Depuis plusieurs semaines, les partenaires sociaux négocient une nouvelle convention sur l’assurance-chômage. L’une des principales difficultés dans leurs discussions est le désaccord concernant la taxation des contrats courts, une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. En effet, au nom de la sécurisation des parcours professionnels, le Gouvernement envisage d'instaurer un système de bonus-malus pour sanctionner les entreprises qui abusent des contrats précaires. Muriel Pénicaud, ministre de Travail, reste toutefois ouverte à toute meilleure solution proposée par patrons et salariés.
Opposés à toute taxation supplémentaire, les trois organisations patronales (Medef, CPME et U2P) souhaitent mettre sur la table des négociations des propositions alternatives, qu’ils comptent présenter lors de la prochaine réunion du 14 février. C’est pourquoi l’Umih vient de dévoiler - plus tôt que prévu - son contrat mobilité, alors que celui-ci n’est pas totalement finalisé.
“C’est notre rôle en tant que principale organisation professionnelle du secteur de faire des propositions attractives dans l’intérêt de nos entreprises et de nos salariés. On ne peut pas rester dans cette situation”, déclare Roland Héguy président de l’Umih. Le secteur de l’hôtellerie-restauration est un grand utilisateur de contrats courts, notamment de contrats saisonniers et d’extras, en raison des caractéristiques de ses métiers.
Ce nouveau contrat de travail doit répondre à plusieurs problématiques : sécuriser le parcours professionnel des salariés en contrats de courte durée, supprimer les lourdeurs administratives pour les entreprises et répondre à la pénurie de main d’œuvre dans le secteur.
Plateforme internet
Le contrat mobilité prendrait la forme d’un contrat à durée indéterminée et serait porté par une plateforme internet. Celle-ci emploierait les salariés, en regroupant les différentes postes que ceux-ci occupent dans plusieurs établissements, et ferait l’intermédiaire avec les employeurs. Une durée maximum de recours serait imposée pour un même employeur. Fixer une telle limite permet de sécuriser le recours à ces contrats courts, qui sont de plus en plus souvent remis en cause par les tribunaux. La plateforme constituerait un guichet unique qui permettrait d’établir les déclarations sociales et la fiche de paie du salarié. Ce qui simplifierait aussi les formalités administratives des entreprises.
Outre les cotisations sociales légales, l’employeur devrait verser une contribution ‘sécurisation’ sur un compte en euros et un abondement du compte personnel de formation (calculé en pourcentage de la rémunération brute du salarié), ainsi qu’une somme correspondant aux frais de fonctionnement de la plateforme, dont le montant n’est pas encore défini.
Entre deux missions, le salarié serait toujours indemnisé par Pôle emploi, mais une partie de cette indemnisation serait prise en charge par la contribution sécurisation versée par l’employeur. En résumé, les employeurs pourraient continuer à utiliser les contrats courts mais, en contrepartie, ils participent à l’indemnisation des salariés pendant leurs périodes de chômage.
Une proposition rejetée par les syndicats de salariés
Dans un communiqué diffusé le 6 février, Force ouvrière (FO) dénonce “la fausse piste du CDI mobilité” de l’hôtellerie-restauration. Le syndicat rappelle que, depuis plusieurs années, il revendique la mise en place d’un système de bonus-malus afin de responsabiliser les entreprises dans leur pratique de recours aux contrats courts, afin d’éviter les abus. Force ouvrière considère que ce système calqué sur le CDI intérimaire ne sécuriserait en rien le salarié : absence d’indemnité de fin de mission, période d’intermission où le salarié doit se tenir à la disposition de l’agence, obligation d’accepter des missions mêmes moins bien rémunérées et /ou loin du domicile de l’intérimaire. En outre, conclut le syndicat, ce contrat déporterait une partie de l’indemnisation chômage au niveau de la branche, ce qui générerait des inégalités de traitement face au chômage en fonction de son secteur d’activité. La CGT précise quant à elle qu’“un CDI, c’est toujours mieux qu’un contrat précaire, mais il faut connaître à quelles conditions de salaire ou d’indemnisation durant les inter-contrats”. Pour sa part, la CFE-CGC craint que cette proposition revienne à généraliser le portage salarial et qu’avec un tel système, toute la formation professionnelle se ferait hors du temps de travail.
Le Groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration (GNI), deuxième organisation patronale du secteur des CHR, est plus modéré. Son président, Didier Chenet, rappelle que son organisation partage l’objectif de l’Umih de sécuriser le recours aux contrats courts, mais qu’elle n’est pas en mesure d’apprécier le bien fondé de ce projet dont elle ignore la base juridique. Cependant, l’organisation patronale s’inquiète du coût induit tant par la création d’une surcotisation que par les frais de fonctionnement de la plateforme. Par conséquent, Didier Chenet a demandé en urgence une réunion du collège patronal.
L’Umih doit encore convaincre ses partenaires du bien fondée de sa proposition afin d’obtenir l’appui de ces derniers pour faire accepter sa proposition auprès des pouvoirs publics et de l’Unedic. Seule une loi peut créer une nouvelle catégorie de contrat de travail.
Publié par Pascale CARBILLET