Lorsqu'on évoque les crémants et autres vins effervescents, l'une des plus grosses erreurs consiste à vouloir les comparer aux bulles champenoises. « La champagne, ce sont de nobles maisons et des vins de fête que le sommelier identifient au travers de notions telles que le brut, la cuvée spéciale, le millésime… C'est aussi une région de production avec un prix du raisin au kilo qui est très spécifique » souligne Jacques Boudin, Maître Sommelier et patron de l'Atelier des Compères (Paris 8ème). En revanche, un amateur de vin « ne peut pas rester indifférent aux autres vins à bulles » convient le professionnel. «Plusieurs grandes régions viticoles présentent, notamment, des crémants de belle facture et il faut savoir les juger et les apprécier dans leur contexte. Les plus gourmands iront chercher un chardonnay plus vieux en Bourgogne. On trouvera des vins plus chantants et très rafraîchissants en Alsace. Quant aux vins issus des pays de Loire, ils savent nous livrer avec de fines bulles leur minéralité… A chacun son expression, sa gourmandise, sa juste valeur et son budget » commente à juste titre Jacques Boudin. Commençons le voyage par l'un des tous premiers vins effervescents de l'histoire. Nous sommes en 1531 et les moines de l'abbaye bénédictine de Saint-Hilaires, à quelques enjambées de Limoux, produisent un vin blanc qui prend mousse naturellement dans la bouteille. Aujourd'hui, les vins pétillants font partie intégrante du patrimoine viticole de l'Aude avec trois AOC : la blanquette de Limoux, le crémant de Limoux et la blanquette méthode ancestrale. Le crémant se distingue de la blanquette par ses cépages (chardonnay et chenin principalement) et un vieillissement plus long, d'au moins 15 mois. La blanquette, issue à près de 90% du mauzac, existe en version brut et demie-sec. Ces vins présentent une certaine corpulence, des bulles bien présentes.Toujours en Languedoc, d'autres bulles attirent la curiosité, comme ce chardonnay extra-brut, VMQ méthode traditionnelle, 100 % chardonnay et vieilli 4 ans sur lie ou encore le brut 100% syrah. Un cuisinier languedocien, qui aime et défend les vins de sa région, livre cette analyse : « Limoux élabore aussi désormais un rosé effervescent. Il y a eu d'énormes progrès de fait et c'est regrettable que nos productions n'aient pas encore la reconnaissance quelles méritent auprès du grand public. Je crois que c'est à nous, restaurateurs, d'insister en servant ces vins autrement, en dehors de l'apéritif, comme autant de coups de coeur. » En France, quelque 8000 hectares plantés sont consacrés aujourd'hui à l'élaboration des crémants. L'appellation d'origine contrôlée date de 1975 et bénéficie d'un cahier des charges qui n'a cessé de tirer la production vers le haut depuis sa création. Elle recouvre des vins qui étaient jusque là commercialisées sous la mention 'méthode champenoise'. Ils sont issus d'une vinification identique à celle pratiquée en Champagne, avec une deuxième fermentation en bouteille. La diversité des cépages et des terroirs donnent des vins très différents d'une région à l'autre et à l'intérieur même des régions. En Bourgogne, « les raisins utilisés pour la production de crémant proviennent de terroirs très variés des différents vignobles de la Bourgogne, depuis le soubassement crayeux des environs de Joigny jusqu'aux granites de la Bourgogne sud, en passant par les calcaires des côtes et les marnes les plus souvent porteurs de l'appellation » rappelle le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne. L'aire d'appellation couvre l'aire d'appellation Bourgogne. Deux couleurs possibles : blanc ou rosé ; avec pour cépages : pinot noir, chardonnay, gamay, aligoté, melon et sacy. Parmi les suggestions de service : crémant de Bourgogne blanc et confit de volaille aux poires et fruits secs, crémant blanc de blancs et Noix de saint-Jacques, crémant blanc de noirs et Queue de boeuf braisée, crémant rosé et Sorbet aux fruits rouges… La bulle, sur quasiment la totalité du repas. L'AOC crémant d'Alsace représente 24% de la production des vins d'Alsace. Ses ventes ont été multipliées par 15 durant les 30 dernières années souligne le Comité interprofessionnel des vins d'Alsace. « Le pinot blanc est le principal cépage des crémants d'Alsace blancs. Il leur confère fraîcheur et délicatesse. Le riesling offre des crémants aux notes vives et fruitées, pleines d'élégance et de noblesse. Le pinot gris apporte richesse et charpente. Le chardonnay distille des notes fines et légères. Le pinot noir est le seul cépage à produire des crémants d'Alsace rosés. Il est également à l'origine des blancs de noirs. Les crémants millésimés, souvent affinés plus longtemps, développent un caractère vineux avec des notes beurrées et briochées ». Pour les aficionados, les crémants d'Alsace « s'affranchissent des règles qui régissent les accords entre mets et vin ; ils affichent une élégance qui leur permettent d'accompagner tous les mets qu'on lui confie grâce à sa fine acidité et sa douce effervescence ». 24 crémants d'Alsace ont été médaillés dimanche 23 février, lors du concours agricole à Paris. Signe d'une qualité bien installée. Autre région importante de production de bulles : les pays de Loire, de saumur en crémant. La zone de production du crémant couvre les régions d'AOC Anjou, Saumur et Touraine sur deux types de sols : les terres blanches (tuffeau) et les terres noires (grès et schiste). Le chenin est incontestablement le cépage phare du crémant de Loire; "il donne de très jolis résultats, ouvrant sur des vins charmeurs, élégants et dynamiques tout à la fois" estime un dégustateur professionnel. D'autres cépages sont utilisés : cabernet-franc, chardonnay, cabernet sauvignon, grolleau... Les associations mets/vins sont également nombreuses et toujours intéressantes à travailler, en particulier avec les poissons et crustacés, les viandes blanches rôties ou en sauce crémée, les desserts fruités… Dans la famille des crémants encore, le Jura, où s'expriment savagnin, poulsard, chardonnay, pinot noir, trousseau... Et le Bordelais. Deux cépages entrent dans l'élaboration du crémant de bordeaux blanc : le sémillon (60% de l'assemblage) et le sauvignon. Le rosé est issu du cabernet et du merlot. En Vallée du Rhône, la Clairette de Die tient la vedette des bulles : un vin blanc pétillant naturellement, produit dans la Drôme. Au moment de son élaboration, aucun sucre n'est ajouté. Le sucre contenu dans la Clairette provient uniquement des raisins. La Clairette de Die Tradition « représente la production principale des viticulteurs du Diois. Elle s'élabore selon une technique de vinification qui lui est propre : la « méthode dioise ancestrale ». Il s'agit d'une technique de vinification qui repose sur une fermentation incomplète en cuve qui se poursuit en bouteille à partir du sucre résiduel du raisin. Sa fabrication repose sur deux cépages. Le muscat blanc, dont les grappes sont constituées de petits grains serrés, est présent au minimum à 75 % et la clairette blanche, aux grains oblongs, allège le goût sucré du muscat et apporte de la finesse au vin » explique le syndicat de la Clairette de Die. On dit que l'histoire de la clairette remonte à l'antiquité. Depuis 1993, la région produit un crémant de Die, la version brut de la clairette. « A l'origine, ce vin blanc brut effervescent était fabriqué à partir du seul cépage clairette. Désormais l'aligoté et le muscat entrent dans sa composition. » Autant de bulles à découvrir ou redécouvrir…
Publié par Sylvie SOUBES
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