Les sociétés civiles immobilières (SCI) jouissent d'un large succès en France, tant auprès des entreprises que des particuliers : fréquemment créées en vue de l'acquisition et de la conservation de biens immobiliers professionnels, les SCI sont également bien adaptées à la gestion d'un patrimoine immobilier personnel, notamment en vue de faciliter sa transmission.
En effet, placer ses biens immobiliers dans une SCI permet de conserver l'unité du patrimoine successoral, notamment lorsqu'il est composé d'immeubles difficilement partageables en nature. Au sein d'un groupe de sociétés, les SCI peuvent spécifiquement gérer les immeubles, afin de dissocier la gestion immobilière de l'activité des sociétés d'exploitation.
Les SCI constituent donc le véhicule juridique classiquement utilisé pour détenir les murs d'un hôtel ou d'un restaurant, l'exploitation étant souvent confiée à une société commerciale.
• Qu'est-ce qu'une SCI ?
Les SCI sont des sociétés, comprenant au minimum deux associés, exerçant une activité de nature civile. Elles ont spécifiquement vocation à détenir des biens immobiliers qu'elles acquièrent ou qui leur sont apportés par leurs associés. Leur objet social consiste ainsi en la gestion, la répartition et la transmission d'immeubles.
• Responsabilité des associés
Sociétés de personnes, leurs associés sont indéfiniment responsables des dettes sociales, engageant alors leur patrimoine personnel. Afin qu'un acte passé pour le compte de la société l'engage, il faut que celui-ci entre directement dans son objet social.
• Prudence sur les garanties consenties par une SCI
Les SCI sont fréquemment amenées à consentir des hypothèques sur les immeubles dont elles sont propriétaires pour garantir, soit les engagements qu'elles souscrivent dans l'exercice de leur activité propre, soit des engagements pris par des tiers. Les associés ou gérants d'une SCI sont souvent tentés de faire cautionner leurs propres engagements, par exemple, en garantie d'un prêt qu'ils solliciteraient auprès d'une banque pour financer une activité personnelle.
Les SCI sont, en effet, un outil efficace d'accès au crédit : une hypothèque prise sur l'immeuble apparaît, notamment pour les banques prêteuses, comme une garantie plus efficace qu'un cautionnement personnel ou un nantissement de parts sociales.
Or, depuis plusieurs années, la Cour de cassation contrôle plus strictement la validité des garanties (telles que les hypothèques, cautionnements, garanties à première demande) consenties par les SCI sur des engagements pris par des tiers.
• Conformité des garanties consenties à l'objet social de la SCI
L'octroi de garanties au profit de tiers, y compris au profit des sociétés d'un même groupe ou de ses associés, est rarement inclus dans l'objet social. Or, les SCI ne sont engagées vis-à-vis des tiers que si les actes passés par le gérant entrent dans l'objet social prévu par les statuts.
Afin d'assurer une meilleure sécurité juridique des créanciers des tiers pour lesquelles les SCI se porteraient garantes, la Cour de cassation avait progressivement dégagé trois critères alternatifs pouvant justifier la validité de ce type de garanties : (i) l'octroi de garantie au profit de tiers doit entrer directement dans l'objet social, (ii) l'octroi de garantie n'entre pas dans l'objet social mais doit être autorisé à l'unanimité des associés, (iii) l'octroi de garantie n'entre pas dans l'objet social mais il existe une communauté d'intérêts entre la société et le tiers garanti.
• Conformité des garanties consenties à l'intérêt social de la SCI
La Cour de cassation considère, depuis deux arrêts de novembre 2011 et septembre 2012, que les garanties consenties par une SCI au profit de tiers doivent en outre être conformes à l'intérêt social, sous peine de nullité. La Haute Cour a confirmé cette position.
Selon cette jurisprudence, les garanties consenties par une SCI encourent la nullité si elles sont "de nature à compromettre l'existence même de la société", et sans que celle-ci n'en tire aucun avantage.
La Cour de cassation a néanmoins précisé, dans un arrêt du 10 janvier 2015, la notion de contrepartie ou d'avantage dont la SCI pourrait bénéficier et qui serait de nature à faire échapper à la sanction de la nullité la garantie consentie à un tiers. En l'espèce, une SCI avait garanti les dettes d'une autre société de son groupe par une hypothèque sur son seul bien immobilier. Les juges ont cependant déclaré cette garantie conforme à l'intérêt social, jugeant que la société garante en retirait un avantage certain : de cette garantie dépendait la survie d'autres sociétés du groupe auquel elle appartenait.
En conséquence, lorsque le gérant d'une SCI envisage d'engager la société à garantir les engagements pris par l'un de ses associés ou gérants, il doit s'assurer que (i) l'objet social prévoie la faculté pour cette dernière de consentir toutes sûretés personnelles ou réelles (en particulier, toute hypothèque) sur ses actifs en garantie de ses obligations et de celles de tous tiers et co-emprunteurs solidaires et (ii) que la garantie consentie par la SCI ne porte pas sur son unique immeuble pour une valeur supérieure à la valeur de cet immeuble ou qu'une contrepartie réelle à l'octroi de cette garantie peut être justifié.
Jean-Robert Bousquet, avocat associé et Cécile Sommelet, avocat counsel, département corporate CMS Bureau Francis Lefebvre
Publié par Jean-Robert Bousquet et Cécile Sommelet, CMS Bureau Francis Lefebvre