Comment faire entrer dans un hôtel des clients qui ne viennent pas y dormir ? C’est le grand défi que se lancent depuis de nombreuses années les hôteliers désireux de faire vivre leurs espaces communs en journée et d'améliorer la rentabilité de leur établissement. Après avoir aménagé des bars et restaurants ouverts à tous, ou encore conçu des offres de coworking, certains d’entre eux vont plus loin et transforment leur établissement en salle de spectacles, de sports, en ateliers ou lieux d’exposition.
À Paris, c’est dans l’ancien couvent des Filles du Calvaire, saisi en 1790 lors de la Révolution française puis transformé en théâtre, dont la légende dit qu’il a été fermé en 1807 sur ordre de Napoléon car “les dames qui s’y exhibaient auraient été de mœurs trop légères”, qu’a ouvert, en septembre dernier, le Boudoir des Muses. Doté de 24 chambres et quatre suites, ce petit boutique-hôtel du groupe Elegancia a été entièrement repensé par Maison Malapert qui a pris le parti de convoquer ces deux passés – religieux et libertin – dans sa décoration.
Dans les espaces communs, l’architecte y mêle grilles de confessionnal et meubles en velours, inscriptions latines tirées de l’apocalypse et lustre à franges, vitraux et représentations de femmes – les Muses – plutôt dévêtues. Les chambres et suites sont plus sages voire monacales, avec leurs murs clairs et leurs matières douces, si ce n’est les portraits de femmes parfois suggestifs qui ornent les têtes de lit.
Programmation éclectique 100 % féminine
Elegancia ne souhaitait pas seulement ouvrir un hôtel au décor transgressif. Fort de son expérience dans l’organisation d’événements dans ses hôtels, comme les DJ sets au Chouchou et les live brunchs au Off Paris Seine, le groupe pousse le concept plus loin avec “une riche programmation artistique 100 % féminine” pour faire entrer les Parisiens au Boudoir des Muses.
Au rez-de-chaussée, l’atrium et le bar (environ 60 places assises) accueilleront donc, de 17 heures à 23 h 30, ateliers et masterclass le lundi (tirage de cristaux ou de tarot, dessin de modèle nu…), réunions de cercles féminins autour de thèmes variés (entreprenariat, amour, sexualité) le mardi, danseuses de cabaret et shows burlesques les mercredis et jeudis, spectacles de chanteuses et d’instrumentistes le vendredi, ou encore lectures de textes érotiques le dimanche. Une offre innovante et différenciante qui permettra aussi de renforcer les recettes du bar à cocktails.
Tenir la promesse de départ
Au Marty Hotel, établissement 4 étoiles de 61 chambres, qui a ouvert en avril à Bordeaux dans le quartier de Mériadeck, le groupe Hilton propose une adresse haut de gamme imaginée comme un lieu de vie créatif et convivial. “Le nom vient de la combinaison du ‘M’ du quartier de Mériadeck et du concept ‘arty’, et souligne la place centrale de l’art au sein de l’établissement”, explique Romain Gowhari, directeur général de la société de gestion hôtelière Younight Hospitality, qui gère l’établissement. La création d’événements est donc un prérequis :“Si on dit qu’on est un lieu de vie pour les habitants alors on se doit de faire des événements. Il faut être en cohérence avec la promesse de départ”, insiste Nicolas Schmoll, responsable marketing chez Younight Hospitality.
Au Marty, trois ateliers par mois minimum ont lieu. Le choix des activités “doit absolument être relié au concept”, affirme Nicolas Schmoll, et en corrélation avec sa cible. Ça peut être des apéritifs créatifs, des concerts, des soirées comedy club, des soirées thématiques type blind test, des cours de yoga ou de pilates. zCe qui fonctionne le mieux, ce sont les soirées thématiques, différentes de ce qu’on peut trouver ailleurs. De même, les cours de yoga ou de pilates sont toujours complets. Ça ne nous rapporte pas de chiffre d’affaires mais c’est très positif pour notre image. Nous mettons simplement à disposition les espaces à un professeur, sans trop de contrainte”, explique le directeur marketing.
Quel retour sur investissement
Le retour sur investissement est compliqué à calculer. “Ce n’est pas l’événement qui va générer du chiffre d’affaires. C’est une question d’image de marque, pour se faire connaître des locaux”, prévient Nicolas Schmoll. Les événements vont principalement drainer une clientèle locale, qui consommeront éventuellement au bar ou au restaurant mais pas en hébergement. Il faut donc trouver un bon équilibre entre les besoins supplémentaires en staff et le chiffre d’affaires généré.
Autre aspect intéressant dans la création d’événements selon le directeur marketing : se faire connaître et ainsi “lancer la machine”. Au Vertime, un autre établissement 4 étoiles du groupe qui a ouvert cet été aux Sables d’Olonne, il y a un grand rooftop. “Nous devons organiser des événements, sinon on n’attirerait pas autant de monde : dj set, blind test géant, soirées thématiques type magie…”, explique Nicolas Schmoll.
Publié par Roselyne Douillet et Romy Carrère
