Vos parents ont fondé les Prés d’Eugénie. Comment qualifieriez-vous l’héritage qu’ils vous ont transmis ?
Nos parents étaient deux rêveurs éveillés, capables de concrétiser leurs rêves. Les Prés d’Eugénie, c’était leur grand projet : transformer une belle endormie en un lieu de délices, de nature et de poésie. Depuis 1974, cet esprit n’a pas bougé. Aujourd’hui, on perpétue cette philosophie avec Adeline. À l’heure où l’hôtellerie devient parfois trop formatée, presque froide, notre maison reste profondément humaine. Elle célèbre les histoires, la nature, les belles choses. Ce n’est pas une maison parfaite, mais une maison vivante.
Comment envisagez-vous l’avenir des Prés d’Eugénie ?
Nous souhaitons préserver son essence, tout en la faisant évoluer subtilement. Il ne s’agit pas de rupture mais d’ajustements. Par exemple, nous refusons d’intégrer une domotique gadget dans les chambres. Le confort doit rester actuel, sans perdre le charme ni l’authenticité.
Avec nos enfants, nous avons aussi pensé à l’accueil des familles. Un kids club a vu le jour l’été, et plus largement, nous avons introduit une touche de décontraction dans la maison. Le réveillon du 31 décembre est un bon exemple : il y a quelques années, j’ai commencé à les thématiser, et depuis deux ans, on termine la soirée par une vraie boom. On a envie d’ajouter une pincée de légèreté, de fun. Nos parents ont construit l’âme du lieu ; à nous d’y apporter fraîcheur et clins d’œil.
Qu’attendent les clients aujourd’hui, selon vous ?
Ils cherchent une forme de luxe plus charmante, plus légère, parfois même drôle. Il faut de l’élégance, bien sûr, mais aussi de la fraîcheur, de l’espieglerie. C’est une nouvelle façon d’habiter un lieu de prestige, plus libre, plus sincère.
Comment partagez-vous les responsabilités avec votre sœur Adeline ?
Nous avons des compétences très différentes et très complémentaires. Adeline s’occupe de la gestion, des ressources humaines, des finances, des travaux et de la décoration. Elle a un œil très sûr, une vraie culture du bâtiment et de l’objet. Pour ma part, je suis en charge de la communication, du marketing, de la direction artistique, des newsletters, de la création d’expériences. Nous dirigeons également ensemble les thermes de la Chaîne Thermale. Et sur place, deux directeurs assurent le pilotage opérationnel.
Votre père a conservé ses trois étoiles jusqu’à la fin. Comment voyez-vous l’évolution de la cuisine des Prés d’Eugénie ?
La cuisine est une signature forte ici. Elle a brillé pendant 47 ans sous le nom de notre père, et le Guide Michelin nous a renouvelé sa confiance pour la 48e année. Depuis 2017, Hugo Souchet, disciple de notre père, est chef des cuisines. Avec lui, nous avons fait évoluer la cuisine dans une démarche collégiale, fidèle à ce que notre père nous a toujours appris. Notre père nous a éduqué depuis très longtemps pour que les propositions culinaires qui sont faites soient toujours challengées et travaillées à plusieurs.
Depuis 2021, la cuisine a été épurée, affinée, toujours en lien avec la nature, le respect du corps. Elle est franche, goûteuse, poétique, avec des goûts nets, des touches d’acidité, d’amertume. La cheminée reste la reine de la cuisine, pour des cuissons à la braise maîtrisées. Les recettes ont évolué, mais l’esprit reste intact. Mon père n’était pas conservateur : il adorait la nouveauté.
Nous avons aussi un second restaurant [qui a obtenu une étoile Michelin dans le classement 2025, NDLR], plus casual, avec une cuisine de santé et les classiques intemporels de Michel Guérard, qui n’ont plus leur place dans une configuration trois étoiles, mais qui continuent à ravir les convives.

Publié par Romy CARRERE