Monsieur Barbu a été embauché en tant qu'aide cuisinier par la société Café fleuri, entre le 28 juin 2012 et le 29 juillet 2012 selon différents contrats journaliers d'extra signés chaque jour. Le Café Fleuri a, par la suite, embauché M. Barbu pour 3 mois, du 1er août au 30 novembre 2012, par un nouveau CDD, pour le même poste. Le motif de ce dernier contrat était l'accroissement d'activité. À la fin de ce dernier CDD, M. Barbu s'est vu remettre un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle emploi et son solde de tout compte.
Le salarié demande la requalification de son contrat en CDI
M. Barbu a alors saisi le Conseil de prud'hommes afin de solliciter la condamnation de son ancien employeur à lui verser outre un mois de salaire à titre d'indemnité pour requalification du CDD en CDI, des indemnités pour rupture abusive, son préavis et un mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement.
À l'appui de ses demandes, M. Barbu a indiqué au tribunal que, selon lui, il occupait un emploi permanent dans l'entreprise correspondant à l'activité habituelle du restaurant. Il a versé aux débats ses CDD d'extra successifs des mois de juin et juillet et son CDD du 1er août 2012, selon lesquels il était embauché pour faire face à un surcroît d'activité. Il a aussi produit l'attestation de Monsieur Muscat, l'un de ses collègues, aux termes de laquelle celui-ci explique que M. Barbu travaillait à ses côtés avant son départ à la retraite début août.
La société du Café fleuri a soutenu que son embauche était motivée par un surcroît d'activité en période touristique, comme précisé dans le CDD, et non par le remplacement de M. Muscat. Selon la société, M. Barbu n'avait pas la qualification nécessaire. Toutefois, le Café fleuri n'a pas produit des CDI conclus avec d'autres salariés travaillant en cuisine pour faire face à son activité habituelle.
Au regard de l'ensemble des pièces versées par les parties, le Conseil de prud'hommes a fait droit aux demandes de M. Barbu, soit 5 mois de salaire environ.
Pourquoi le Café Fleuri a-t-il été condamné ?
Même si la spécificité du secteur de la restauration est reconnue par l'article D1242-1 du code du travail, qui autorise le recours aux CDD d'usage -c'est-à-dire le contrat d'extra -, celui-ci doit rester l'exception.
Selon l'article L1242-2, ce contrat ne peut être conclu que pour l'exécution d'"une tâche précise et temporaire", que peut par exemple constituer un accroissement ponctuel de l'activité de l'entreprise pendant une durée déterminée. Or, le Café fleuri n'a pas été en mesure de démontrer que l'embauche de M. Barbu ne correspondait pas à un poste permanent dans le restaurant.
Le Conseil de prud'hommes a estimé, au vu de la succession des CDD d'usage suivis d'un CDD de quatre mois, le départ de M. Muscat et les dates du dernier CDD qui se terminait bien après les vacances d'été, que M. Barbu avait été embauché dans le but de pourvoir à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Le dernier CDD a donc été requalifié en CDI. En l'absence de lettre de licenciement et de respect de la procédure de licenciement (puisque, pour l'employeur, M. Barbu était en CDD), les condamnations du Café fleuri ont été très importantes : un mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour la requalification, un mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, 2 mois de salaire au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, le préavis et le remboursement d'une partie des frais d'avocat de M. Barbu.
Comment éviter la requalification du CDD en CDI ?
Lorsque la requalification du contrat est prononcée par le juge, les conséquences financières sont donc forcément lourdes pour l'employeur. Il doit donc se montrer prudent lorsqu'il a recours à ce type de contrat. Il vaut mieux parfois rompre une période d'essai que d'avoir recours à un CDD !
L'employeur doit tout d'abord respecter le formalisme écrit très strict des CDD en n'oubliant aucune des nombreuses mentions obligatoires (motif de recours, date du terme du CDD, en cas de remplacement : nom du salarié remplacé, fonction occupée…).
Le recours à des CDD successifs ne doit pas dissimuler une relation de travail destinée à être durable. L'employeur doit garder la preuve de toute circonstance permettant d'établir le besoin ponctuel de recourir à un CDD. Ainsi, l'entreprise pourra justifier du caractère temporaire de ses besoins, en produisant par exemple des CDI passés avec d'autres salariés pour les mêmes fonctions ou en justifiant de l'augmentation de la fréquentation de l'établissement.
Publié par Juliette Pappo (avocat au barreau de Paris)
vendredi 5 juin 2015