumanière, à Villeneuve-lès-Avignon. Cet ancien monastère du XIVe siècle, transformé en hôtel 5 étoiles Relais & Châteaux, appartient à Geneviève et Jean-André Charial, également propriétaires de l’Oustau de Baumanière (3 étoiles Michelin). Lorsqu’il arrive, le restaurant vient de perdre son étoile. “Je visais 2025 pour la récupérer. Finalement, on l’a eue en six mois, en mars 2024.”
Une cuisine d’instinct
Attaché à une cuisine de marché, le chef travaille sans filet, en réaction à ce qu’il voit, ce qu’il sent. “J’imagine un plat, je fais un croquis, je trouve des produits, on teste, et on le met à la carte dans la semaine.” Ses assiettes frappent par leur franchise, leur gourmandise et leurs contrastes. “Je travaille beaucoup le terre-mer, les agrumes… Je peux faire un escargot avec de la seiche, du lard avec du poisson, de l’huître et du pigeon, ou du taureau…” Ses origines catalanes ne sont jamais loin. Son objectif : le peps. “Je veux que ça explose en bouche. Et j’ajoute souvent un petit “side” pour apporter de la fraîcheur. ”
Une confiance partagée avec Jean-André Charial
À la tête du Prieuré, Christophe Chiavola apprécie la liberté qui lui est laissée. “Monsieur Charial contrôle le business, il vient goûter de temps en temps. J’ai une grande confiance dans ses retours. On ne fait pas la même cuisine, mais on partage l’essentiel : les goûts francs, la justesse des cuissons. Depuis que je suis ici, ma cuisine a changé : moins de chichi, plus de produit.”
Le Michelin, une surprise plus qu’un objectif
“Le Michelin, ça n’a jamais été dans ma tête.” L’étoile, Christophe Chiavola n’en fait pas une obsession. Elle s’impose presque malgré lui, lors de son passage aux Hameaux des Baux. “J’ai dû penser différemment. C’était stressant, mais ça m’a permis de montrer que j’en étais capable.”
Son conseil à ceux qui rêvent d’étoile ? “Il faut cuisiner comme on est. Oser, prendre des risques. Je ne me freine pas en me disant que le Michelin pourrait ne pas aimer. Ma cuisine peut surprendre, mais ça fonctionne. Quand on goûte quelque chose et qu’on a cette réaction de se dire c’est fort, alors ça va matcher.”
Sans plan de carrière, Christophe Chiavola préfère rêver. “J’aimerais une paillotte au bord de la mer, avec un barbecue, loin de tout.” En attendant, il vit au jour le jour. Et quand il ne cuisine pas ? “Je suis fan de films et de séries. Regarder un bon film, c’est mon plaisir.”

Publié par Romy CARRERE