Dans le cadre d'une
cession d'hôtel, le nouvel exploitant peut-il utiliser dans son intégralité le
fichier 'clients' constitué par le
précédant responsable de l'établissement ?
Matthieu Bourgeois :
Oui, à la condition que la collecte des données figurant dans le fichier ait
été effectuée correctement, c'est-à-dire en conformité avec la loi informatique
et libertés. Il faut notamment que ce fichier ait été déclaré à la CNIL. Dans
une affaire jugée par la Cour de cassation en 2013, la cession d'un fond de
commerce a été purement et simplement annulée, au motif que le fichier clients
n'avait pas été déclaré à la CNIL. Les conséquences de cette décision ont été
dramatiques pour le vendeur, puisqu'il s'est vu contraint de restituer
l'intégralité du prix qu'il avait encaissé. Cette solution est transposable à
toute cession de fonds de commerce, y compris à celle d'un hôtel.
Jusqu'où peut-on aller dans l'élaboration d'un
fichier clients ?
S'il est possible de collecter une large variété de données
personnelles, encore faut-il que la collecte soit faite pour des finalités
explicites et légitimes, en respectant le principe de proportionnalité. Ainsi,
peuvent être traitées uniquement les données strictement nécessaires aux
finalités de la collecte, et pas davantage. Par exemple, certains hôtels qui
collectent des informations très précises concernant le régime alimentaire ou
les habitudes de vie de leurs clients (statut fumeur/non-fumeur, hobbies…) ne
sont en droit de le faire que si cette collecte est justifiée par des services
spécifiques de l'hôtel dont la fourniture nécéssite de telles informations.
Dans de tels cas, l'hôtelier devra notamment : mettre en place des garanties strictes pour
conserver la confidentialité, en particulier par une gestion rigoureuse des
droits d'accès à de telles données ; éviter de collecter certaines données
interdites (données révélant les origines raciales, les croyances religieuses,
les orientations sexuelles…) ou réservées à certains professionnels (données de
santé…).
Doit-on demander une
quelconque autorisation au client ?
Oui, en principe. Cela ne pose généralement pas de
difficultés en pratique car ce consentement est souvent donné par les personnes
au moment de la collecte de leurs données. Il ne doit pas y avoir de collecte «
à leur insu », sauf dans des cas particuliers de collecte indirecte : par
exemple, un hôtel recevant des données d'un partenaire commercial, comme une
agence de voyage avec laquelle elle fournirait un service packagé. Dans un tel
cas, les personnes sont en principe informées de ce transfert lors la collecte
initiale ou bien lors de la communication de leur données au tiers.
Un hôtel ferme
définitivement, peut-il vendre son fichier clients ?
Oui, mais à la condition d'avoir pris des précautions
préalables, notamment en vérifiant que les clients ont bien été informés de
tous les éléments exigés par la loi (finalité, destinataire des données, droit
d'accès, de rectification et d'opposition…), et surtout que les formalités
déclaratives auprès de la CNIL ont bien été effectuées. À défaut, c'est toute
l'opération de vente qui peut être annulée (voir plus haut).
Publié par Propos recueillis par Sylvie Soubes