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Baisse de la TVA : le témoignage exclusif de Christine Lagarde

Vie professionnelle - mardi 17 mars 2009 17:53
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Alors que la profession vient d’obtenir la baisse de la TVA sur la restauration au terme de négociations qui duraient depuis sept ans avec les partenaires européens, la ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi a tenu à réserver aux lecteurs de L’Hôtellerie Restauration son témoignage sur l’âpreté des ultimes tractations bruxelloises du 10 mars dernier. Une leçon concrète de la pratique des institutions européennes dont la perception par le citoyen est trop souvent abstraite et lointaine.



Christine Lagarde.
Christine Lagarde.

L’Hôtellerie Restauration : Dans quelles conditions s’est déroulée la dernière séance consacrée à la TVA ?

Christine Lagarde : Cette réunion s’est déroulée à portes fermées, après que le président de séance, M. Miroslav Kalousek, ministre tchèque des Finances, a demandé que la réunion se déroule exclusivement en présence des ministres des 27 pays et du commissaire européen à la Fiscalité, le Hongrois Laslo Kovacks, ainsi que deux juristes de la Commission.
Les conversations étaient d’autant plus difficiles que M. Kalousek ne parle ni anglais ni français et qu’un dialogue avec la traduction simultanée pendant plusieurs heures rend les choses plus compliquées. J’ajoute que la réunion a été régulièrement perturbée par l’alarme générale lancée à intervalles réguliers en raison d’une manifestation de Greenpeace à l’extérieur du bâtiment.

Quelle était la donne au début de la réunion ?

La partie était loin d’être gagnée ! Le président de séance n’avait pas d’intérêt particulier à parvenir à un accord sur la restauration et les représentants de plusieurs États membres, dont l’Allemagne, avaient à maintes reprises et publiquement fait part de leurs réserves, voire de leur hostilité. Cela faisait du monde, alors qu’il faut parvenir à l’unanimité sur ce type de dossier. Par ailleurs, d’autres nations étaient prêtes à nous soutenir sous condition d’obtenir des satisfactions sur d’autres points que la restauration. Le Portugal tenait à son taux réduit de TVA sur les péages des ponts sur le Tage, Malte sur le taux zéro permanent pour les produits pharmaceutiques et Chypre sur un taux réduit pour les cylindres de gaz liquides. De notre côté, nous avions le soutien non négligeable de Laslo Kovacks, le commissaire à la Fiscalité. Cet ensemble hétéroclite était annonciateur d’une négociation de longue durée pour aboutir à un compromis qui pourrait satisfaire tout le monde.

Et pourtant, vous êtes parvenus à un accord à 27 ?

Il faut rappeler que la France avait commencé les négociations sur la baisse de la TVA sur la restauration dès 2002 et que de nombreuses tractations n’avaient pu aboutir à finaliser un accord. Grâce à la ténacité du Président Nicolas Sarkozy, notamment vis-à-vis de la chancelière allemande Angela Merkel, les choses avaient évolué favorablement depuis quelques mois. Il fallait toutefois tenir compte de la position du ministre allemand des Finances, Peer Steinbruck, membre d’un gouvernement de coalition, et qui craignait l’effet de contagion d’une demande des restaurateurs germaniques à d’autres secteurs sur le budget fédéral. Nous avons beaucoup travaillé avec les Allemands en amont de la réunion et l’Allemagne s’était déclarée prête à un compromis sur la demande de la France sur la restauration. Un accord devenait donc possible.

Quels arguments avez-vous avancés pour emporter la décision ?

J’ai essayé de bien cadrer la discussion sur la demande française sur la table depuis longtemps : la pérennisation du taux réduit de TVA pour les cinq activités à forte intensité de main d’œuvre, dont la rénovation des logements et la baisse de la TVA pour la restauration.
Bien sûr, chaque ministre a voulu prendre la parole pour défendre sa position. Des demandes nouvelles sont apparues en cours de séance, parfois inattendues. Les Anglais ne voulaient plus signer sans obtenir gain de cause sur le mécanisme de l’autoliquidation, et les Polonais plaidaient pour avoir un taux de TVA réduit sur les couches-culottes.

Il y eut plusieurs suspensions de séance. J’ai mis toute mon énergie dans les débats pour que nous continuions les discussions jusqu’à ce qu’un accord puisse être atteint. Y compris en soutenant le président de séance lorsqu’il pensait parfois que nous n’allions jamais y arriver. Nous avons plusieurs fois modifié la rédaction du texte final avant d’aboutir définitivement. Il y a même eu une ultime tentative italienne pour remettre sur le tapis la restriction du champ d’application de l’accord sur les matériaux de construction. Je crois qu’au final, ce qui a permis d’aboutir à un accord, c’est que nous avons eu collectivement le sentiment que beaucoup d’intérêts étaient en jeu et que l’Europe avait tout à gagner en démontrant qu’elle sait conclure des négociations longues et délicates dans un esprit de compromis, particulièrement dans le contexte de crise actuel.

Quelles conclusions tirez-vous de cette négociation enfin aboutie ?

Il appartient maintenant à la profession de prendre des engagements en contrepartie de la baisse de la TVA, et de les tenir. J’ai bon espoir et j’ai confiance en la parole d’André Daguin que j’ai rencontré récemment en tant que militant inlassable de la cause de sa profession. Nous allons entamer avec les organisations professionnelles les États généraux de la restauration afin d’aboutir à des engagements fermes et vérifiables sur les prix, l’investissement, l’emploi et les salaires. L’implication de la profession est la condition indispensable à la mise en application du taux réduit de TVA. J’ai bon espoir d’une formalisation rapide de l’accord au niveau européen.
Enfin, pour terminer sur une anecdote : nous avons négocié sur la restauration de 11 h 30 à 16 h 30 enfermés dans une salle sans même un sandwich alors que nous avions sérieusement faim ! 
Propos recueillis par C. B.

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