"Depuis huit mois, les restaurants survivent au rythme de fermetures qui s'enchaînent. Cette crise inédite a pourtant montré à quel point ils peuvent jouer un rôle majeur, à travers leurs actions en direction des soignants et des précaires, au cœur d'une société meurtrie qu'il faut restaurer, dans tous les sens du terme. Ils sont les prescripteurs d'une alimentation plus durable, les acteurs pérennes d'un écosystème local, social et environnemental en transition.
Pour poursuivre cette belle mission, ils sont désormais sommés de se réinventer. La vente à emporter et la livraison semblent définitivement s'imposer comme une autre façon de vivre l'expérience du restaurant.
Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si ce marché n'avait pas été préempté par des acteurs aux méthodes contestables. À grand renfort de levées de fonds faramineuses et d'optimisation fiscale, ils opposent à tous une concurrence déloyale, occupant le terrain sans souci de rentabilité, ponctionnant des commissions exorbitantes tout en exploitant des livreurs précarisés.
En s'abstenant de réglementer sérieusement ce secteur, nos gouvernements successifs ont laissé entrer le loup dans la bergerie. Nous avons assisté à l'explosion des 'dark kitchens', ces cuisines partagées dans lesquelles de vrais restaurants et des restaurants fantômes se côtoient pour produire des repas dédiés à la livraison. On s'y préoccupe davantage de l'horloge qui tourne que des cuisiniers que l'on presse et des denrées que l'on gaspille.
A l'instar des petits commerces, les restaurants se trouvent menacés par certaines plateformes digitales dont le fonctionnement est similaire. On le sait déjà, du magasin virtuel à plus de magasin du tout, il n'y a qu'un pas. Du restaurant virtuel à plus de restaurant du tout, aussi.
Des alternatives existent, sous la forme de plateformes engagées, respectant les valeurs des chefs, limitant au maximum le gaspillage et la production de déchets, appliquant des commissions raisonnables, employant uniquement des livreurs salariés. Elles sont hélas encore peu ou mal identifiées par des restaurateurs aux abois, mus d'abord par l'urgence.
Les clients peuvent aussi prendre leur part de ce changement. Renoncer à commander à la dernière minute. Être prêt à payer le prix juste permettant de rémunérer correctement l'ensemble des acteurs, de la fourche à la fourchette. Préférer des contenants recyclables. Comprendre qu'un plat livré en 20 minutes, pour un coût de livraison de 2,50 euros, c'est la promesse d'un livreur sous-payé, sans protection sociale, qui tourne à vide et sans revenu lorsqu'il n'effectue pas de course. Réaliser qu'un repas qui arrive de trop loin, en véhicule à essence, c'est une empreinte carbone que l'on peut refuser. Faire preuve de solidarité en pensant d'abord à son restaurant de quartier.
Au fond d'eux-mêmes, les chefs ne veulent pas laisser leurs plats quitter la cuisine vers un destin incertain, en barquettes et glacières à pédales, transportés par des livreurs paupérisés. Repenser son métier, oui, galvauder ses convictions, non. Pour aujourd'hui et pour demain, il est urgent de se défaire de l'emprise de plateformes sans foi ni loi, pour défendre une offre de restauration à emporter ou à livrer de qualité, éthique, responsable et durable. Le collectif est la solution : les cuisiniers, main dans la main avec leurs producteurs et les livreurs salariés.
Nous appelons les autorités politiques à réglementer des plateformes délétères pour tous
Dans ce fameux 'monde de demain' dont les jalons se posent aujourd'hui, nous appelons les autorités politiques à réglementer des plateformes délétères pour tous, sauf pour elles-mêmes. Nous demandons à ces plateformes de modifier leurs pratiques. En attendant, les mangeurs ont le pouvoir. Refusons ces plateformes, choisissons des alternatives, pédalons, marchons jusqu'à nos restaurants. Restaurons nos chefs et nos livreurs."
La liste des signataires :
Stéphane Méjanès - journaliste
Fanny Giansetto et Camille Delamar - Écotable
Ariane Delmas et Hervé Marro - La Communauté Écotable
Leeroyd Levi - Olvo
Chloé Bouilloux et Laurène Petit – Resto.paris
Edwy Rousseau - Tiptoque
Eva Jaurena - Restaurant Mingway
Adrien Claude - Coopcycle
Bertrand Grébaut et Théo Pourriat - Septime*, Clamato et La Cave
Christophe Aribert - Maison Aribert**
Arnaud Lallement - L'Assiette champenoise***
Régis et Jacques Marcon***
Florian Gentelet, Marine Stieber, Alain Moritz et Valentin Campana - Kooglof
Marine Mandrila et Louis Martin - Refugee Food Festival
Bruno Doucet - La Régalade
Laurent Trochain - Numéro 3*, Resto Ensemble
Lionel Giraud - La Table Lionel Giraud**
Jérémy Galvan - Jérémy Galvan*
Bruno Oger - Villa Archange**
Lionel Hénaff - Allium*
Alexis Saint-Martin - Le Viscos
Didier Désert - L'Ambassade d'Auvergne
Mathieu Kergourlay - Hôtel & Restaurant de Boisgelin
Pascal Favre d'Anne - Le Favre d'Anne*
Baptiste Denieul - Auberge Tiegezh*
Arnaud Viel - La Renaissance*
François Gagnaire - Anicia
Thibaud Fourdrinier - La Salle à Manger
Yohann Gerbout - Roca
Christian Têtedoie - Têtedoie*
Sébastien Richard - Panier de Sébastien
Romain Gicquel - La Ferme de Voisins
Alain Llorca - Alain Llorca*
Maximilien Jancourt - Biscotte
Michel Dussau - La Table de Michel Dussau
Cédric Denaux - Château d'Ygrande
Laurent Lapaire - Agapé*
Olivier Gremillet - L'Esturgeon
Michel Roth - MOF cuisinier
David Rathgeber - L'Assiette
Vivien Durand - Le Prince Noir*
Eugène Hobraiche - Haut Bonheur de la Table
Olivier Belin - L'Auberge des Glazicks**
Nicolas Josse - Altermarché
Hugo Meunier - Merci Raymond
Denis Legat - Ground control
Famille Bellanger - La Guinguette au bout de l'île
Elisabeth Conter - Restaurant Les 400 coups
Mathieu Cacos - Le Bichat
Bérangère Fagart - Selune
Laurent Bollot-Porée - La cantine de Babel
Claire Gomez et Sandrine Cuënot- C nos oignons
Paule Masson - Journaliste
Mathilde Lo Rillo - Meal Merci
Hervé Rigaud - Lulu La Nantaise
Lisa Sanchez - Café des côtés
Thibaut Spiwack - Anona (étoile verte)
Simon Lebatteux - Madamann
Gilles Tessier - Yuman
Léa et Julien Pradinaud - Restaurant Le Galopin
Andrea Marcelli - Sol Semilla
Guillaume Muller - Garance/La ferme de Garance
Célestine Foucher - Foucher mère et fille
Benjamin Schlumberger - Restaurant Rambo
Romain Amblard - Service compris
Marjorie Leutenegger-Montalbano - Grand Beau
Abigail Munier et Tommy Kibranian - Bonne Femme Traiteur
Laure Duteurtre - Yumi
Ai Loan Dupuis - Sezono
Mathilde Boitel - Myrobolant
Gabrielle Beck - Tintamarre
Fanny Mijon - The Friendly Kitchen
Dominique Laignaud - Les Petits Plats de Maurice
Charles Perron - Enfin Paris
Lyne-Marine Vidal - Café Aum
Marc Noblet - Crêperie de l'ancienne poste
Chloé Charles - Cheffe
Antoine Vernin, Anthony Sagot et Marina Deville - Les Coursiers stéphanois
Arthur Nicollin - Cyclôme Clermont Ferrand Arthur Hay - Les Coursiers bordelais
Mamadou Marciset - Riders Social Club
Xavier Van - Mon Paname influenceur
Romain Raimbault - Omnivore
Xavier Alberti - Les Collectionneurs
Aitor Alfonso - Professeur et chroniqueur
Raphaële Marchal - Journaliste
Audrey Vacher - Journaliste (Omnivore)
Sylvie Berkowicz - Journaliste (Omnivore)
Lucile Arnaud- Créatrice d'événement-journaliste (Omnivore)
Alexandre Vingtier - Journaliste-auteur
Maryam Lévy - Journaliste (Omnivore)
Peyo Lissarague - Journaliste (Omnivore)
Caroline Loiseleux - Sommelière-journaliste (Omnivore)
Quentin Guillon - Journaliste (Omnivore)
Florian Domergue - Journaliste (Omnivore)
Zazie Tavitian - Journaliste
Amélie Riberolle - Journaliste (Néo, Omnivore)
Elisabeth Martin et Pierre Hivernat - Alimentation Générale
Boris Coridian - Les Digitalistes
Céline Pham - Cheffe
Sarah Mouchot et Nicolas Alary - Restaurants Holybelly
Anna Trattles, Alice Quillet, Anselme Blayney - Ten Belles et Ten Belles Bread
Estérelle Payany - Journaliste
Katia et Tatiana Levha - Restaurants Le Servan et Double Dragon
Deborah Pham - Journaliste (Mint Magazine)
Solène Gallard - Cheffe (Mingway)
Julien Pham - PhamilyFirst
Manon Fleury - Cheffe
Laura Dalsheimer - Cheffe (La Vierge)
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lundi 30 novembre 2020