L'Hôtellerie Restauration : Comment avez-vous abordé cette coupe du monde de la pâtisserie en tant que président ?
Pierre Hermé : J’étais très fier de présider pour la première fois ce concours mais j’avais envie de lui donner une nouvelle direction, plus en phase avec les enjeux sociétaux d’aujourd’hui. Avec les nouveaux membres du comité international d’organisation, qui incarnent tous la dimension contemporaine de notre métier, mais aussi les vice-présidents du concours, nous avons souhaité l’inscrire dans une démarche plus engagée, responsable et écologique. Par exemple, nous avons interdit pendant la compétition l’utilisation d’additifs tels que les colorants, poudres scintillantes… et avons été très vigilants sur la transparence et la traçabilité des produits imposés aux équipes. Comme de nombreux secteurs, la pâtisserie a un rôle à jouer en tant qu’acteur de la transition, en agissant au mieux pour l’environnement et la planète. Sans toutefois renier sa vocation première : procurer du plaisir.
L’engagement durable du concours est-il le reflet d’une mutation de la profession ?
Oui, car cette compétition mondiale est l’occasion unique pour les acteurs du secteur d’affirmer leur désir de transformation. La plupart des professionnels font attention aujourd’hui au sourcing et à l’origine des matières premières, à leur mode de production, à leur impact sur l’environnement mais aussi la santé. Certains privilégient aussi les emballages recyclés, bannissent les colorants dans leurs préparations… Chacun peut agir à son niveau. Après, tout n’est pas faisable, comme s’interdire le chocolat en raison d’une production trop lointaine. En revanche, on peut très bien utiliser du sucre de betterave produit en France, plutôt que de choisir du sucre muscovado, produit à des milliers de kilomètres, si ce dernier n’apporte pas une valeur ajoutée à sa pâtisserie. Le métier de pâtissier est aussi appelé à évoluer en raison de nos changements alimentaires. Je pense, par exemple, que les protéines végétales seront de plus en plus utilisées en pâtisserie. Le goût final est différent, mais si la préparation est bien faite, c’est tout aussi bon.
L'entrée dans la compétition des desserts de restaurant et des desserts à partager est-elle aussi le signe d’une évolution du métier ?
Les desserts de restaurant et de boutique font appel à des savoir-faire différents même si, au fond, c’est le même métier. Pour moi, un bon pâtissier doit exceller dans les deux. Mais pour le concours, je souhaitais que les candidats proposent de véritables desserts de restaurant, dressés entièrement sur place à la minute, comme un plat envoyé en salle. Quant aux desserts à partager, ils sont plus en phase avec les tendances de la pâtisserie contemporaine.
La coupe du monde de pâtisserie permet-elle de susciter des vocations ?
Oui, car ce concours est une formidable vitrine pour la profession, d’autant que cette année, il a été davantage médiatisé. D’ailleurs, à chaque fois que l’on communique sur le métier, notamment à travers des émissions de télé, cela crée des vocations chez la jeune génération, car on met en valeur nos savoir-faire.
À l'instar du secteur des CHR, la profession est-elle confrontée à des problèmes de recrutement ?
La pâtisserie continue à faire rêver la jeune génération, car le métier a évolué ces dernières années. La perception et l’engouement du public ont contribué à lui donner un autre statut. Pourtant, il y a encore des périodes où il est difficile de recruter. D’où la nécessité de réfléchir à la formation des jeunes. À titre personnel, j’ai accepté la présidence du Comité pédagogique des écoles d’Institut culinaire de France, ce qui me permettra de transmettre à la jeune génération mais aussi d’avoir un rôle de conseil auprès des équipes pédagogiques.
Selon vous, quelles exigences faut-il aujourd’hui pour être un bon pâtissier ?
Outre la maîtrise des savoir-faire techniques, il faut surtout être curieux pour pouvoir évoluer, progresser… Je conseille aux jeunes en apprentissage de compléter leur formation par un travail personnel, c’est-à-dire d’aller voir ce que font les pâtissiers en boutique, dans les restaurants ou sur Instagram. Il faut toujours avoir les sens en éveil.
Publié par Stéphanie Pioud