Vincent Léna : Le tourisme constitue une priorité réelle pour le PS, dans la mesure où il a fait de l'emploi sa priorité absolue. Le tourisme mérite davantage d'attention, car c'est un secteur dynamique, qui représente d'ores et déjà davantage de richesse économique que l'agriculture, l'énergie ou encore l'automobile, non délocalisable. Il est temps de parler d'industrie touristique et d'y consacrer les moyens nécessaires à son développement, comme François Hollande veut le faire pour l'industrie et les PME.
Seriez-vous favorable à un ministère plein du tourisme, comme le réclame la profession ?
Oui, le PS prévoit un ministère plein, avec des moyens. L'enjeu est d'en faire une véritable politique publique, avec des objectifs ambitieux, partagés avec la profession, et des investissements croisés publics et privés. Un exemple dans ma région : l'établissement du Louvre va implanter un nouveau musée à Lens, au coeur de l'ancien bassin minier, très touché socialement. C'est un pari formidable pour développer le tourisme et créer de la richesse.
Comment voyez-vous l'avenir du tourisme en France ?
Nous sommes à un tournant, avec de nombreuses incertitudes liées à de nouveaux modes de communication et de consommation. D'un côté, la baisse du pouvoir d'achat empêche de nombreux Français de partir en vacances ; de l'autre, les visiteurs étrangers raccourcissent leurs séjours et ciblent les métropoles et quelques sites célèbres. Il faut une grande politique publique du tourisme pour mobiliser tous les acteurs autour d'une ambition : faire de la France un 'paradis du bien-être aux 4 saisons', avec des offres diversifiées et coordonnées. Ne passons pas à côté, en considérant que la France utilise son patrimoine unique comme une rente. Rien n'est jamais acquis !
La profession reste dans l'incertitude fiscale. Quelle est votre position dans ce dossier ?
Je comprends l'inquiétude de la profession, qui a vu plusieurs fois changer les règles du jeu, en matière de TVA ou d'investissement (loi Scellier, normes d'accessibilité…). Les professionnels ont besoin de stabilité, pour construire sur la durée leurs investissements, et conforter l'emploi, qui reste encore trop souvent insuffisamment formé, saisonnier ou précaire.
Le maillage de la ruralité passe par le maintien des petits cafés, hôtels et restaurants indépendants. Or, beaucoup disparaissent. On en connaît les raisons : législation de plus en plus contraignante, investissements impossibles à réaliser, difficultés à trouver des repreneurs… Quel est votre sentiment ?
Élu dans un arrondissement rural du Pas-de-Calais, je partage tout à fait cette inquiétude, voire ce sentiment d'abandon. La France a vu disparaître en quelques années, et en silence, des milliers d'établissements qui constituaient une part de son patrimoine, et qui jouaient un rôle social incontestable. Pourquoi ne pas reconnaître ce rôle dans la cohésion sociale, et permettre aux cafés ou aux petits restaurants d'offrir de nouveaux services de proximité, ou une offre culturelle, pour donner une nouvelle vie aux villages et y attirer de nouveaux visiteurs à la recherche d'authenticité ?
La profession estime que la France légifère sur beaucoup trop choses. Partagez-vous cet avis ?
Je pense surtout qu'il faut arrêter de légiférer à chaque fois qu'un fait divers intervient, ou pour flatter une catégorie de la population, alors que la précédente loi n'a parfois pas eu la publication de ses textes d'application. Je crois davantage à la stabilité des règles du jeu, et au partenariat local qui fait des miracles dans certains territoires.
Vous qui êtes un élu d'une région maritime, que pensez-vous de l'installation des éoliennes en mer, et de l'aménagement des plages en règle générale ?
Ce n'est pas le même sujet ! Le Gouvernement et la majorité sortante ont fixé des objectifs très élevés en matière d'éoliennes après le Grenelle de l'environnement, mais il faut faire attention ici ou là aux conflits d'usages, avec les pêcheurs ou les acteurs du tourisme, par exemple. Pour l'aménagement des plages, la loi littoral nous a permis de préserver une partie nos côtes de l'urbanisation excessive que l'on peut observer dans d'autres pays. C'est un atout, mais l'esprit de la loi était de préserver de la souplesse, pour continuer à exploiter notre 'or bleu', qui est notre principal capital. On observe un durcissement préoccupant sur le terrain, où l'État nous interdit de rénover des bâtiments existants ou nous demande de les raser. Imagine-t-on de détruire l'Aqualud au Touquet-Paris-Plage ?
Comment percevez-vous les métiers de l'hôtellerie et de la restauration ?
J'ai beaucoup de respect pour les professionnels de l'hôtellerie et de la restauration, qui ne comptent pas leurs heures et prennent souvent des risques personnels. En même temps, l'image auprès des jeunes n'est pas toujours positive, car le métier est dur et les emplois parfois trop précaires. Je crois qu'il faudrait un effort partagé pour valoriser ces métiers, faire des groupements d'employeurs, et améliorer les conditions de travail, par exemple sur le logement des saisonniers. Des initiatives remarquables existent ici où là, comme dans ma région Nord-Pas-de-Calais avec l'Umih et la CFDT.
Publié par Propos recueillis par Sylvie Soubes