Les contrats d'approvisionnement de boissons : les précautions à prendre

Ces contrats peuvent être générateurs de contentieux. Certaines précautions sont donc à prendre lors de leur conclusion ou de leur renégociation.

Publié le 18 décembre 2017 à 12:49

Les contrats d'approvisionnement de boissons - ici sont visés principalement les contrats d'achat de boissons, notamment de bière (en fût ou cols) ou d'alcool dont les exploitants de CHR ont besoin quotidiennement pour leur activité en vue de leur revente à leur propre clientèle – peuvent être générateurs de contentieux. Des précautions sont donc à prendre, notamment au moment de la négociation ou la conclusion à l'origine de ce type de contrat ou de la reprise (directement ou en location gérance) d'un fonds de commerce lié par ce type de contrats. 


 La clause d'exclusivité

La clause d'exclusivité directe permet à un fournisseur n°1 d'imposer à un exploitant de CHR de s'approvisionner uniquement chez lui, donc de lui interdire de s'approvisionner chez un fournisseur n°2 (ou DA). Cette exclusivité ne peut pas dépasser 10 ans, et elle va d'ailleurs de moins en moins souvent jusqu'à cette durée. L'exploitant du CHR doit respecter cette obligation, sauf si le fournisseur ne peut plus livrer le produit de référence réclamé par la clientèle. 

L'exploitant du CHR évitera de laisser au libre choix du fournisseur de boissons (ou DA), la désignation des produits qu'il achète, et a fortiori le volume. Le professionnel a besoin de vendre des bières ou autres boissons (alcool ou non) variées et surtout adaptées aux besoins de sa clientèle (envies qui peuvent évoluer au fur et à mesure du temps). Ainsi, au moment de la négociation, il doit donc mettre les diverses marques en concurrence.

Par la suite, l'exploitant peut :
- renégocier le contrat, notamment au regard des offres de la concurrence, ou
- en cas d'échec de la négociation avec son fournisseur de boissons, faire reprendre par un fournisseur n°2 ou distributeur, les obligations qu'il a contractées avec le fournisseur n°1 : cette possibilité est offerte si le contrat de bière contient une clause le lui permettant ou si le fournisseur n°1 (ou DA) est d'accord. L'exploitant du CHR renégociera alors avec le fournisseur n°2 de nouvelles clauses notamment le prix librement.
 

 Les volumes d'approvisionnement

L'exploitant doit faire attention à ne pas s'engager sur des volumes d'approvisionnement dépassant ses capacités financières et la capacité du CHR de vendre ces boissons à sa propre clientèle.  

La proportion du volume d'approvisionnement s'apprécie notamment par l'antériorité de l'exploitant : il faut examiner combien de volume de bière ou d'alcool, il a vendu les années précédentes.


Les prêts consentis au financement du matériel

Le fournisseur (ou DA) peut mettre à la disposition de l'exploitant des éléments que celui-ci ne peut ou ne veut pas financer : un store, du matériel telle une pompe à bière (...), la publicité, une formation. Ce peut être une mise à disposition gratuite mais aussi une somme d'argent (investissement) que le fournisseur met à disposition de l'exploitant moyennant intérêt.

Le fournisseur (ou DA) peut également consentir un prêt à l'exploitant à taux d'intérêt rémunéré : le fournisseur agit alors comme une banque.

Dans ces cas là, il peut être judicieux pour l'exploitant de CHR de mettre en concurrence les banques et les fournisseurs (ou DA également) sur les taux d'intérêt. Un taux d'intérêt de 1 à 2,5 % est généralement pratiqué par les banques.

Un nantissement sur le fonds de commerce peut être exigé de l'exploitant, comme d'ailleurs d'une banque, avec des frais. L'exploitant doit être vigilant quant à l'étendue et le montant de la garantie qu'il donnera au fournisseur (tout comme s'il passait par une banque). 



► Le prix et la faculté pour l'exploitant
de faire baisser le prix des boissons

L'exploitant du CHR peut faire insérer dans le contrat d'approvisionnement une clause indiquant que le fournisseur (ou DA) lui fournira son barème de prix et ses conditions générales de ventes avec les mêmes clients de même nature dans la région.

Il faut veiller à ce que :
- le prix des boissons soit raisonnable par rapport à ses concurrents,
- il ne puisse être modifié unilatéralement par le fournisseur (ou DA),
- la durée du contrat d'approvisionnement, même non exclusif, ne soit pas trop longue.

Il n'a pas le même poids qu'une centrale d'achat qui va négocier en masse les tarifs avec le fournisseur (ou le DA) de boissons pour s'approvisionner à des prix ultra préférentiels. Cependant, il a intérêt à être aussi compétitif que lui. À ce propos, lire l'article sur l'intérêt de passer par une centrale d'achat en cliquant ici

Pour rester compétitif, le professionnel a intérêt également à mettre à disposition de sa clientèle des marques de bière ou de boissons qui ne sont pas vendues au supermarché d'à côté. Par exemple, une bière régionale.

Une autre solution consiste à changer ses sources d'approvisionnement, à savoir : s'approvisionner en bière ayant un degré d'alcool réduit ou s'approvisionner auprès de fournisseurs (ou DA) agréés moins importants.

• L'approvisionnement en bière avec un degré d'alcool réduit : les droits d'accise (douane) sont fixés par arrêtés (cf. arrêté du 27/12/2016 applicable du 1/1/17). En pratique, ils sont réglés par l'exploitant du CHR au fournisseur (ou DA) qui les reverse à l'État. Ils passent inaperçus parce qu'ils sont inclus dans le prix de vente de la bière ou de l'alcool que va payer l'exploitant du CHR au fournisseur (ou DA). 
Ces droits peuvent être réduits. Par exemple, ils seront réduits de moitié si les produits contiennent moins de 2,8 degré d'alcool.

• L'approvisionnement auprès de fournisseurs (ou DA) agréés moins importants : dans ce cas, les droits d'accise seront en principe, divisés par deux. Il en sera ainsi lorsqu'un fournisseur ne produit pas plus de 200 000 hectolitres par an. Il y aura ainsi une minoration du droit d'accise à 3,70 euros (au lieu de 7,41 €) l'hectolitre quel que soit le degré alcoométrique de la bière.

Par exemple, pour une bière à 6 degrés d'alcool, l'exploitant d'un CHR paiera, en principe, un droit d'accise à son fournisseur de 22 centimes (au lieu de 44 centimes) le litre de bière. Soit 3,70 euros X 6 degrés = 22,2 /100 litres = 0,22 euro le litre (au lieu de 7,41 euros X 6 = 44,46/ 100 litres =0,44 euros le litre). Ce qui est une économie de 6 600 euros par an pour un Bar PME ayant une consommation moyenne de 300 hl/an.


La négociation en cours d'année

Enfin, l'exploitant d'un CHR a aussi intérêt à négocier avec le fournisseur (ou DA), même fabriquant plus de 200 000 hl par an, une baisse du prix de la bière ou de l'alcool correspondant au montant total ou partiel des droits d'accises non minoré en mettant en concurrence les petits et grands fabricants de boissons (bières de + de 2,8 degré d'alcool ou alcools).

Ainsi, le fournisseur (ou DA) n°1 acceptera donc la plupart du temps, de renégocier ses tarifs à la baisse pour ne pas subir la concurrence du fournisseur n°2, et fidélisera donc son client.

En l'absence de réduction du prix par le fournisseur, l'exploitant du CHR peut négocier un nombre offert de bouteilles, de manière à combler une remise commerciale faible au niveau du prix. Les offerts sont souvent utilisés par les fournisseurs (ou DA) pour combler les différences de prix d'achat entre les centrales d'achat et les exploitants de CHR.


► Autres conditions 

L'exploitant doit avoir en tête que le fournisseur peut imposer : 

- des frais d'entretien, de nettoyage, l'assurance et les réparations de la pompe à bière ou des fûts, ou du matériel mis à disposition,
- une utilisation exclusive de co2 ou d'un mélange d'azote tiré du co2, le stockage des fûts dans un endroit propre et aéré, le respect des dates limites de mise en perce, le rinçage à l'eau au moins une fois par semaine.

Enfin, dans les contrats d'approvisionnement, le fournisseur (ou DA) peut mettre, dans certains cas, à la charge de l'exploitant du CHR l'obligation de faire respecter par son acquéreur ou son futur locataire gérant, les obligations issues du contrat qu'il a lui-même signé au départ.
 

Publié par Maître Sophie Petroussenko, Avocat à la Cour, cabinet d'avocats Petroussenko



Commentaires
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jerome MARTIN

jeudi 30 mars 2017

Si un fournisseur vous fait signer un contrat sur 300hl de bière par an alors que vous n'en vendez que 15 par an comme vous dites dans votre exemple, il a tout intérêt à changer de metier...et s'il ne le fait pas de lui même il se fera virer par sa hiérarchie... car vous oubliez juste que si vous devez respecter un volume donné par an, c'est que le brasseur aura investi a hauteur de ces 300hl...donc vous aura 'donné ' une terrasse, du matériel, ou même un chèque. Si vous ne respectez pas vos engagements, il est normal qu il vous réclame la différence.... Si vous vendez 15hl de bière ne vous engagez pas sur 300...un minimum de professionnalisme est requis quand on est entrepreneur... on ne peut pas signer n'importe quoi pour obtenir un financement et pleurer ensuite...
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Sophie PETROUSSENKO AVOCATE

jeudi 6 avril 2017

Cher lecteur,
Je vous remercie de votre réaction. Je suis d?accord avec vous lorsque vous indiquez que le brasseur qui impose 300 hectolitres de bière en fût par an à l?exploitant d?un restaurant qui n?en consomme que 15 devrait changer de métier?
Ces chiffres ont été pris comme exemples et représentent 20 fois le montant réel des besoins du restaurateur.
Cependant, de nombreux cas concernent aussi des CHRD où les quantités sont moindres. Par exemple le brasseur insère dans le contrat de bières, la vente de 60 hectolitres alors que le restaurateur n?en consomme que 15 par an. Ce qui est 4 fois plus important que les besoins réels du restaurant et qui dénote une réelle disproportion.
De nombreux contrats de bières également révèlent une disproportion entre les engagements du brasseur qui sont dérisoires et les engagements du CHRD qui sont bien inférieurs). Contrairement à ce que vous indiquez, la plupart du temps. , l?engagement du brasseur n?est pas égal à l?engagement du restaurant.
Par exemple, le brasseur s?engage à mettre à disposition du restaurant, la somme de 18 000? (et non 171 000 e correspondant aux 285 hectolitres non consommés dans l?hypothèse d?une vente d?un verre de bière de 25cl à 1, 5? ). Dans le second exemple : 60 hl ? 15 hl = 45 hl non vendus par an soit 27 000?non investis par le brasseur et payés par le restaurateur pour les hectolitres non consommés alors qu?il n?en n?a pas besoin.
Enfin, le restaurateur, plus petit, fait souvent confiance à son brasseur, ou au brasseur en place ( la plupart du temps en position dominante) quand il reprend une affaire. Souvent, d?ailleurs, il n?a pas été présent à la signature des contrats car c?est son prédécesseur qui les a signés et il doit les reprendre (cas d?un achat de CHRD, ou d?une location-gérance?).
Dans ces cas les CHRD peuvent demander et obtenir l?annulation des contrats de bières et donc l?absence de paiement par eux des sommes réclamées (dans notre exemple 285 hl ou 45 hl) voire des dommages et intérêts pour faute du brasseur dans la conclusion et l?exécution de ses engagements.
Souvent d?ailleurs, cette action est menée par le CHRD en parallèle à un changement de choix du brasseur, mais pas forcément.
Espérant avoir répondu à votre question.

Sophie Petroussenko, Avocat à la Cour

SELARL Cabinet d?avocats
Sophie PETROUSSENKO
Avocat à la Cour
72 avenue de WAGRAM
75017 PARIS
Tel : 0156810580
Fax : 0142966492
Email : cabpetroussenko@wanadoo.fr
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Site : http://www.cabinet-petroussenko.com

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