Avant de reprendre La Marine, Gérard
Euller a, avec son épouse, cherché longtemps. "Pendant trois ans, nous
avons visité une centaine d'affaires dans toute la France, surtout dans le Sud",
se souvient-il. Mais, c'est dans le Nord, à Barneville-Cateret, sur la côte ouest
du Cotentin, que le couple trouve finalement la perle rare. Un hôtel-restaurant
de 26 chambres, 70 couverts, de bonne réputation et surtout sans travaux. "Nous
voulions éviter des travaux de mise aux normes et pouvoir reprendre sans
interruption d'activité", précise le chef d'entreprise, qui a repris l'ensemble
du personnel composé d'une dizaine de permanents en saison hivernale, et qui ne
projette pas de grand changement si ce n'est une ouverture désormais simultanée
du restaurant et de l'hôtel.
Côté vendeur, la transmission de l'établissement exploité par la famille
Cesne depuis 1876 a elle aussi
demandé du temps : deux ans entre la mise sur le marché et le changement
de propriétaire. "Nous étions conscients que la situation dans une station
balnéaire dont la population se réduit à 2 000 habitants l'hiver,
avec activité étalée sur huit mois et demi, et la répartition du chiffre d'affaires
de 1/3 pour l'hôtel et 2/3 pour le restaurant, pouvaient en désintéresser plus
d'un", explique Laurent Cesne, l'ex-propriétaire
et le chef 1 étoile Michelin dès
1986. "Il est toujours délicat de bien vendre une affaire lorsque la qualité
de la table est fortement liée à l'exploitant", complète Bruno Huard, directeur du cabinet
Michel Simond de Caen mandaté par la famille Cesne.
Une transmission réfléchie
Mais le temps qui s'écoule se révèle parfois un allié. Entre 2014 et
2016, quelques imprévus vont changer la donne. En 2015, la mère de Laurent
Cesne, qui co-exploitait l'établissement avec son fils, quitte l'entreprise pour
raisons de santé. Laurent Cesne reprend les responsabilités de l'accueil et de
la réception, et délégue progressivement la tête de la cuisine à son second, Damien Goguet, fidèle au poste depuis quinze
ans. "Cette réorganisation a permis de dissocier exploitant et réputation de
la table. C'est rassurant pour l'acquéreur et son banquier", poursuit le
représentant de Michel Simond.
Autre événement inattendu : la vente était sur le point de se faire
au profit d'un groupe d'investisseurs qui s'est désisté après quelques mois,
faute de financement. Un coup de théâtre qui jouera en faveur des époux Euller,
hôteliers à Strasbourg, qui venaient justement de céder leur hôtel-bureau. Nous
sommes alors en novembre 2015. La passation sera officialisée trois mois plus
tard. Un délai plutôt court au regard de la complexité juridique d'une reprise
de murs et de titres.
Le dossier de vente était fin prêt puisqu'il avait été préparé pour un
premier acquéreur potentiel, "mais l'efficacité du négociateur a beaucoup
aidé. Il a, par exemple, organisé et concentré sur une seule journée sur place
tous les rendez-vous bancaires. C'est un gain de temps énorme", raconte l'actuel
propriétaire. Fort de son expérience d'hôtelier et de l'apport tiré de la vente
de son établissement, l'acquéreur a su convaincre la banque et Bpifrance, qui
est intervenu en garantie mais aussi, chose plus rare, en cofinancement. "Nous
avons garanti 50 % du financement des titres. Et, compte-tenu de la
qualité du dossier, nous avons aussi financé une partie du crédit bancaire à
hauteur de 40 % du montant emprunté pour les titres et 50 % pour les
murs", explique Jean-Charles Perette,
chargé d'affaires financement chez Bpifrance Normandie.
Publié par Tiphaine BEAUSSERON