"J'ai écrit deux livres de philosophie." Cyril Aouizerate n'oublie
jamais sa formation première. Il l'a étudiée au Mirail à Toulouse (Haute-Garonne),
où il est né, puis à la Sorbonne, à Paris (Ve). Il se destinait donc à une
carrière d'enseignant. "Mais j'ai finalement opté pour une philosophie du
faire", dit-il. Une fois les bancs de la Sorbonne quittés, sa maîtrise en
poche, il croise la route d'Alain Taravella, fondateur et patron d'Altarea
Cogedim. "J'ai fait mon apprentissage professionnel à ses côtés, confie
Cyril Aouizerate. Il m'a donné la capacité de faire. Il m'a appris à monter
un projet et à le concrétiser." Une expérience qui dure de 1995 à 2000. Là,
Cyril Aouizerate commence à s'intéresser au secteur de l'hôtellerie. "Je ne
travaillais que sur des projets de centres commerciaux. Je voulais passer à
autre chose." Pour lui, l'hôtellerie, "c'était l'occasion de créer un
lien entre la philosophie et un lieu de vie".
"Saint-Ouen est un territoire idéal"
À l'orée des années 2000, il trouve un terrain rue de Bagnolet (XXe), "un
ancien garage". À l'époque, personne ne veut miser sur ce quartier de
Paris, et encore moins pour y créer un hôtel. Personne, sauf le designer Philippe
Starck. "Il m'a suivi dans le projet." Puis, le duo va convaincre Serge
Trigano, l'ancien patron du Club Med, de se lancer à son tour dans l'aventure
de la chaîne Mama Shelter. "Six mois avant que le groupe Accor ne rachète 35 %
du capital des hôtels Mama Shelter, j'ai revendu mes parts", raconte Cyril
Aouizerate. C'était en 2014. Il avait déjà créé, de son côté, un restaurant MOB
(Maimonide of Brooklyn) à New York, ciblé sur le bio, le végétalien et le
travail en partenariat avec de jeunes agriculteurs de l'état de New York. "Je
commençais à m'interroger sur les rapports entre la ville et la banlieue."
Domicilié entre Paris et New York, il planche alors sur une adaptation
du concept en France, en partant du principe "qu'il y a une vie de l'autre
côté du périphérique parisien". Il choisit Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis)
pour s'implanter, "un territoire idéal, avec la présence des puces,
la proximité de Roissy et une mixité par essence". Il voit plus grand qu'à
Brooklyn, en imaginant un hôtel de 92 chambres - à partir de 89 € la nuit
- avec restaurant bio, terrasses, cinéma extérieur, potager et même des pop-up
stores dont les créateurs invités changent deux fois par mois. "MOB, c'est
le premier projet hôtelier du Grand Paris", affirme Cyril Aouizerate, un
mois après l'ouverture de cet établissement.
"Je veux fédérer des hôteliers qui ont envie de partager nos
valeurs"
Steve Cave, patron d'AOL, et Michel Reybier, à la tête du groupe hôtelier
La Réserve, accompagnent financièrement la jeune enseigne MOB. "Pour chacun
de nos établissements, nous achetons les murs et le fonds", souligne Cyril
Aouizerate. Seule façon d'être libres de casser pour transformer, moderniser,
agrandir si besoin. D'autres MOB sont donc à venir : un deuxième ouvrira à
Lyon (Rhône) en septembre et deux terrains ont déjà été achetés à Washington et
Los Angeles pour des ouvertures en 2019. "Une dynamique est née,
reconnaît Cyril Aouizerate. Nous voulons ouvrir entre 6 et 8 MOB en Europe
et aux États-Unis, dont nous serons propriétaires. Toutefois, je ne crois plus
au concept de chaîne hôtelière. Chaque établissement doit avoir sa propre
identité. Fini le copié-collé." Si bien qu'il veut "fédérer des
hôteliers qui ont envie de partager nos valeurs : nourriture bio, travail
avec des coopératives agricoles, pop-up stores de jeunes créateurs..." Les
demandes affluent déjà de Londres, Bombay ou encore du Colorado. Quant au
restaurant du MOB de Saint-Ouen, il sert 500 couverts par jour chaque week-end
depuis son ouverture en mars dernier.
Publié par Anne EVEILLARD