Christophe Paucod, le chef qui a exporté le bouchon lyonnais au Japon

Tokyo (Japon) Installé à Tokyo depuis dix-sept ans, le chef nous fait part de son expérience à la tête d'un des rares établissements français étoilés de l'archipel.

Publié le 07 septembre 2015 à 12:01

"Tokyo est la capitale de la gastronomie mondiale ! La qualité et le service sont exceptionnels au Japon. On est rarement déçu, quel que soit le type de restaurant", explique Christophe Paucod, chef du Lugdunum bouchon lyonnais à Tokyo. La capitale du Japon compte 13 millions d'habitants, 160 000 restaurants, et un nombre record de 12 restaurants 3 étoiles Michelin en 2015. Parmi les milliers de restaurants français, quelques dizaines seulement sont tenus par des chefs-propriétaires français, et trois sont étoilés par le guide rouge, dont celui de Christophe Paucod.Le chef a grandi entre Lyon et la Normandie. Vocation de cuisine précoce et gourmandise assumée, il entre dans le métier par l'apprentissage. Il travaille au Normandy à Deauville, puis à Paris, la Tour d'argent, le Plaza Athénée, Le Bristol, Prunier. En 1998, alors qu'il a 25 ans, il rejoint le Japon sur un coup de tête. Il enseigne à l'école du Cordon Bleu de Tokyo, puis devient chef des cuisines du Sofitel Tokyo, puis pour tout le groupe Accor au Japon. En 2007, à 34 ans, il ouvre Lugdunum bouchon lyonnais, dans le quartier de Kagurazaka, la petite France de Tokyo. "Au Japon, définir clairement son concept est vraiment important, explique-t-il. J'avais envie de faire quelque chose qui n'existait pas ici, un petit restaurant convivial, avec une atmosphère, qui sert les spécialités de Lyon, avec une carte de vins régionale." Le restaurant reste fidèle à sa devise : 'La cuisine lyonnaise n'a qu'un seul secret : laisser aux choses le goût de ce qu'elles sont'. Tout est produit sur place, de la quenelle au saucisson pistaché, du tablier de sapeur au baba au rhum. Authenticité mais aussi raffinement, dans un cadre entièrement chiné en France, du zinc à la petite cuillère. La carte des vins - beaujolais, bourgogne, côtes-du-rhône, languedoc et champagne - compte une centaine de références, sélectionnées selon les coups de coeur de Christophe Paucod. "Quand vous venez ici, vous êtes à Lyon sans prendre l'avion", s'amuse le chef. Il a fidélisé une clientèle composée à 95 % de Japonais. Mais "la remise en question est quotidienne, prévient-il. Ici, on ne peut jamais vivre sur ses acquis. Je me demande sans cesse comment mieux faire, j'investis chaque année pour apporter un plus à ma clientèle". S'adapter au rythme du Japon "Pour se faire accepter, il faut respecter les valeurs clés : rigueur, respect, service, qualité, rappelle celui qui est devenu président de l'Amicale des cuisiniers et pâtissiers français au Japon. Il faut s'adapter aux horaires de travail : ici, c'est plutôt 35 heures de sommeil par semaine. Ce n'est pas un pays facile. Tokyo, c'est boulot, métro, dodo ! Aujourd'hui, je ferme les lundi et deux mardis par mois, deux semaines en été et une en hiver, ce qui est beaucoup pour le  Japon. Il y a une grosse différence entre ce que les gens imaginent et la réalité. Aussi, mieux vaut venir d'abord comme salarié, idéalement auprès d'un chef connu. Il faut apprendre à connaître la culture, la langue, les gens… L'activité est dense, ça bouge tout le temps, il y a beaucoup de concurrence. Mais ce qui est aussi formidable, c'est qu'on ne se sent jamais agressé."Christophe Paucod travaille avec une équipe 100 % japonaise : cinq personnes en cuisine, quatre en salle et une à l'administration. "Pour travailler avec les Japonais, il faut connaître leur culture. Ils sont rigoureux, on peut leur faire confiance. La relation dans la longueur, la fidélité, est très importante. Il faut bien dire les choses, savoir lisser son discours, remettre à plat, le tout sans hausser le ton. Crier ne sert à rien. J'ai appris à être ferme tout en parlant calmement. Le Japon n'est pas un pays de contestation. Enfin, pour un professionnel français, "la plus grosse différence est qu'on ne revend pas son fonds de commerce. On est locataire et on doit rendre le local dans l'état dans lequel on l'a pris. On doit donc vite rembourser ses emprunts et gagner de l'argent après. Le plus difficile, c'est de durer." D'où l'immense respect que Christophe Paucod témoigne à André Pachon, le vétéran des cuisiniers français à Tokyo.

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Publié par Anne-Sophie THÉROND



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