Jeudi 9 juillet, 13 h 40. Pierre Bord, le directeur du Negresco à Nice, déjeune sur la plage voisine quand ses équipes l'avertissent d'une coupure générale d'électricité dans le quartier. Jusque-là rien de bien inquiétant puisque l'hôtel dispose d'une ligne de secours. Mais quand on lui signale, quelques secondes plus tard, que cette dernière vient aussi de lâcher, c'est le branle-bas de combat. L'hôtel héberge 300 clients, soit 97 % de taux d'occupation. Contacté, EDF rassure et assure un retour à la normale d'ici une heure ou deux. "Heureusement que notre directeur de la sécurité, Jacques Lavillette, a eu l'idée de commander des générateurs auprès d'un de nos prestataires, témoigne Pierre Bord, car deux heures plus tard, la situation était toujours la même et ERDF était incapable de nous assurer de quoi que ce soit."
Les besoins en électricité du palace sont lourds. "La société a dû faire venir les générateurs de Toulon, poursuit le directeur. Ils sont arrivés à 21 heures. Entre-temps, le directeur de la sécurité a harcelé EDF, qui nous a promis et envoyé - à 20 heures !- un générateur. Mais il était trop petit donc ils n'ont pas pu le brancher !" Une cellule de crise est alors mise en place. Pierre Bord, sa directrice d'hébergement et les concierges se tiennent dans le hall pour informer les clients. "La plupart ont été compréhensifs et d'autres, très agressifs. Les nouveaux arrivés avaient le choix entre rester ou être logés ailleurs. Au final, j'ai délogé une quinzaine de chambres vers le Palais de la Méditerranée et le Méridien." Sans électricité, pas de climatisation et pas d'aspirateurs non plus pour faire le ménage des chambres, pas d'ascenseur (donc l'obligation de monter et descendre les bagages à pied), pas d'accès aux espaces domotisés, etc.
L'élan de solidarité du personnel
"À un moment, tout ce qui fonctionnait encore sur batterie s'est arrêté : le système informatique, les téléphones internes, les blocs secours, les détecteurs d'incendie... On a dû réquisitionner toutes les lampes torches d'un magasin d'outillage pour en munir nos clients et on a multiplié les rondes. À ce moment-là, c'est l'humain qui fait toute la différence. J'ai été impressionné par l'implication de certains membres du personnel, que je remercie vivement." Côté restaurants, c'est l'apocalypse. En fin d'autonomie, les frigos n'en finissent plus de sonner l'alerte. "À 17 heures, j'ai pris la décision de vider les frigos, de tout jeter et de fermer les restaurants", concède le directeur de l'établissement. Les générateurs arrivent enfin - deux blocs énormes - et sont installés devant le Negresco. Le branchement est effectué et, mauvaise surprise, "l'un d'eux ne pouvait pas soutenir la charge. L'équipement se mettait en sécurité et tout s'arrêtait !"
Vendredi, à 3 heures du matin, les équipes arrivent enfin à stabiliser l'ensemble mais avec seulement 70 % de sa puissance totale. "On a dû faire des choix. On a privilégié les éclairages et les climatisations pour les clients." À 5 h 30, ERDF rétablit la première ligne. "Mais nous avons quand même gardé les générateurs, au cas où... Et on a vécu la journée comme on l'avait commencée, sur le qui-vive, avec un fonctionnement réduit pour la restauration. Il a fallu aussi relancer le système informatique et attendre que tous les appareils sur batterie se rechargent pour être à nouveau utilisés." Le rétablissement de la deuxième ligne intervient vers midi. Mais là encore, les choses ne sont pas terminées. Et il faut encore deux heures pour effectuer la bascule finale, secteur par secteur. "Nous estimons la perte globale à 120 000 €, résume Pierre Bord. Une déclaration de perte d'exploitation à l'assurance est en cours mais je compte aussi me retourner contre ERDF et faire un courrier d'information à Christian Estrosi. Si j'ai eu le soutien de mes confrères, de Michel Tschann en particulier, je reste étonné de n'avoir eu aucune nouvelle de la part de la mairie durant ces trois jours."
Publié par Anne SALLÉ
samedi 18 juillet 2015