Compte-tenu de la complexité de cette opération, il est conseillé à l'acquéreur d'avoir son propre avocat, distinct de celui du vendeur, afin de protéger au mieux ses intérêts.
► Pourquoi faut-il privilégier les fonds de commerce bénéficiant d'un bail sécurisé ?
Il faut être vigilant quant à la nature du bail car si l'on souhaite pérenniser son activité, il est impératif de pouvoir bénéficier d'un bail commercial qui le permette (3, 6, 9 ans). Or, si le fonds de commerce bénéficie d'un bail précaire, qui ne dépasse pas 3 années, la mise en place d'une activité pérenne ne sera pas possible, d'autant que l'acquéreur ne bénéficiera pas d'un droit au renouvellement du bail.
Il faut être vigilant dans le cas d'une convention d'occupation temporaire, car ce type de contrat est souvent dépendant d'un contrat principal. Or, si l'un disparaît, l'autre disparaît également.
De nombreux CHR situés sur les quais de Seine : il existe un contrat les liant à leur bailleur et un contrat liant le bailleur au Port de Paris. Dans ce type de convention, le preneur s'interdit en principe de rechercher la responsabilité du bailleur si le Port de Paris est amené à résilier la convention d'occupation précaire qui le lie au bailleur.
► Les points importants concernant le montant du loyer
L'acquéreur doit vérifier le montant du loyer du bail. Celui-ci est en principe indexé sur l'indice des loyers commerciaux, mais des dérogations conventionnelles existent.
La branche hôtelière connaît une spécificité. L'hôtel est en principe considéré comme monovalent, c'est-à-dire que le local ne peut pas être affecté à un autre usage, sans des travaux importants et coûteux au sein de l'immeuble.
Lors du renouvellement du bail hôtelier, le montant du loyer sera calculé en fonction du chiffre d'affaires théorique de l'hôtel. Ce calcul sera soit effectué par la méthode hôtelière (utilisée par le juge) associant le taux d'occupation maximal puis réel de l'hôtel avec les valeurs locatives brutes et nettes, soit par la méthode immobilière associant le chiffre d'affaires avec le coût d'investissement pour le locataire. Les loyers des baux hôteliers étant susceptibles de hausses plus importantes que pour les restaurants, il sera alors intéressant de démontrer le caractère polyvalent du local pour les limiter (exemple : hôtel-restaurant).
► Procéder à un audit social avant d'acheter
L'acquéreur doit procéder à un audit social rigoureux puisque l'ensemble des contrats de travail de l'entreprise cédant son fonds va lui être transféré automatiquement. Il doit donc impérativement connaître le nombre de salariés transférés, la nature des contrats de travail et leur temps de travail, le coût de la masse salariale, l'existence ou non de contentieux en cours (car l'acquéreur reprend les contentieux !).
► Peut-on librement licencier du personnel à l'occasion de l'achat d'un fonds de commerce ?
Si l'acquéreur a l'intention de baisser la masse salariale, la vigilance est de mise. Des départs de salariés dans le cadre d'une rupture conventionnelle ou un licenciement pour motif économique ou personnel sont possibles, mais ces motifs doivent être réels et incontestables, et la cession ne doit pas être la cause des licenciements. Si elle est la cause directe des licenciements, ceux-ci encourent un risque de nullité. Cela veut dire la réintégration du salarié licencié un, deux ans ou quatre ans après son licenciement (le temps que les juridictions statuent).
► Les points à vérifier concernant les licences attachées au fonds de commerce
Les licences peuvent être transférées avec le fonds, mais également vendues séparément. Il faut être vigilant car les licences sont essentielles pour l'activité. Par exemple, sur Paris, la préfecture de police prévoit qu'aucun débit de boissons à consommer sur place des troisième et quatrième catégories ne peut être établi à moins de 75 mètres de débits de boissons des mêmes catégories déjà existants dans les zones de protection.
Le cas est fréquemment posé dans le cadre du transfert d'une licence de débit de boissons de quatrième catégorie qui était rattachée à un premier fonds au profit d'un acquéreur qui va s'en servir pour un autre établissement. Il faudra que l'acquéreur fasse attention à ce que cette licence soit exploitable dans ce nouveau fonds. Il devra également veiller à ce que le vendeur ne lui transfère pas une licence inexploitable à ce titre.
► Étudier les horaires d'ouverture et de fermeture
L'acquéreur doit se renseigner sur les horaires d'ouverture et de fermeture attachés au fonds de commerce, en particulier s'ils correspondent bien à la réalité des autorisations données. Ces horaires sont aussi importants car ils déterminent le chiffre d'affaires. Il faut se renseigner sur ce que prévoit l'arrêté préfectoral pour connaître en la matière et savoir dans quelles conditions il est possible de demander une dérogation. À Paris, par exemple, l'horaire limite de fermeture est de 2 heures pour les restaurants et de 7 heures pour les discothèques, mais il est possible de demander à la préfecture de police des dérogations pour ouvrir toute la nuit.
► Étude et analyse des trois derniers bilans
• Achats et ventes
L'acquéreur doit étudier l'ensemble des derniers bilans du fonds de commerce afin d'examiner l'évolution du chiffre d'affaires, des résultats, des réserves, des trésoreries, des créances clients et des dettes fournisseurs. Les postes de ventes et d'achats doivent également être cohérents. Pour s'en assurer, il convient de procéder à une reconstitution du chiffre d'affaires par le montant des achats, la prise en compte du risque de pertes de marchandises et du stock, qui permettront de déterminer le chiffre d'affaires qui devra correspondre à celui figurant au bilan. Inversement, pour déterminer le montant des achats, il faudra se référer au poste de ventes. Si le montant des achats est supérieur à celui des ventes, il faut que la part supérieure figure dans les stocks pour le montant équivalent.
• Pourquoi faut-il faire attention aux travaux réalisés ?
L'acquéreur doit redoubler de vigilance sur le poste travaux et analyser les factures du vendeur. Le montant des travaux peut être illégalement surestimé et constituer des fausses factures pour tenter de faire baisser le résultat ou créer un déficit, et obtenir un crédit de TVA. En tout état de cause, ces travaux seront souvent amortis sur plusieurs années. Cette stratégie va expliquer un déficit anormal. La société vendeuse n'aura pas d'impôts ou moins d'impôts sur les sociétés à payer et elle bénéficiera d'un remboursement de TVA de la part du Trésor public.
Il doit notamment, ainsi que son conseil, vérifier sur place que les coûts des travaux correspondent à la réalité.
► Quels peuvent être les travaux à réaliser par l'acquéreur ?
Lors de l'acquisition d'un fonds de commerce, l'acquéreur doit se renseigner sur le coût d'éventuels travaux en ce qui concerne la mise aux normes du local commercial, et notamment au regard des règles pour garantir l'accessibilité des locaux aux personnes à mobilité réduite (PMR). Il faut chiffrer ces travaux éventuels s'ils sont nécessaires, et avoir à l'esprit qu'ils peuvent parfois impliquer de lourds investissements.
Il faut alors que l'acquéreur négocie avec le vendeur la charge du montant des travaux. Depuis la loi Pinel applicable aux baux conclus ou renouvelés après le 5 novembre 2014, les travaux d'accessibilité PMR sont obligatoirement supportés par le bailleur s'ils impliquent une modification du gros oeuvre ou des travaux relevant de l'article 606 du code civil ; tous les autres travaux de mise en accessibilité ou en conformité peuvent légalement être mis à la charge du locataire.
► Les contrats d'approvisionnement après l'achat d'un fonds de commerce
Les contrats d'approvisionnements (contrats de bière ou de nettoyage par exemple) ne sont en principe pas repris par l'acquéreur en cas d'acquisition du fonds de commerce. Néanmoins, ces contrats peuvent prévoir une clause imposant au vendeur de faire reprendre le contrat par l'acquéreur… Cela peut être défavorable à l'acquéreur lorsque les prix ou la durée fixée des contrats sont importants et/ou les volumes d'approvisionnement sont exclusifs. L'acquéreur, dans ce cas, a tout intérêt à négocier seul un nouveau contrat avec les brasseurs, ce qui est la pratique la plus fréquente.
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Publié par Sophie Petroussenko