Tribune libre : "Le 'restaurant' pour tous"

Laurent Caraux, président de la chaîne El Rancho et président d'honneur du SNRTC, a souhaité réagir suite au projet du Synhorcat de protéger l'appellation 'restaurant'.

Publié le 15 mai 2013 à 19:08

"Tout récemment, Natalie Nougayrède, directrice du journal Le Monde, a publié un éditorial soulignant les évolutions majeures auxquelles notre société est aujourd'hui confrontée. On y lisait en particulier : "Ce basculement s'inscrit dans un mouvement spectaculaire de mutations technologiques dont la rapidité et l'ampleur transforment les modes de production, de consommation, le financement des entreprises et leur management. De nouveaux acteurs, de nouveaux produits, de nouvelles règles, de nouveaux métiers dessinent une nouvelle économie et une nouvelle société. Aucun champ n'y échappe : de l'industrie à l'économie de la connaissance et de la culture, de la banque à l'univers du luxe, des acteurs multiples du secteur de l'énergie à ceux de la grande distribution ou de l'automobile."

La restauration aurait pu y être citée car elle n'échappe pas à cette règle. Tous les jours, elle doit s'adapter pour maintenir son activité et se développer dans un monde où les modes de consommation changent rapidement et se sont globalisés.

Quand nous écoutons le débat qui anime actuellement notre profession, avec les prises de positions de certains qui voudraient limiter l'utilisation du terme 'restaurant' aux acteurs qui n'utilisent que des produits bruts, nous ne pouvons qu'être profondément attristés.

Quel aveuglement, pour ne pas dire quel obscurantisme !
 
Ne voient-ils pas que nos métiers ont profondément évolué au cours des dernières décennies et que les attentes des consommateurs pour se restaurer sont devenues multiples ?

Ne voient-ils pas que dans beaucoup de centres urbains, les cuisines se sont faites beaucoup plus compactes, compte tenu des prix au m², obligeant le restaurateur à faire réaliser certaines tâches à l'extérieur de son établissement sans pour autant sacrifier à la qualité de sa prestation ?

Les mutations de nos métiers se sont faites grâce à de nouveaux produits de plus en plus élaborés, de plus en plus sûrs au plan sanitaire, et à de nouveaux équipements qui intègrent de nouvelles technologies au profit d'une maîtrise optimale des températures de cuisson et de la consommation énergétique de nos cuisines.

Dans ce débat qui voudrait opposer tradition et modernité, regardons un instant en arrière ce qu'il est advenu de la cuisson sous vide. À l'origine, c'est le talent de quelques uns de nos compatriotes, notamment de Georges Pralus, qui a permis la mise au point de ce mode de cuisson permettant le mariage de plusieurs ingrédients (par exemple, le boeuf aux carottes de Joël Robuchon) pour aboutir à des préparations d'une rare qualité.

À l'époque, la méfiance de nombreux professionnels à l'égard de ce mode de cuisson et le manque de pédagogie à destination des médias a ralenti considérablement son usage en France.

Aujourd'hui, force est de constater que ce process est davantage utilisé en dehors de nos frontières, là où l'innovation est perçue comme une marche en avant et non pas comme une régression. Voilà un bel exemple de notre capacité à gâcher nos talents, assis sur des certitudes d'un autre âge...

La restauration française, dans sa grande diversité, est notre bien commun. Un bien précieux. Prenons garde de ne pas l'asphyxier avec une réglementation qui lui interdirait de s'adapter aux mutations indispensables.

Laissons à chaque restaurateur le soin de définir le mode opératoire le mieux adapté à la prestation qu'il souhaite offrir à sa clientèle. Laissons au client le soin de choisir la prestation qui lui convient selon qu'il vient dépenser une quinzaine d'euros ou qu'il est prêt à payer quatre ou cinq fois plus cher... Faisons crédit au professionnel dont la principale préoccupation reste d'offrir à ses clients le meilleur rapport qualité-prix, seul gage de pérennité pour son établissement.

Le seul sujet qui mérite notre mobilisation doit être de combattre, avec la plus grande fermeté, toute tromperie visant à abuser un consommateur de bonne foi, comme par exemple l'usage non justifié des termes 'produit frais' ou 'fait maison'.

Si certains souhaitent mettre en exergue des modes de préparation spécifiques, pourquoi pas ! Le titre de Maître restaurateur, titre d'État, a été instauré pour valoriser le travail et les prestations de certains professionnels. La notion 'd'artisan restaurateur' peut aussi être approfondie, si l'on parvient à en préciser le contenu.

Enfin n'oublions pas qu'un restaurant est un endroit où l'on vient se restaurer. Cette fonction peut être remplie de multiples façons. À quel titre certains professionnels pourraient-ils s'arroger le droit de remplir à eux seuls cette fonction ?

Au-delà de cette bataille d'Hernani sur l'appellation de 'restaurant', laissons aux Français et aux nombreux touristes désireux de découvrir notre patrimoine culinaire, la possibilité de continuer de se restaurer quelle que soit la taille de leur portefeuille. Le restaurant est et doit rester un lieu de convivialité et de plaisirs partagés... pour tous.

Défendons le 'restaurant' pour tous !"


Commentaires
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Patrice

jeudi 16 mai 2013

Moi même restaurateur et défendant la restauration traditionnelle de qualité, il m'est bien difficile de suivre l'idée qui est la votre.
Bien sûr, tout le monde a le droit de se restaurer et de se faire plaisir.
Néanmoins, à l'heure actuelle, plus personne appelle un fast food un restaurant ou un self service un restaurant ou encore la cantine d'entreprise un restaurant. Et quand bien même, cela serait le cas, ce n'est pas logique. Et d'ailleurs, vous remarquerez, qu'une épicerie de quartier, avec l'évolution de la demande, est devenue une superette ou un supermarché, imaginons que votre poissonnerie ne vende plus que du poisson sous vide ou surgelé ou déjà cuisiné, est ce que cela vous semblerez normal ?
Non, il n'est pas normal de laisser des professionnels de la restauration utiliser le terme restaurant si le pourcentage de produits frais et bruts n'est pas de 90.
Il serait même, bien plus judicieux, de donner plus de clarté aux consommateurs en segmentant le secteur de la restauration, plutôt que de laisser chacun faire à sa manière.
Mon avis est, bien entendu, fort différent du votre, et je pense même que le restaurant en sortira grandi, cela évitera les amalgames 'on mange de plus en plus mal dans les restaurants'.
Cela permettra également de développer une multitude des goûts, même produit travaillé par différentes personnes de différentes manières, plutôt qu'une standardisation, une uniformisation des goûts. Car progressivement, et on y arrive, les gens perdent les saveurs réelles, brutes des produits et se laissent dicter de nouveaux goûts de synthèse, artificiels, dopés au sel, au sucre, aux antioxydants, aux épaississants en tous genres, et un jour, la cuisine d'un restaurant deviendra pas plus grande qu'une casserole où mijotera tranquillement de l'eau additionnée d'un sachet lyophilisé, et d'un cuisinier, qui n'en aura plus que le nom, et qui sera devenu aussi habile qu'un coiffeur avec sa paire de ciseaux.
Vive le restaurant avec de vrais restaurateurs et de vrais produits dedans.
Patrice OBEA
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bardeligne

jeudi 16 mai 2013

Tout à fait d'accord, tu as tout dit cher confrère, je n'ai rien à ajouter, sinon que, pourquoi ne pas faire comme en Allemagne? avoir des taux de TVA diffèrents selon le type de restauration, (produits cuisinés sur place ou produits réchauffés.
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sugrier

jeudi 16 mai 2013

Je suis tout à fait d'accord sur le principe que le restaurateur doit pouvoir offrir à la clientèle des produits avec un coût très maîtrisé suivant les budgets de chacun. Mais on ne peut cautionner que des produits préparés achetés (tel un moelleux au chocolat à 1.3€, ou une tarte aux pommes à 0.70€) soit revendus 5 à 6 fois plus cher. Là est la véritable tromperie !!

Alors si c'est cela de la restauration dans un restaurant : un coup de micro-ondes pour simple plus-valu alors oui défendons les artisans restaurateurs qui travaillent dur tous les jours à perpétuer une certaine idée de la gastronomie française que touristes et français apprécient et veulent découvrir.
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Maverick

jeudi 16 mai 2013

BRAVO et bien sur UN RESTAURANT est un lieu ou l’on fait de la cuisine. !!!!
Seuls ceux qui fabriquent sur place devraient pouvoir utiliser cette appellation.
Si, faire de l’assemblage c’est faire de la cuisine, comme le défend M Caraux, n’importe qui peux monter une assiette avec des produits estampillés Ducasse et prétendre être l’auteur du plat !!!!
Le client est perdu il ne sait plus ce qu’il y dans son assiette.
J’ACCUSE monsieur Laurent CARAUX en cheville avec les géants de l’agroalimentaire : sodexo brake France= Ducasse, Danone = Marx, Marc Veyrat = Leclerc, Cyril ligniac = Findus !!!... d’acheter nos grands chefs, coupables de consentement méprisable ! appuyé sur une franchise (el rancho) aux gouts discutables et discutés il défend une uniformatisation du process de fabrication, et il appel cela la cuisine du futur !!!!
J’ACCUSE monsieur laurent CARAUX de détruire la culture culinaire française à seul fin de protéger ses profits graisseux pour de gras actionnaires qui ne vont jamais manger chez lui, et je les comprends !!!!
Ensembles ils cherchent à museler la parole naissante des « Maître Restaurateur », qui par leur exigence professionnelle et leur exemple force à plus de transparence dans la provenance et la transformation des produits que l’on fait manger au français.

J’ACCUSE
« Le Collège Culinaire de France » de vouloir nous noyer notre action par la multiplication des labels
Moi thomas Chartier restaurateur indépendant depuis 20ans et maitre restaurateur depuis aout 2012, habitué, comme vous, valeureux indépendants, aux longs combats solitaires ; je vous le dit nous devons hurler et hurler encore !!
Nous devons interpeller le peuple de France le convaincre par notre amour exclusif des produits, des producteurs et de nos clients à remarquer notre différence.
A remarquer notre différence vis-à-vis des margoulins déguisés en aubergistes, des assembleurs de produits finis qui les trompent, les prennent pour des ignares sans palais.
Aux armes citoyens !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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