“Ce qui prime, c’est l’expérience du festivalier et la diversité de ce qu’on lui propose aussi dans l’assiette. Quand nous avons créé La Place des chefs, nous sommes partis du constat que certains festivaliers ont autant envie de vivre un bon moment musical que de découvrir une spécialité culinaire sympa”, observe Frédéric Adam, responsable du pôle partenariat des Eurockéennes de Belfort, qui accueillera 130 000 festivaliers début juillet et où 167 000 repas devraient être servis. Il y a quatre ans, la triple étoilée Anne-Sophie Pic y avait créé un burger haut de gamme.
La tendance du bien-manger
Chaque année, six chefs de Bourgogne s’y succèdent, proposant leur version améliorée du sandwich, à côté des 40 stands qui se dispersent entre les scènes de concert et le camping, alternant food-trucks et saveurs du monde. Au festival Art Rock de Saint-Brieuc (80 000 spectateurs à la Pentecôte), les papilles font même partie intégrante du festival à travers l’événement Rock and Toques qui propose de la street food gastronomique à des prix raisonnables (12 € le plat, 20 € le brunch, entre 16 et 20 000 repas servis en moins de trois jours). S’y associent 16 chefs dont 3 étoilés, 8 pâtissiers, 1 artisan cidrier et 2 cavistes.
Le choix culinaire et le bien-manger représentent bel et bien des ingrédients devenus importants dans le succès des festivals. Parmi les hits, le burger conserve sa place en tête. Les festivaliers recherchent du chaud, un plat réconfortant. Comme à Terres du son, près de Tours (60 000 festivaliers mi-juillet et autant de portions servies sur trois jours), ceux au pulled pork du restaurant Lazy Suzy sont particulièrement appréciés. Pizzas, hot-dogs et tartes flambées figurent aussi parmi les classiques des Eurockéennes. Au festival Art Rock, les pains bao, buns, galettes et pains briochés au sarrasin ont la part belle, déclinaison locale oblige.
Un cahier des charges précis
Et la tendance du végétarien dans tout ça ? Le burger aubergine mozza tapenade et tomates séchées représente 20 % des ventes du Lazy Suzy, bien derrière le cochon. Dans le cahier des charges des organisateurs, l’incitation à diminuer la viande pour son impact carbone est pourtant de plus en plus forte. “Cette année, nous demandons aux restaurateurs de ne proposer qu’un seul plat à base de carné dans leur menu et celui-ci aura un supplément de quelques euros par rapport au végé”, détaille Mickaël Marteau, référent restauration pour Terres du son. À Saint-Brieuc, “50 % de la carte au minimum doit être végétarienne et 25 % en bio également”, abonde Carol Meyer, directrice de Art Rock. Aux Eurockéennes, l’éthique du festival se complète par une vaisselle 100 % consignée. Les festivals retiennent à présent des critères environnementaux précis : provenance des produits, circuits courts, restaurateurs régionaux, réduction des déchets...
Côté restaurateurs, du volume
La sélection faite, ce sont 30 % des candidatures qui sont ainsi retenues à Terres du son pour une quinzaine de stands, côté concert et village gratuit. Guillaume Pechoutre y tient le Lazy Suzy pour la troisième année. “C’est une grosse logistique à mettre en place, il faut être armé. D’abord pour installer son stand avec tout le matériel, puis pour tenir les volumes les trois jours. Nous produisons plus de 1 500 burgers, 500 kg de frites.” Il ajoute l’importance de ne pas fermer son restaurant d’origine. “J’ai un staff de 3- 4 extras dédiés à l’événementiel, je ne sacrifie pas pour autant mon restaurant qui doit rester le moteur de l’activité, et non pour combler un chiffre.”
Une rentabilité aléatoire
En effet, la rentabilité se révèle aléatoire selon les années, surtout en raison des aléas météorologiques. “Je ne me mets pas la pression sur les volumes, j’y vais d’abord pour les retombées, ça amène des clients au restaurant”, souligne Guillaume Pechoutre. Il faut aussi savoir que les festivals prennent en règle générale une commission entre 20 et 25 % sur les ventes en plus de la fourniture du stand, ce qui explique aussi que les plats vendus soient un peu plus chers (16 € pour le burger-frites classique de Lazy Suzy).
De la visibilité
L’an dernier, Hugo Mathieu, le chef du restaurant Le Sauvage à Besançon, avait vendu, avec un collègue, des baos améliorés sur la Place des chefs des Eurockéennes pour un total de 28 000 €. Il revient cette année comme chef du restaurant des mécènes (dédié aux 150 entreprises partenaires), pourvu d’une véritable cuisine avec service à table. “Ce sont des opérations qui valent le coup, financièrement et pour se faire connaître. C’est de la visibilité. Nous aurons une jauge de 250 personnes, des salariés d’entreprises du coin. À côté, nous avons pas mal de frais engagés, j’ai investi dans une remorque-camion, je loue de la vaisselle ainsi que deux gîtes pour mon personnel. Avec un menu à 30 €, j’espère une marge de 15 000 € cette année”, avoue le jeune chef. Au-delà des trois à quatre jours sur place, les chefs doivent en effet compter sur la préparation quelques semaines avant, puis deux jours de nettoyage et rangement. “Généralement, il faut compter une semaine pour se remettre d’un tel événement”, partagent à la fois Hugo Mathieu et Guillaume Pechoutre, qui tous deux apprécient particulièrement cette adrénaline et ambiance propres aux festivals.

Publié par Aurélie DUNOUAU