Quand avez-vous su que vous vouliez travailler dans le vin ?
J’ai commencé à travailler en station de ski à 15 ans pour payer mon loyer. En parallèle, j’étais à l’école hôtelière de Sisteron et je travaillais dans une crêperie tenue par Brigitte Dubanchet. Elle m’a fait découvrir des champagnes. Je pensais que tout avait le même goût. Quand j’ai découvert toutes ces nuances, ça m’a évoqué quelque chose de spécial, de particulier. J’ai ensuite suivi un bac techno et un BTS à l’école hôtelière de Sisteron, puis une mention complémentaire à l’école hôtelière de Marseille. Que ce soit à travers mes professeurs ou mes stages, j’ai rencontré des gens inspirants et passionnés. Puis j’ai suivi une licence en commerce des vins et tourisme en me disant que ça pourrait m’ouvrir d’autres portes, plus tard.
Pourquoi avez-vous choisi la sommellerie ?
Le contact avec les clients m’a séduit. Cette interaction avec les clients et les vignerons m’a nourri. Aujourd’hui, je ne me vois pas travailler en dehors du vin.
Comment percevez-vous l’évolution des métiers de salle, et notamment celui de sommelier ?
Le Covid a rebattu les cartes : les conditions de travail se sont améliorées avec souvent trois jours de repos consécutifs, des pointeuses et une revalorisation des salaires. Malgré cela, ces métiers sont en souffrance. On fait face à un manque de main-d’œuvre qualifiée et à une génération qui a des attentes différentes.
Depuis sept ans, vous travaillez à la table de Yoann Conte. Qu’avez-vous mis en place ?
Notre force réside dans le travail d’équipe avec la cuisine pour les accords mets-vins. Chaque plat fait l’objet d’un choix précis, avec des options variées : sakés, vins de macération, bières, etc. Nous cherchons à offrir une expérience personnalisée et à surprendre les clients en les guidant vers des découvertes ou à les rassurer, en fonction de leurs attentes. Plus de 60 % des clients choisissent de prendre l’accord chez nous. Une autre initiative que nous venons de mettre en place est la dégustation d’un vin du Château Yquem en fin de repas, associée à un dessert conçu pour l’occasion. En visitant le château on s’est dit que beaucoup de gens connaissaient le domaine mais sans y avoir nécessairement goûté. Une initiative qui permet de faire découvrir à nos clients un vin d’exception. Nous avons également développé l’usage des chariots – champagne, digestifs, boissons chaudes – pour créer plus d’interactions, tout en respectant le désir de tranquillité de certains clients.
Comment sélectionner-vous un vin pour vos clients ?
Nous adaptons nos choix en fonction des connaissances et des attentes des clients. On va à leur rencontre. On a de la chance, beaucoup se laissent guider, ce qui nous permet de proposer des accords mets-vins sur mesure. Le vin est essentiel pour amplifier l’expérience culinaire : nous avons une “cuisine à vin”.
Vous participez régulièrement à des concours. Qu’est-ce que cela vous apporte ?
Les raisons ont été différentes en fonction des années. J’ai commencé par le trophée Malongo, sur le café. Ce qui m’a séduit, c’était d’étudier un sujet à fond. J’ai adoré ça, j’y ai rencontré des gens très intéressants. Quand j’ai remporté le concours de Meilleur élève sommelier de France en 2013, j’avais fait plusieurs concours sans arriver premier. J’ai ensuite vu les concours comme un sport, un moyen de se remettre en question, de découvrir, de voir ce que les plus expérimentés attendent de nous. Aujourd’hui, c’est aussi une façon de rester en éveil, d’apprendre et de développer ma propre méthodologie.
Quels sont vos prochains défis ?
Je prépare actuellement le Court of Master Sommeliers, mais je ne sais pas encore si je vais y aller. Je reste prudent : quand on est titré, on est attendu au tournant, donc il faut arriver parfaitement prêt. Et devenir MOF reste un objectif et un rêve. Ces concours demandent un gros investissement en temps, en énergie physique et mentale, et financier.
Quelles sont les qualités essentielles pour être un bon sommelier ?
Il faut être curieux, aller dans les vignobles, poser des questions et accepter de ne pas tout savoir. C’est un métier de patience, où l’expérience se construit dans le temps. La rigueur, la discipline et la passion sont indispensables. Le vin est une science infinie et qui n’est pas exacte. Et surtout, il faut aimer partager et faire plaisir aux clients : trouver la bonne bouteille pour un client et le voir satisfait est la plus belle récompense.
Un conseil pour les jeunes qui souhaitent se lancer ?
Soyez curieux, explorez tous les univers – gastronomique, bistronomique – et touchez à tout. Allez dans les vignobles, comprenez la base du vin au-delà de la simple description. Et surtout, ne rejetez rien : il n’y a pas de mauvais vin, seulement des expériences à découvrir.
Publié par Romy CARRERE
Il y a 2 jours