L'arrêté du 29 février 2016 a étendu les dispositions de l'accord de branche du 16 décembre 2014 prévoyant les conditions de recours aux conventions de forfait jours pour les entreprises de la branche CHR. Mais sa portée est limitée car cet arrêté émet une réserve importante. Celui-ci précise en effet que l'article 2.4 relatif au contrôle du temps de travail, «est étendu sous réserve que soient précisées, par accord d'entreprise ou d'établissement ou par un nouvel accord de branche, les modalités concrètes de suivi de la charge de travail, dans le respect des exigences jurisprudentielles relatives à la protection de la santé et de la sécurité des salariés».
Autrement dit, les stipulations de l'accord collectif n°22 ne garantissent pas suffisamment le suivi et de contrôle de la charge de travail. Les partenaires sociaux sont donc invités à revoir leur copie.
Rappelons que postérieurement à la conclusion de l'accord de branche du 16 décembre 2014, la Cour de Cassation avait invalidé dans un arrêt du 7 juillet 2015 les dispositions de la convention collective HCR dans leur rédaction antérieure à l'accord du 16 décembre 2014.
Dans ce même arrêt, les juges avaient également jugé insuffisantes les dispositions de l'accord d'entreprise applicable en l'espèce qui prévoyait « seulement » l'obligation de respecter les limites légales de la durée quotidienne du travail et un entretien annuel entre le salarié et son supérieur hiérarchique portant sur l'organisation du travail et l'amplitude des journées de travail.
Les conventions individuelles de forfait jours conclues par application directe de ces dispositions conventionnelles risquent d'être annulées par un juge et les salariés concernés pourraient demander le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures par semaine, (voire une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de 6 mois de salaires au titre des heures supplémentaires non déclarées).
Compte tenu du risque judiciaire, les entreprises sont donc invitées à ne pas conclure de nouvelles conventions de forfait jours fondées uniquement sur la convention CHR.
• Que peuvent faire les entreprises souhaitant recourir dans le futur aux forfait jours ?
Au regard de la jurisprudence de la Cour de Cassation (cass. soc. 31 janvier 2012, n°10-19807 invalidant la convention de la chimie, cass. soc. 24 avril 2013, n° 11-28398 invalidant la convention SYNTEC…), il existe une grande incertitude sur les garanties suffisantes posées par un accord collectif pour permettre la mise en place d'un accord forfait jours valide.
Pour plus de sécurité juridique, les entreprises pourront préférer recourir au système du forfait horaire annuel (suivant un accord d'entreprise ou d'établissement conclu à cet effet, la convention HCR ne le prévoyant pas) ou un forfait hebdomadaire ou mensuel incluant des heures supplémentaires fixes (article L3121-38 du code du travail).
Pour les entreprises souhaitant néanmoins conclure de nouvelles conventions de forfait jours, il est certain en l'état qu'elles devront se fonder sur un accord d'entreprise ou d'établissement complétant les dispositions insuffisantes de la convention collective actuelle. Cet accord d'entreprise ou d'établissement devra détailler les garanties de suivi de l'amplitude et de la charge de travail des salariés concernés (par exemple rappeler la nécessité de respecter les repos obligatoires, prévoir plusieurs entretiens réguliers dans l'année où sont abordés la charge individuelle de travail, l'amplitude des journées de travail, une procédure d'alerte …).
Ces questions sensibles de Ressources Humaines invitent à la plus grande prudence, les entreprises devant être conseillées sur les différents enjeux juridiques et risques judiciaires avant d'entreprendre toute modification contractuelle hâtive.
Publié par Tiphaine Beausseron et Aurélien Ascher, avocat au barreau de Paris