Lors de la reprise d’un fonds de commerce, il arrive régulièrement que le repreneur accepte l’équipe telle quelle sans envisager de modification au sein de celle-ci. Mais il n’est pas rare que, dans les faits, changement de direction rime avec mouvements de personnel. Il faut bien mesurer que reprendre un fonds de commerce, c’est reprendre l’équipe en place. Si le plan de reprise n’intègre pas la totalité de l’équipe, mieux vaut négocier le prix de cession à la baisse pour tenir compte du coût associé à d’éventuelles ruptures de contrats que le repreneur devra supporter une fois à la barre de l’affaire. En effet, dans la période qui suite immédiatement la reprise, la marge de manœuvre quant à l’équipe en place est très faible et un moindre faux pas peut coûter très cher.
Le repreneur peut-il licencier un ou plusieurs membres de l’équipe en place ?
Non, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Non seulement, la reprise du fonds n’est pas un motif réel et sérieux, mais, en plus, le repreneur a l’obligation légale de reprendre le personnel en place. C’est l’article L1224-1 du code du travail qui l’impose. Ainsi, lors de la reprise d’un fonds de commerce, les salariés conservent leur rémunération, leur ancienneté et les droits qui y sont attachés. Le nouvel employeur ne peut pas non plus leur faire effectuer de période d’essai.
Le repreneur peut-il licencier pour motif économique en raison de la réorganisation de l’entreprise à l’occasion de la reprise du fonds ?
Non, sauf à démontrer, après plusieurs mois d’exploitation, de réelles difficultés économiques - caractérisées par exemple par la baisse significative du chiffre d’affaires - avec impossibilité de reclassement. Ce n’est donc pas la reprise à l’origine de la réorganisation qui peut justifier un licenciement économique, mais bien de réelles difficultés économiques plusieurs mois après la reprise. Un tel scénario n’est pas souhaitable pour le nouveau repreneur.
Le repreneur peut-il proposer une rupture amiable aux salariés en place ?
Oui, rien n’empêche le repreneur de proposer une rupture amiable. Dans, ce cas, il faut suivre la procédure de la rupture conventionnelle, ce qui signifie notamment sa validation par l’inspection du travail et le versement d’une indemnité. Rappelons qu’une rupture conventionnelle ne peut pas être imposée. Il faut l’accord des deux parties. En pratique, le repreneur a intérêt à bien préparer le terrain pour convaincre le salarié dont il souhaite le départ. Les négociations l’amèneront peut-être à verser une indemnité de rupture supérieure à l’indemnité légale de licenciement. En tout état de cause, l’employeur ne doit pas faire pression sur le salarié pour le forcer à accepter. Si le salarié refuse, le contrat doit se poursuivre. Néanmoins, un salarié qui sent qu’il n’a plus sa place dans la nouvelle organisation d’une entreprise a souvent intérêt à chercher un poste ailleurs et donc à accepter une rupture conventionnelle. Ce mode de rupture s’accompagne d’une indemnité d’un montant au moins égal à l’indemnité de licenciement - ou plus s’il a bien négocié - et elle ne prive pas le salarié des allocations de chômage s’il a suffisamment cotisé pour y avoir droit.
Existe-t-il une alternative si le salarié refuse la rupture conventionnelle ?
Il n’y a pas d’alternative légale. Un repreneur est libre de prendre le risque de rompre malgré tout le contrat en le licenciant sans motif réel et sérieux. Mais ce risque a un prix car il s’expose alors à une saisine du Conseil des Prud’hommes par le salarié s’il est procédurier, à devoir négocier une transaction, et par suite à l’obligation d’indemniser le salarié illégalement licencié. Cela peut lui revenir très cher et ce n’est évidemment pas souhaitable au démarrage d’une activité.
Le repreneur peut-il modifier les contrats des salariés en place, par exemple, modifier la durée du travail ou sa répartition ?
Rappelons tout d’abord que les modifications proposées ne doivent pas avoir pour but de faire échec au transfert du contrat de travail. En outre, ces modifications ne peuvent pas être imposées. Si le salarié refuse, l’employeur doit tenir compte de ce refus. Il ne peut engager une procédure de licenciement que si celui-ci est justifié par une cause réelle et sérieuse. Dans ce cas de figure, cela implique que la modification du contrat soit elle-même justifiée par une cause réelle et sérieuse. Le simple changement de propriétaire ne constitue pas à lui seul un motif suffisamment sérieux pour imposer une modification du contrat de travail au salarié.
Le repreneur peut-il demander au vendeur de licencier lui-même son équipe avant la reprise ?
Ce genre de négociations n’est pas légal même si en pratique elles existent. Sur le principe, le cédant conserve son pouvoir de licencier avant la cession du fonds. Mais si cette rupture a pour but d’éviter le transfert du salarié lors de la cession, il s’agit d’une rupture réalisée en violation de l’article L1224-1 du code du travail, et le salarié qui saisirait le Conseil de Prud’hommes pourrait être indemnisé au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En outre, il est interdit de prévoir dans le compromis de vente une clause exigeant le licenciement d’une partie du personnel par le cédant avant la reprise. Non seulement un tel licenciement serait illégal, mais en plus, cédant et repreneur, se rendant coupables de collusion frauduleuse, peuvent être condamnés solidairement à dédommager le salarié illégalement licencié.
Peut-on demander au vendeur de supporter le paiement des indemnités liées aux licenciements que le repreneur envisage après la reprise ?
Contractuellement, rien n’interdit aux parties de s’entendre sur ce point. Un tel accord n’étant pas opposable aux salariés, ces derniers pourront poursuivre l’employeur qui les a licenciés et obtenir sa condamnation si la loi n’a pas été respectée.
Et si ce sont les salariés qui ne souhaitent pas être repris, peuvent-ils exiger un licenciement ou une rupture conventionnelle ?
Non, l’article L1224-1 s’applique de plein droit à l’employeur comme au salarié. Le salarié qui ne souhaite pas rester sous la direction du repreneur peut démissionner. Il ne peut pas exiger un licenciement. Il peut négocier une rupture conventionnelle. Rappelons que celle-ci n’est pas un dû. L’employeur est libre d’accepter ou non. Dans les faits, l’employeur peut avoir intérêt à accepter.
La loi Travail du 8 août 2016 a-t-elle facilité les licenciements lors de transferts d’entreprises ?
Cette loi travail, suivie de l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017, autorise des licenciements avant le transfert de l’entreprise mais uniquement dans celles de plus de 50 salariés et dans des conditions très encadrées.
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Publié par Tiphaine BEAUSSERON
mardi 2 juillet 2019