"J'ai été élevé en Corse, à Lumio, dans l'hôtel-restaurant de mes parents. J'y ai fait mon apprentissage avant de faire mes premiers pas dans les maisons parisiennes.
Mon premier déclic s'est produit lorsque je suis arrivé à L'Oasis à Mandelieu (06), en 1992. Louis Outier et Stéphane Raimbault venaient de récupérer leurs deux étoiles Michelin. J'ai découvert une maison réputée, une brigade assez importante, un niveau de rigueur et d'engagement qui m'ont plu.
Je suis retourné ensuite faire deux saisons auprès de mes parents, au Bellevue à Lumio (20). Est venue ensuite l'heure du service national, j'ai alors intégré le mess du cabinet du ministère de la Défense. Il n'y avait que des cuisiniers qui sortaient de grandes maisons, c'est marquant dans un parcours !
J'ai ensuite rejoint la Maison Prunier (Paris, VIIIe). La rencontre avec Gabriel Biscay, meilleur ouvrier de France, a été déterminante. Je n'avais jamais vu autant de technique, de connaissances. J'ai été marqué par la rapidité des services du midi, par la rigueur, c'était une maison dure mais exceptionnelle. Je me suis alors dit qu'un jour je serais MOF.
"Nouveau défi"
En 1997, je retourne en Corse, dans un beau Relais & Châteaux, La Villa à Calvi (20). J'y suis resté douze ans et m'y suis affirmé peu à peu seul. J'ai beaucoup donné dans cette maison, mais cela m'a certainement propulsé. En 2000, je prends seul les commandes de la cuisine et je peux dire, maintenant, que c'est là que l'aventure a commencé. En 2002, je reçois une première étoile, en 2007, la seconde arrive. À cette époque, la Corse n'avait jamais eu de table doublement étoilée. Entre temps, en 2004, je réussis le concours du meilleur ouvrier de France.
À la fin de l'année 2009, avec l'envie d'un nouveau défi, je rejoins L'Hôtel du Castellet (83). Alexandra, ma compagne, devenue mon épouse depuis, me suit dans cette aventure et prend le poste de directrice du complexe hôtelier.
Très vite, en mars 2010, on retrouve deux étoiles. En 2011, le restaurant obtient 4 toques au Gault&Millau et je rejoins aussi cette année-là les Grandes Tables du monde.
On ne peut pas mesurer le soutien que m'a apporté Alexandra. Tout cela n'aurait pas été possible avec quelqu'un d'autre. Elle me soutient dans tout. On vit cette maison à 100 % : c'était indispensable d'être l'un avec l'autre dans ce projet avec comme axe la réussite de l'établissement, bien au-delà de nos réussites personnelles.
"La gastronomie, c'est comme un sport de haut de niveau"
Ensemble, nous avons obtenu de beaux succès au Castellet : la création du bistrot San Felice, la rénovation totale des cuisines, la création d'une cave à fromages en salle, l'engagement de nos équipes dans nos projets.
La gastronomie, c'est comme un sport de haut niveau, il faut de l'engagement, de la passion et l'esprit d'équipe. La réussite d'une maison passe par le partage de valeurs communes avec mon équipe. Je leur apporte mon savoir-faire, je les accompagne. Ma volonté est de porter tout le monde vers le haut. Cet hiver, nous rénovons la salle pour que le restaurant devienne, au sein de l'établissement hôtelier, "un écrin dans l'écrin".
Dans un même temps, je me suis engagé auprès des Grandes Tables du monde, auprès de Seaweb pour la préservation des ressources de la mer, et je viens d'être élu cofondateur du Collège culinaire de France. Nous avons un point fort en France, c'est notre cuisine. Et nous, chefs et cuisiniers, avons la responsabilité de défendre ces valeurs.
Aujourd'hui, je sors mon premier livre, Christophe Bacquié au Monte-Cristo. Les maisons d'édition m'ont approché plusieurs fois, mais je ne me sentais pas prêt. De Borée me l'a proposé au bon moment. Dans un premier ouvrage, on se livre complètement, cela permet de montrer ce que l'on est. À travers ce livre, je fais découvrir mon univers, ma cuisine, les produits que j'affectionne.
Ma cuisine a évolué avec le temps. Je pense avoir atteint une certaine maturité. Tout ce qu'il y a dans l'assiette doit servir à quelque chose. La technique est présente mais elle est discrète dans l'assiette, au profit des produits et du goût. Le goût, dans sa grande simplicité, vient de l'excellence des produits. J'ai beaucoup évolué aussi sur l'équilibre des saveurs et développé ma propre sensibilité.
Je ne cherche pas la gloire pour la gloire mais ce serait mentir de dire qu'à 42 ans je n'ai plus de rêves. Maintenant, ce sont avant tout mes clients qui me poussent à aller plus haut. Il faut essayer d'aller loin, pas dans la compétition mais dans l'émotion et le partage, ce sont ces valeurs que je veux transmette à mes clients, c'est ce qui me guide au quotidien."
Publié par Marie TABACCHI