Il aurait pu se contenter d'un seul établissement. Après être passé par
la Tour d'argent, le Bristol ou encore la Maison Prunier à Paris, Patrick
Canal s'est emparé des fourneaux du Café Tournon (VIe) en 2009 avec la
complicité de son épouse, Aline, qui supervise la salle. Le couple de
gérants s'est vite fait repérer dans cette cantine politico-médiatique,
immortalisée dans le film de Michel Deville, Le Mouton enragé, et
située en face du Sénat. D'aucuns viennent pour les plats canailles, d'autres
pour la terrine maison, d'autres encore pour les vins des bords de Loire. Mais
ce serait mal connaître Patrick Canal que de penser qu'il allait s'arrêter là.
Ami du pâtissier Mathieu Mandard, champion de France des desserts
en 2004 qui a travaillé aux côtés des MOF Patrick Chevallot et Philippe
Segond, au George V ou encore au café Pouchkine de Moscou, il a eu envie de
s'associer avec lui. Lorsque Mathieu Mandard avait sa pâtisserie boulevard du
Montparnasse (VIe), Patrick Canal se fournissait déjà chez lui pour le chariot
de desserts du Tournon, au début des années 2010. Si bien que lorsqu'ils ont eu
l'idée de créer une adresse commune, aucun des deux n'a hésité une seule
seconde.
Une course d'endurance
En 2013, ils trouvent une adresse rue Montorgueil (Ier), face à la
future Canopée du Forum des halles. L'espace est parfait, géographiquement et
en terme de superficie, car le duo souhaite pouvoir y installer une vitrine de
gâteaux à emporter, un comptoir, une cinquantaine de places assises, une
vingtaine en terrasse, une salle à manger privée et un laboratoire pour Mathieu
Mandard. Les tractations vont durer près de trois ans, mais ils tiennent bon.
Ils signent en 2015, suivent cinq mois de travaux, sous la houlette de l'architecte
d'intérieur Michael Malapert, et Les Artizans, le Bistro & Gâteaux, ouvre
en mars dernier.
Pour Patrick Canal, c'est le début d'une longue course d'endurance. Car
il doit jongler entre le Café Tournon et cette nouvelle adresse, où il tient à
être derrière les fourneaux. Son premier réflexe : "me faire remplacer en
cuisine au Tournon. C'était primordial". Reste à trouver le chef. Le bouche
à oreille a fonctionné : un excellent cuisinier quittait son poste et Patrick
Canal l'a embauché. "Ce n'est pas si simple de trouver des cuisiniers
qualifiés, commente-t-il. Actuellement, j'en cherche trois pour
travailler aux Artizans. Mais je ne veux pas de ceux qui pratiquent la cuisine
de ciseaux. Ceux qui garantissent du fait maison, mais ne font que découper des
sachets."
Nuits courtes et semaines longues
Son emploi du temps ? Il commence dès 8 heures au Tournon. "Je
fais les commandes et je répare ce qui est cassé." Vers 10 heures,
il brave les embouteillages et file rue Montorgueil, enfile sa veste de chef et
s'installe en cuisine. Midi, c'est le coup de feu. Un retour au Tournon peut
être envisagé dans l'après-midi, "quand il y a encore de la casse !".
Puis, le soir, nouveau coup de feu aux Artizans, dont il ne s'échappe que vers
deux heures du matin. Ses nuits sont donc courtes, et ses semaines longues. Car
si le Tournon ferme le dimanche, le restaurant Les Artizans ouvre sept jours
sur sept. Résultat : depuis mars, Patrick Canal table sur "un jour de
repos tous les quinze jours".
Un rapport qualité-prix qui a fait le buzz
"Un démarrage, c'est toujours difficile, confie Patrick Canal. Surtout
quand on arrive dans un nouveau quartier : il faut observer les attentes,
montrer notre différence, expliquer pourquoi chez nous c'est plus cher que dans
une boulangerie ou un snack." À midi, Les Artizans affiche un menu entrée-plat-dessert
à 23 €. Un rapport qualité-prix qui a fait le buzz chez les blogueurs et
sur les réseaux sociaux. "On a eu une bonne com', qui ne m'a pas coûté un
sou !", se félicite Patrick Canal. Pour surfer sur cette amorce de
succès, il vient de solliciter l'agence &Sens, d'Anne Lardeur et Leila
Bellau, "pour communiquer de façon ponctuelle à différents moments clés
de l'année". Pour l'heure, place à l'Euro 2016 : les écrans des
Artizans retransmettent les matchs en direct. Une autre façon d'attirer
riverains, fans de foot et touristes.
Publié par Anne EVEILLARD
vendredi 24 juin 2016