Les restaurateurs ont été accueillis à Port-en-Bessin par Manuel Evrard, directeur de l’Organisation des pêcheurs normands (OPN) et Arnauld Manner, Directeur de Normandie Fraîcheur Mer (NFM). Au programme : visite de la criée, d’un atelier de mareyage et d’un navire de pêche, suivies de la présentation de la pêche normande et des actions menées par l’OPN et NFM. L’OPN s’appuie sur l’association Normandie Fraîcheur Mer (NFM), pour valoriser des espèces « bon plan », méconnues et souvent considérées à tort comme moins « nobles » : tacaud, grondin rouge, dorade grise, plie, congre… L’objectif poursuivi est une prise de conscience sur l’importance de diversifier notre consommation (et par conséquent diversifier les approvisionnements), afin de diminuer la pression sur certaines espèces sur-représentées dans notre alimentation et donc très fortement exploitées ou élevées (cabillaud, saumon…) et ainsi contribuer à préserver les ressources marines tout en se régalant.
Une des thématiques de cette rencontre concernait les sélaciens, espèces sensibles présentant une grande diversité de situations. Les stocks mondiaux de certaines espèces de raies et de requins sont très fragilisés en raison de pratiques de surpêche, de pêche illégale et du finning (la pratique du finning consiste à couper les nageoires des requins et les ailerons des raies et à rejeter les animaux amputés mais encore vivants en mer, sans chance de survie), qui ont conduit à l’effondrement de nombreux stocks et au dérèglement d’écosystèmes marins. La situation est à nuancer pour les requins et les raies pêchés en Manche, dont les stocks, pour certaines espèces, présentent une évolution globale plutôt favorable : petite roussette, émissole tachetée, raie brunette, raie bouclée...
Face au manque d’informations, au manque de données scientifiques ainsi que face à la généralisation des enjeux, l’OPN a mis en œuvre, avec l’appui de NFM, des actions pour aider les pêcheurs normands et l’ensemble de la filière à mieux identifier et tracer les différentes espèces. En effet, les ailes de raies vendues sur les étals sont la plupart du temps regroupées sous le nom de leur famille d’espèces « Raja spp. », sans distinction d’espèces - la saumonette est également proposée sans spécifier le nom de l’espèce de requin concernée. L’amélioration de l’identification des espèces tout au long de la chaîne de commercialisation est un point essentiel pour améliorer les connaissances sur leurs stocks, assurer leur durabilité et mettre en oeuvre des actions de conservation appropriées.
Demander aux fournisseurs l'identification précise des espèces
Lors de cette journée, les participants ont pu échanger sur le rôle clé que les restaurateurs peuvent jouer pour contribuer à une meilleure traçabilité de ces espèces, en demandant à leurs fournisseurs l’identification précise (nom scientifique et provenance), afin de pouvoir mieux valoriser les espèces durables, préserver les espèces les plus fragilisées et communiquer sur leur engagement auprès de leurs clients…
« Cette matinée a été très enrichissante pour nous tous. Les visites suivies des présentations d’un secteur mal connu (même si nous vivons à quelques km) nous ont beaucoup appris. Nous nous devons de nous mobiliser sur ces sujets, de bien savoir utiliser les produits et de faire remonter l’information à nos membres sur les espèces que l’on peut utiliser, et celles que n’on doit éviter selon l’état de leurs populations. Voir des professionnels déjà engagés dans cette démarche tels que le groupe Bertrand est vraiment une bonne chose. Nous sommes conscients qu’il faut changer notre manière de faire, travailler étroitement avec nos fournisseurs, non seulement prioriser le circuit court mais également les sensibiliser et leur transmettre les critères de durabilité. 80% des raies que nous proposons à nos clients sont américaines. Nous devons changer ces pratiques et aller davantage vers nos pêcheurs.», dit Vincent ROZE, Président du GNI-GHR Normandie Sud. Pour Slimane Hamzaoui, Président du GNI-GHR Normandie Nord : "J’ai été marqué par les enjeux de traçabilité évoqués, en particulier sur les raies et les « saumonettes ». Nous devrions avoir la même exigence pour les produits de la mer, que celle que nous avons sur la viande, au niveau de leur origine. Nous devons mieux nous tenir informés de l’état des ressources, et demander à nos mareyeurs d’autres espèces que les traditionnels cabillaud, saumon, bar… qui sont trop présents sur nos tables. J’aimerais poursuivre cette sensibilisation prochainement pour nos membres au Havre. »