"Adolescente, je voulais travailler dans le bâtiment et les travaux publics." Aude Rambour s'en amuse encore. Ce sont ses résultats scolaires qui l'ont contrainte à envisager son avenir autrement. "Je n'étais pas bonne élève", confesse-t-elle. Scolarisée au Pouliguen (44), où elle est née, elle songe à quitter le collège. Pour aller où ? "Quand j'étais petite, ma mère cuisinait beaucoup. J'aimais la regarder. L'aider aussi de temps en temps. Alors pourquoi pas la cuisine ?" Sa mère la met en garde. "Je ne me rendais pas compte, en effet, à quel point ce métier était difficile, tant dans son apprentissage que dans les efforts physiques à fournir." Malgré cela, en 1994, elle quitte le collège du Pouliguen à la fin de sa 3e et intègre l'école hôtelière de Saint-Nazaire (44). "J'y suis restée sept ans", jusqu'à l'obtention de son BTS.
Un poste de commis chez Jean-Michel Lorain
"À ma sortie de l'école hôtelière, je voulais être professeur de cuisine", se souvient Aude Rambour. Finalement, elle s'inscrit dans une licence ciblée sur les produits de la mer à Cherbourg (50), et durant l'été précédent sa rentrée, cherche "une saison à faire dans un restaurant". Elle décroche un entretien chez Jean-Michel Lorain, le chef étoilé de La Côte Saint-Jacques à Joigny (89). "Il m'a proposé un poste de commis en CDI". Aude Rambour l'accepte, annule la licence et traverse la France d'ouest en est et prend pension dans l'établissement de 2001 à 2004. "Les six premiers mois, c'était dur : le rythme de travail était soutenu et je vivais, seule, dans une petite chambre au milieu d'une ville inconnue." Peu à peu, elle prend ses repères, passe du garde-manger au 'chaud', puis à la garniture.
Fin 2003, Aude Rambour a besoin de changer d'air. Elle tente en vain d'intégrer la brigade d'Olivier Roellinger. Elle envoie son C.V. chez Anne-Sophie Pic à Valence (26). Début 2004, Aude Rambour débarque et prend ses marques dans la Drôme : elle devient demi chef de partie au sein de la maison Pic. En 2007, Anne-Sophie Pic est auréolée d'une 3e étoile Michelin et demande à Aude Rambour de s'occuper de son bistrot, Le 7. Puis, un an plus tard, la chef lui confie Scook, son école de cuisine. "Là, j'ai appris à parler avec des mots simples pour tout expliquer." Une expérience des plus riches, reconnaît Aude Rambour. Mais elle a la bougeotte : "Je voulais revenir dans un restaurant gastronomique et j'avais envie de découvrir Paris."
À la conquête de la capitale
Pugnace et décidée, Aude Rambour obtient une place de troisième sous-chef à la Tour d'argent, en plein Quartier latin. Elle fait la rencontre du chef Stéphane Haissant, "élève d'Alain Senderens et très ouvert dans sa vision de la cuisine", alors aux commandes du restaurant. "Je me sentais bien dans cette équipe." Le hic ? "La vitesse et le stress de la vie parisienne." Dix-huit mois plus tard, Aude Rambour n'a plus qu'une envie : "Partir [s]'installer à [s]on compte au Pouliguen." Mais un recruteur lui propose de travailler avec Cyril Lignac.
"De Cyril Lignac, je ne connaissais que les émissions à la télé." La curiosité de la jeune femme est alors suscitée. Elle rencontre le chef aveyronnais et le courant passe. En mai 2010, Aude Rambour fait un essai dans la cuisine du Quinzième, la table désormais étoilée de Cyril Lignac : "J'ai préparé une recette de mon choix." Ses Saint-Jacques, asperges vertes et sauce café séduisent le chef. Elle est embauchée et devient le bras droit du plus médiatique des cuisiniers de l'Hexagone. "Aujourd'hui, je suis la chef du chef", s'amuse Aude Rambour. Sa mission : imaginer les cartes des différents restaurants du groupe Cyril Lignac avec le chef étoilé, tester les recettes, goûter, mais aussi superviser l'école de cuisine ainsi que la réalisation de nombreux livres. "Je ne regrette rien, assure-t-elle. Ouvrir un restaurant, c'est compliqué. Quand je vois mes amis qui ont sauté le pas, je me rends compte à quel point il est difficile de tenir un ratio, combien il faut investir en temps, mais aussi d'un point de vue financier, physique et mental."
À 35 ans, Paris ne l'effraie plus. La pression de la capitale, elle a fini par l'apprivoiser. En s'octroyant toutefois quelques parenthèses au Pouliguen : "Pour les langoustines, les bigorneaux et les tomates farcies de ma mère."
Publié par Anne EVEILLARD